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«Midi-Minuit»: pavane pour un cinéma défunt

Surprenante BD sur fond de polar, elle rend un hommage irrésistible à ce cinéma mal-aimé, longtemps considéré par les intellectuels de la culture comme étant «cheapo» et honteux.
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Rosemont, début des années '80, les parents de mon pote de toujours, Benoit Chénier, une véritable encyclopédie cinéma, s'équipent d'un magnétoscope. Véritables rats de vidéothèques, nous nous sommes mis à explorer les nombreux clubs vidéo du quartier pour dénicher ces fameux films populaires italiens à petit budget – ah Sergio Corbucci, Umberto Lenzi et autres Lucio Fulci – qui occupaient une belle part de la programmation des fins de soirée de Télé-Métropole et qui faisaient nos délices.

Pendant les années qui ont suivi, nous nous sommes repus d'une quantité indescriptible de ces films pleins de cannibales, de zombies, de cow-boys dégingandés, de malfrats sanguinaires, de flics violents et de politiciens corrompus.

Cinéma ferox

Ce sont ces souvenirs qui sont remontés à la surface dès la première page de Midi-Minuit la bande dessinée de Doug Headline et Massino Semerano, vibrant hommage à ce cinéma populaire disparu depuis de nos mémoires, même s'il a vu des cinéastes comme Dario Argento, Mario Bava ou Sergio Leone y acquérir leurs lettres de noblesse.

Dupuis

1999, à l'aube du nouveau millénaire. François Renard et Christophe Lemaire, cinéphiles passionnés et collaborateurs pour une revue cinématographique, se rendent à Bologne rencontrer Marco Corvo. Ce cinéaste maudit, compagnon de pellicule de Leone, de Corbucci et de plusieurs autres icônes de ce cinéma italien en rupture avec le néoréalisme à la mode, est éreinté par la critique et abandonné par les producteurs, qui le trouvent trop expérimental et pas assez «boxofficiable». Il est disparu dans la nature depuis l'arrêt dramatique de son chef-d'œuvre, Lumière noire, qui a été interrompu à la suite de la disparition de sa vedette, muse et amour Luisa Diamanti. Mais la visite des deux journalistes réveille de vieux démons qui ne demandaient pas mieux que de sortir des catacombes obscures où ils étaient enfermés depuis sa retraite.

Surprenante bédé sur fond de polar, Midi-Minuit est un irrésistible hommage à ce cinéma mal-aimé, longtemps considéré par les intellectuels de la culture comme étant «cheapo» et honteux. Il connaît une nouvelle gloire depuis le succès de Quentin Tarantino, même s'il n'a pas survécu à l'arrivée des années '90.

Mario Bava

Avec un sens efficace du récit, les auteurs nous guident à travers ses coulisses, à l'aide d'images évocatrices soigneusement choisies qu'ils intègrement judicieusement dans l'histoire. À travers les souvenirs de Corvo, qui a connu tous les cinéastes, les comédiens, les techniciens et les producteurs, c'est littéralement l'histoire récente de l'Italie et de son cinéma populaire qui défile devant nous, entremêlé d'une enquête policière qui aurait pu être le scénario d'un des ces fameux films de gangsters à l'italienne.

Vibrante lettre d'amour pour la réhabilitation du genre, Midi-Minuit est un moment de pur bonheur, qui plonge les plus vieux d'entre nous dans un tourbillon des réminiscences réconfortantes au parfum des heures de plaisir que ces longs métrages ont procuré et qui donne envie de revoir ses plus belles réussites.

À quand maintenant une bédé sur Roger Corman? Juste la perspective me fait déjà saliver.

Une découverte réjouissante!

Je me nomme Légion

Septembre 2018 marque le 66 anniversaire d'Anneliese Michel, une jeune Allemande morte le 1 juillet 1976 des suites d'une possession démoniaque. Elle aurait été possédée par Lucifer, Judas Iscariote, Néron, Caïn et Hitler lui-même. Son décès, qui amena la justice allemande à poursuivre les deux exorcistes, est devenu l'objet d'un film hollywoodien L'Exorcisme d'Emily Rose.

Encore aujourd'hui la jeune Michel reste le cas le plus documenté de possession, les deux prêtres ayant pris soin d'enregistrer chaque séance d'exorcisme. Si l'affaire Anneliese Michel est marquante, elle n'est qu'une des nombreuses manifestations semblables abordées par l'historien et journaliste spécialisé en expériences religieuses et phénomènes mystiques, Patrick Sbalchiero. Il en fait le récit dans son incontournable Enquête sur les exorcismes, une histoire du diable, le livre que tout amateur de fantastique doitavoir dans sa bibliothèque.

Perrin

Rigoureux, le journaliste recense la pratique de l'exorcisme depuis la naissance des cultes organisés. Avec un sens exceptionnel de la vulgarisation, il aborde autant le rite dans les religions du livre, que sont le christianisme, le judaïsme et l'Islam, que dans les païennes, sans jamais prendre position, infirmer ou confirmer l'existence des possédés. Véritable encyclopédie, l'étude impressionne par la richesse de sa recherche, la force de son argumentaire et son écriture inspirée.

Aucun détail n'échappe au regard aiguisé de Sbalchiero qui, à partir de textes évocateurs et significatifs, raconte l'évolution des pratiques d'exorcisme au gré des changements de l'Histoire. Ainsi, on peut voir certaines figures maléfiques - comme ce bon vieux Pazuzu, le démon évoqué dans l'Exorciste de Friedkin, démon babylonien porteur de malaria - être adoptées et prendre place dans le panthéon infernal des autres peuples qui composaient la mosaïque du Croissant fertile, témoignage d'un véritable métissage religieux.

Columbia pictures

Analyse historique qui se lit comme un roman, Enquête sur les exorcismes est l'ouvrage le plus complet sur la question et permet de détruire ces légendes urbaines et ces mythes populaires qui, influencés par l'iconographie des productions à la Conjuration, ont fini par se substituer à la réalité et à s'imposer dans la mémoire populaire.

Doug Headline, Massimo Semerano, Midi-Minuit, Dupuis.

Patrick Sbalchiero, Enquête sur les exorcismes, une histoire du diable, Perrin.

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