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«The Dark Prince Charming»: un Suisse à Gotham

Sans contredit «The Dark Prince Charming» fait partie des meilleures incarnations «batmanesques» des dernières années, en tout cas une des plus dynamiques et des plus élégantes.
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Il y a plusieurs années, le fils d'une de mes grandes amies, tout jeune à l'époque, me demandait qui était le plus fort entre Batman et Jésus. Une question très difficile à laquelle je n'avais aucune réponse. Encore aujourd'hui, quand je le revois et qu'en boutade il me repose la même question, je ne sais toujours pas quoi lui répondre. Tout au plus, je lui affirme qu'en termes de psychopathie le croisé en cape dépasse de loin ce doux poète vaguement hippie que fut le fils de Dieu. Et ce n'est pas avec la nouvelle mouture de Bruce Wayne signée Enrico Marini que la réputation de la chauve-souris va s'améliorer.

Et la chauve-souris fut

On le sait obsessif, le tristement célèbre Joker, on le sait prêt à tout pour en découdre avec le justicier de Gotham. Même si ça signifie enlever la présumée fillette du milliardaire playboy Bruce Wayne, histoire de forcer le Bat à venir le confronter, lui le sinistre clown dandy.

Dargaud

J'ai été surpris lorsque Dargaud a annoncé que Marini, élégant dessinateur des Aigles de Rome, de Rapace et du Scorpion acceptait l'invitation de DC de se frotter à l'univers de Bob Kane. Tout un défi pour le dessinateur, premier bédéiste de la planète bd franco-belge à incarner la chauve-souris. Comment le dessinateur au trait lumineux allait-il réussir à se mouler au monde glauque et dépressif de Gotham? Allait-il bien saisir l'essence de la création de Kane et de Bill Finger et la traduire efficacement sur papier? J'étais surpris certes, mais aussi excité et un peu plus à chaque fois que la toile lassait filtrer, au compte-goutte il est vrai, certaines de ses illustrations.

Et à mon plus grand plaisir The Dark Prince Charming surpasse ses promesses. Non seulement Marini, à qui DC a laissé beaucoup de latitude, excelle dans les spectaculaires scènes d'action presque cinématographiques, mais en plus il réussit à transposer avec évocation la folie meurtrière d'une Gotham aussi séduisante que dangereuse.

Très à l'aise dans le rythme du format Comic book, Marini intègre la force des récits à l'européenne, où les ellipses et les raccourcis sont moins importants, à la mise en page à couper le souffle des superhéros. Le résultat est un Batman graphiquement époustouflant, au scénario intelligent quoique classique – faut quand même avouer qu'il est difficile de révolutionner le personnage après Frank Miller, Alan Moore ou Grant Morrison - et aux personnages psychologiquement fascinants. Le meilleur des deux mondes pourrait-on dire sans se tromper.

dargaud

Sans contredit The Dark Prince Charming fait partie des meilleures incarnations «batmanesques» des dernières années, en tout cas une des plus dynamiques et des plus élégantes.

Où il est question de la terre, de l'eau et de la morve.

Il n'y a pas que Batman et les superhéros américains qui connaissent plusieurs vies sous la plume de nombreux dessinateurs, la tendance a aussi traversé l'Atlantique et de plus en plus de personnages franco-belges marquants font maintenant l'objet de relectures parfois ratées, d'autres fois réussies, mais toujours surprenantes.

Il fallait s'y attendre, après Spirou, Lucky Luke, Bob Morane, Achille Talon et Ric Hochet, il était presque normal qu'un héros aussi marquant que Valerian connaisse lui aussi les joies de ces nouvelles interprétations. Après Manu Larcenet c'est maintenant au tour de Lupano et de Lauffray de partir à la rencontre de Galaxity.

Dargaud

Et quelle rencontre! On ne pouvait rêver de meilleur tandem pour Valeruan que cette collaboration du talentueux scénariste des Vieux fourneaux et de l'incroyable dessinateur de Long John Silver, magnifique variation sur le thème de l'Île au trésor de Stevenson.

Difficile de résumer ce Shingouzlooz inc. Tout au plus on peut dire qu'on y retrouve les Shingouz, monsieur Albert, un androïde maitre du crime financier intergalactique, Sha-Oo l'assoiffeur des mondes, des clones de Laureline, un nombre incalculable d'arnaques, de coups de théâtre, des rebondissements spectaculaires et une théorie plus qu'audacieuse sur les origines de la vie sur la terre. Bref 56 pages de pur plaisir.

Tout comme pour Marini et son Batman, Lauffray et Lupano maitrisent à merveille l'univers mis en place par Mézières et Christin. Lupano reproduit brillamment les grandes forces des scénarios de Christin, il s'aventure avec assurance dans les terres de la dérision, du cynisme aiguisé, des préoccupations contemporaines, aux sonorités d'une grande aventure spatiale digne des meilleurs space operas tout en gardant sa propre personnalité. Le tout appuyé par le trait de Lauffray qui donne une dimension réaliste à l'univers graphique de la série. Subtilement, les deux auteurs intègrent la signature du tandem original à la leur, sans jamais bousculer nos habitudes «valeriannesques.»

dargaud

Si quelques fois les créateurs originaux peuvent être surpris des cures de jouvence de leurs créations. Christin et Mézières, eux, n'ont pas à rougir, ce nouveau Valerian s'inscrit parfaitement dans les sentiers qu'ils ont défrichés.

Une bédé surprenante, j'ai bien hâte à la prochaine relecture.

Marini, Batman, Dark Prince Charming, DC/Dargaud.

Lubiano, Lauffray d'après les personnages de Christin et Mézieres, Valerian, Shingouzlooz Inc, Dargaud.

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