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Maxime Chattam: la lumière dans les ténèbres

Explorateur des ténèbres, pour reprendre les propos d'une publication russe, Maxime Chattam parcourt depuis le début du nouveau millénaire les sentiers les plus inavouables de la nature humaine.
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Explorateur des ténèbres, pour reprendre les propos d'une publication russe, Maxime Chattam parcourt depuis le début du nouveau millénaire les sentiers les plus inavouables de la nature humaine. À l'occasion de son passage au Québec, où il nous présentait son tout nouveau roman Que ta volonté soit faite, nous avons rencontré celui qui a renouvelé les littératures de l'imaginaire «made in France». Rencontre avec le spéléologue de l'obscurité.

«Quand mon attaché de presse m'a montré ce qu'avait écrit un grand quotidien russe, j'ai trouvé ça un peu exagéré, mais drôle.» Si à l'époque l'auteur de La patience du diable trouvait la comparaison un peu sensationnaliste, il reconnaît maintenant que le journal avait raison. «Effectivement c'est ce que je fais. Je descends au cœur de la noirceur humaine et je la décrypte pour connaître son influence sur nos vies. Quand on connaît notre part des ténèbres, on devient plus conscient de ce qu'on fait et on peut même corriger certaines petites choses», rajoute l'auteur que Bernard Werber à déjà qualifié d'écrivain de l'obscurité. «Mais il a aussi dit qu'il était lui un écrivain de la lumière», rajoute-t-il sur un ton enjoué. «Il trouvait que nous nous complétions à merveille, lui qui dissèque la civilisation humaine dans ce qu'il y a de plus beau et de positif et moi qui creuse dans les catacombes de l'humanité pour déterrer tout ce qu'on cache et qu'on ne veut pas dire.»

La douce poésie du fil de fer.

Une description assez proche de la vérité puisque roman après roman Chattam s'embarque pour de sombres randonnées dans les tréfonds les plus obscurs de l'âme et de la société humaine, des lieux où la frontière entre le fantastique et le thriller est plus ténue, où la réalité et le surnaturel s'enlacent dans un séduisant baiser macabre. «J'aime écrire des histoires réalistes saupoudrées d'éléments étranges qui déstabilisent le lecteur, qui l'amène à se poser des questions» et à douter de la réalité perceptible pourrait-on rajouter. Un modus operandi déjà utilisé dans les romans fantastiques du XIXe siècle. «Mais à la différence des auteurs de cette période, je retombe toujours sur mes pattes et mes conclusions restent toujours cartésiennes.»

Tel un équilibriste, l'Herblaysien valse sur cette minuscule frontière décrivant avec une précision chirurgicale la folie, au parfum vicié et inquiétant de religion, de ceux qui y habitent. «Oui la religion est très présente dans mes romans. Mais je n'ai pas le choix, on ne peut pas parler de la société et de l'homme sans traiter de la religion. La religion nous a construit et c'est encore plus vrai aux États-Unis où elle joue un rôle fondamental dans la vie», explique-t-il, citant comme preuve le célèbre In God We Trust des billets de banque américains.

Le côté sombre du pays d'Oz

Cette préoccupation religieuse est naturellement au coeur dans son dernier roman dont l'histoire se déroule au Kansas rural des Trente Glorieuses. Un État du tournesol figé, à peine différent de celui dans lequel habitait la Dorothy du Wizard of Oz, où se rencontrent et se confrontent des conceptions et des traditions religieuses, quelques fois antagoniques, issues de différentes traditions européennes. «Ce sont des fils et des petits-fils des pionniers américains, ils ont vécu le combat permanent pour s'installer. Ce sont des gens qui ont souffert et qui ont ça dans le sang.»

Un décor parfait pour l'auteur qui avec sa plume le transforme en un inquiétant théâtre tout droit sorti d'un excellent thriller social très dur. « À la limite ce village c'est de la décoration. Ce qui est important c'est qu'on y trouve toutes les caractéristiques du comportement humain, le combat pour la vérité, la violence, le fantasme de la pulsion criminelle, des éléments qui se retrouvent dans toutes les sociétés occidentales. Après mon travail c'est de les adapter à cet endroit et à cette période. Vous savez quand j'ai eu l'idée de cette intrigue, je n'ai pas décidé qu'elle devait se dérouler au Kansas. Non, ça s'est imposé à moi. L'histoire devait se passer dans l'Amérique rurale des années 50», renchérit l'auteur.

Et au-delà du sempiternel thriller où Chattam excelle, Que ta volonté soit faite remet aussi en question le rôle traditionnel du lecteur, le transformant en un acteur de l'intrigue. «Je trouve que dans les romans policiers les lecteurs n'ont pas beaucoup de place, ils sont tenus par la main du début, et ce, jusqu'à la fin. Ils n'ont pas vraiment de rôle à jouer.» Comme son nouveau roman était son 20e, l'auteur, peut-être pour se réinventer, a eu envie de briser cette convention en interpellant le lecteur sur sa fascination pour le meurtre. « Si le thriller et le fantastique existent c'est parce que le lecteur est fasciné par le mal et la violence. Ma conclusion l'amène à s'interroger sur sa responsabilité dans le dénouement de l'intrigue. Ce roman est un roman sur cette fascination.»

Chattam serait donc cette fameuse petite veilleuse que l'on allume le soir avant de se coucher pour ne pas se faire avaler par les menaces qui habitent les ténèbres autour de nous. « J'aimerais bien », conclut l'auteur en riant.

C'est le 10 avril dernier que le Festival International de bande dessinée de Québec remettait ses fameux prix Bédéis Causa. Parmi les heureux récipiendaires notons le Grand prix de la Ville de Québec accordé à Thierry Lamy et Mikael pour Promise - tome 2 le Prix Albéric-Bourgeois remis à Julie Rocheleau pour son deuxième tome de La Colère de Fantômas et le Réal-Filion à Blonk pour son 23h72. Pour la liste complète des gagnants vous pouvez visiter le : www.fbdfq.com

Maxime Chattam, Que ta volonté soir faite, Albin Michel

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