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«Mortelle Adèle»: l'anti Boule et Bill

Quelques fois, les coups de cœur littéraires viennent de bouquins qui de prime abord, et pour toutes sortes de raisons aussi fallacieuses qu'incompréhensibles, n'ont rien, du moins le croit-on, pour nous séduire. C'est exactement ce qui m'est arrivé en lisant les albums de Mortelle Adèle, une hilarante, mordante et joyeusement caustique bd jeunesse
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Quelques fois les coups de cœur littéraires viennent de bouquins qui de prime abord, et pour toutes sortes de raisons aussi fallacieuses qu'incompréhensibles, n'ont rien, du moins le croit-on, pour nous séduire. C'est exactement ce qui m'est arrivé en lisant les albums de Mortelle Adèle, une hilarante, mordante et joyeusement caustique bd jeunesse, à mi-chemin entre les Simpson et les Nombrils. A l'occasion de la dernière édition du Salon du livre de Montréal, nous avons rencontré Antoine Dole, alias Mr Tan, créateur et scénariste de cet anti Boule et Bill très loin de cette jeunesse stéréotypée proposée par nos grands penseurs de la culture jeune public.

La comparaison avec la plus célèbre famille de l'Amérique et les personnages de Delaf et Dubuc fait visiblement plaisir à Mr Tan, auteur de roman «sulfureux » pour ados et parolier pour plusieurs rappeurs français en plus d'être scénariste bédé. « Quand j'ai créé Mortelle Adèle, il n'y avait pas beaucoup de choix en bd jeunesse. D'un côté il y avait celles pour les filles qui parlaient de chats, de paillettes et de couleur rose et de l'autre celles pour les garçons qui parlaient de trucs de garçons. J'ai trouvé intéressant de prendre le contrepied de cette tendance et d'offrir une héroïne qui pouvait aussi plaire autant aux filles qu'aux garçons », explique celui qui a été nourri par les Mafalda, Calvin et Hobbs, Peanuts et autres personnages hors normes, véritables ovnis dans l'univers d'une certaine bande dessinée jeunesse teintée de rectitude. « J'ai grandi en les lisant et j'avais l'impression qu'on avait un peu perdu la saveur de ce type de personnages. J'ai donc décidé de les remettre au goût du jour. »

Et le qualificatif hors norme colle à merveille à cette Adèle qui défie les règles, déteste son chat, fabrique des zombies et rêve de devenir la présidente de la galaxie pour éradiquer les maîtresses d'école. Loin d'être parfaite, elle balance à tout vent, sans filtre et à notre plus grand plaisir, ses réflexions percutantes et ses vannes aussi irrévérencieuses qu'irrésistibles. « Les enfants comprennent très bien le second degré. Ils sont beaucoup plus malins qu'on le pense. Ils comprennent quand on pousse le bouchon trop loin. Comme adulte on a tendance à ne pas leur faire assez confiance et à leur proposer des bouquins où ils apprennent à vivre » comme s'ils n'étaient pas assez intelligents pour comprendre l'humour.

Le choix de Mr Tan, bien qu'audacieux à rapidement été plébiscité par les jeunes Français qui ont rapidement adopté son Adèle malgré les hésitations des penseurs du monde de la littérature jeunesse. « Au début, ces intervenants ne savaient pas quoi faire avec elle. Ils hésitaient à recommander aux parents une bande dessinée dont la petite fille s'amusait à mettre son chat dans le four à micro-ondes. Mais les enfants ont compris que c'étaient des blagues rigolotes et ce sont eux qui l'ont l'imposée. » Avec le résultat que plus ou moins 450 000 jeunes lecteurs ont déjà acheté un ou plusieurs albums de la série.

Si Mortelle Adèle s'est imposée sans tambour ni trompette dans l'Hexagone, tout laisse croire que le même phénomène est en train de se reproduire ici. Distribuée confidentiellement sur notre territoire, « ce qui ne sera plus le cas puisque nous sommes maintenant diffusés par Hachette Canada », la création de Mr Tan a quand même su gagner le cœur des jeunes Québécois. « Comme en France Mortelle Adèle est rentrée par les cours de récréation. » Grâce au bouche-à-oreille, il s'est créé une communauté de fans assez importante pour lui offrir un bel avenir ici comme l'auteur a pu le constater lors de ses séances de dédicaces et de ses ateliers scolaires tout au long du Salon du livre.

Cette dernière activité lui a aussi permis de jauger l'importance que prenait le personnage dans l'imaginaire de nos gamins. « J'ai créé le personnage, maintenant dessiné depuis 2014 par Diane Le Feyer selon l'univers graphique créé par Miss Prickly, quand j'avais 14 ans. J'étais timide à l'époque, je n'osais pas parler aux autres et Mortelle Adèle me permettait de dire ce que je n'aurais pas eu le courage de dire si elle n'avait pas été là. Quand par exemple un copain arrivait à l'école sans avoir mis de déodorant, je dessinais une Adèle qui lui disait « tu pues » et je lui donnais le papier. Bon, ce n'était pas le meilleur moyen pour se faire des copains, mais ça permettait de passer des messages et de faire rire les autres. Elle a donc été construite en réaction à ma timidité. »

Et si pour Antoine Dole, Adèle lui a permis de libérer sa parole, il soupçonne qu'elle a le même rôle pour tous les jeunes. « Il faut laisser aux jeunes la possibilité de s'exprimer. On en fait pas des enfants pour les mettre sous des vitrines, on en fait pour qu'ils soient libres, qu'ils soient vivants, qu'ils explorent le monde et qu'ils y mettent leurs empreintes. Et ce n'est possible que si on leur laisse la place pour le faire », et cette place passe par la prise de parole, même si elle n'est pas toujours politiquement correct comme l'a si bien compris Adèle.

Les 11 tomes de Mortelle Adèle sont publiés aux éditions Tourbillon.

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