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Lire Poutine de près révèle son réalisme

Ce n'est pas l'invasion russe de la Crimée qui a mis fin à l'ère de l'après-Guerre froide. Celle-ci s'est terminée il y a déjà une décennie. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que les politiciens occidentaux et ceux qui forment l'opinion perdent la possibilité de continuer à se tromper.
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Ce n'est pas l'invasion russe de la Crimée qui a mis fin à l'ère de l'après-Guerre froide. Celle-ci s'est terminée il y a déjà une décennie. Ce qui se passe aujourd'hui, c'est que les politiciens occidentaux et ceux qui forment l'opinion perdent la possibilité de continuer à se tromper.

Ce n'est pas la première fois que cette histoire se répète. Chez les Américains, ce genre d'histoire remonte au moins jusqu'au Traité de Versailles, lorsque le président Woodrow Wilson cherchait à fonder la Société des Nations (SdN) «pour rendre le monde sûr pour la démocratie». La SdN n'a pas fonctionné pas comme il prévoyait, parce que le monde ne se comportait pas conformément aux croyances entretenues par Wilson à l'égard des croyances par lesquelles la vie internationale doit s'animer.

De la même manière, les croyances de Poutine ne se conforment pas aux croyances que les politiciens occidentaux lui ont attribuées, croyances que, selon eux, il «doit avoir». Mais l'erreur n'est pas de Poutine, par contre c'est la leur. Les politiciens, formateurs de l'opinion et diplomates occidentaux ne sont pas aussi réalistes qu'ils le pensent. Projeter sa propre pensée magique sur «l'Autre» n'est pas du réalisme pragmatique, c'est de l'idéalisme.

Il y a plus d'un demi-siècle, le professeur américano-suisse Arnold Wolfers de l'Université Yale essayait à expliquer aux Américains : «La distribution internationale du pouvoir, la situation géographique d'un pays, sa démographie, et sa conjoncture économique nationale jouent de rôles prépondérants quant à la manière où un État définit ses intérêts et calcule sa choix de comportement en matière de politique étrangère».

Le réaliste pragmatique aujourd'hui, c'est Poutine, et son ordre du jour à lui diffère de celui préféré des politiciens et des diplomates occidentaux. Lisez son discours sur la Crimée de la semaine dernière : «Aujourd'hui, il est impératif ... d'accepter l'évidence : la Russie est un participant indépendant et actif dans les affaires internationales ... [avec] ses propres intérêts nationaux qui doivent être pris en compte et respectés.» On ne peut pas être plus réaliste que cela.

Certes, son interprétation de l'histoire est biaisée. «L'infâme politique d'endiguement», a-t-il dit, «conduite aux XVIIIe, XIXe et XXe siècles se poursuit aujourd'hui.» Mais la politique célèbre d'«endiguement» (innovée par George Kennan) ne s'appliquait qu'après la Seconde Guerre mondiale.

Poutine s'aveugle au rôle fondateur de la Russie dans plusieurs des systèmes internationaux depuis le Traité d'Utrecht de 1713, lequel a unifié et le système international européen fondé sur l'institution de l'État. Il semble ignorer la participation intégrale de la Russie à des alliances diplomatiques européennes à travers des siècles.

Il a néanmoins compris la réalité internationale mieux que les idéalistes qui dirigent depuis des années la politique étrangère à Washington et à Bruxelles. «La situation en Ukraine», a-t-il dit, reflète le fait que «depuis la dissolution de la bipolarité [de la Guerre froide] sur la planète, nous n'avons plus de stabilité.»

Quand je participais à un échange scolaire à Moscou à la fin de l'année 1982, le professeur renommé Stanley Hoffmann de l'Université Harvard y passait et organisait un petit séminaire. À l'époque de la tension la plus grande entre les deux superpuissances, au moment où les Soviétiques venaient juste d'abattre le vol KAL007 de Korean Air Lines et lors du lancement du programme «Guerre d'étoiles» par le président Reagan, il nous a dit: «La question n'est pas de savoir si Reagan deviendra réaliste. Les Américains finissent toujours par devenir réalistes. La question est plutôt de savoir combien de temps il faudra pour que cela arrive.»

Pour cela, le président Jimmy Carter avait besoin de l'invasion de l'Afghanistan de 1979. Le président Barack Obama a eu besoin de l'invasion de l'Ukraine de 2014. La condamnation faite par l'ambassadrice américaine dans son discours à l'ONU a été particulièrement éloquente et directe, car Poutine a réussi à fausser de certaines théories, chéries des universitaires, de relations internationales. Sa thèse à lui : la force importe encore, elle peut importer encore plus que les idées et parfois beaucoup plus.

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