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«Lucky Luke»: les tribulations d'un Lyonnais au Far West

Bien que ça fait plus de 15 ans qu'il chausse les bottes de Morris, le personnage mythique de «Lucky Luke» a été tout un défi pour le dessinateur Achdé.
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Depuis 2003, Hervé Darmenton, Achdé si vous préférez, parcourt avec sa plume, son pinceau et son Lucky Luke les plaines infinies et les paysages arides du Far West. Du cuisinier français à Un cow-boy à Paris, ça fait plus de 15 ans qu'il chausse les bottes de Morris. De quoi marquer profondément le dessinateur lyonnais. À l'occasion de sa visite au Salon international du livre de Québec nous avons rencontré le tuteur du cow-boy qui tire plus vite que son ombre. Rencontre avec un parrain comblé.

Parrain, l'expression semble plus juste que tuteur ou repreneur, des mots teintés d'un certain mépris. Parrain parce qu'après plus de 15 ans, l'influence du bédéiste est maintenant palpable chez Lucky Luke, qui n'est plus tout à fait comme celui de Morris. «Au lieu de me demander ce que j'ai lui ai apporté, il faudrait plutôt se demander ce qu'il m'a donné», rigole-t-il au téléphone.

«Non blague à part, disons que j'ai développé plus sa psychologie, son tempérament. Je me suis placé un peu plus dans sa tête. J'ai essayé d'illustrer ses émotions. Vous savez, Lucky Luke a un visage fermé. J'ai donc tenté de lui insuffler plus d'émotions, par exemple dans Un cow-boy à Paris, je l'ai dessiné indisposé par le mal de mer et ça parait sur son visage. Graphiquement, je le maitrise mieux et je me demande moins maintenant ce qu'aurait fait Morris.»

Courtoisie

Personnage mythique qui a dépassé depuis longtemps les frontières de la bande dessinée, Lucky Luke était tout un défi pour le dessinateur qu'on connaissait pour sa série CRS = détresse et ses héros plus caricaturaux aux gros nez. «Ironiquement, mon dessin a toujours été proche de Morris. En début de carrière, j'avais un style humoristique et semi-réaliste, mais on me refusait partout. En fait, j'ai fait du gros nez pour être publié parce que c'est ce que recherchaient les éditeurs», souligne le dessinateur qui n'a pas accepté d'emblée de reprendre le célèbre vacher.

«Je me suis posé beaucoup de questions avant d'accepter. C'était l'époque où les personnages mouraient avec leurs auteurs et les reprises vues comme une trahison. Morris faisait un peu bande à part, il avait compris qu'il avait créé un monument qui ne lui appartenait plus tout à fait». Un monument que s'était approprié chaque lecteur qui au fil des lectures l'avait interprété à sa façon. «Quand on m'a contacté, j'ai demandé à passer un essai pour savoir, oui, si j'étais à l'aise graphiquement, mais aussi pour savoir si mon image de lui répondait à ce que Mme Morris voulait. J'étais déjà un grand lecteur de ses aventures et, comme tous les lecteurs, je m'étais construit ma propre vision de son univers. Graphiquement, ma période préférée se situe entre Calamity Jane et La guérison des Daltons

Courtoisie

L'essai de Achdé a manifestement plu puisque quelques semaines après il se retrouvait aux commandes du personnage. «Madame Morris a eu l'extrême gentillesse de me laisser travailler sur la période que j'aimais de Lucky Luke», renchérit celui qui ne tarit pas d'éloges sur le rôle de l'épouse de Morris. «Elle m'a donné de précieux conseils. Elle m'a même permis de lui inventer un passé avec Kid Lucky

Même si le cow-boy d'Achdé se transforme délicatement, le bédéiste reste quand même le gardien des grandes caractéristiques que son Morris a mises en place. Un rôle d'autant plus essentiel qu'il fait appel régulièrement à des scénaristes différents. Une stratégie qui augmente les probabilités de présenter des Lucky Luke différents d'un album à l'autre. «C'est souvent l'éditeur qui me propose des scénaristes. Mais il est évident que je dois m'habituer à eux. Laurent Gerra par exemple a le sens de la répartie, il maitrise les gags et les phrases punchées, mais il n'est pas tout à fait au point pour réaliser une longue histoire. Il fait plus des sketches, Pennac et Benacquista, eux, savent parfaitement raconter une histoire, ce sont des romanciers et des scénaristes, mais l'humour c'est moins leur tasse de thé», explique le créateur qui semble avoir trouvé avec Jul le partenaire parfait.

Courtoisie

«Le prochain sera encore avec Jul. Il comprend bien Lucky Luke et comme il vient de la bande dessinée il connait le médium. Avec lui j'ai le meilleur de deux mondes, il connait la scénarisation, la bande dessinée et l'humour alors pour l'instant tout est parfait... jusqu'au prochain divorce», rajoute-t-il dans un immense éclat de rire.

Ce qui ne veut pas dire que tout est parfait, puisque Jul est reconnu pour sa série Silex and the city, une bande dessinée humoristique décapante, mais collée sur l'actualité. Ce qui n'est pas l'apanage de notre cow-boy préféré.

«Je tente toujours de le limiter, même si quelques fois j'en laisse passer. Si nous ne sommes pas d'accord, c'est l'éditeur qui tranche. Mais il a bien compris qu'il ne faisait pas du Silex and the city et, peu à peu, il revient vers un humour plus intemporel, car aujourd'hui, l'humour de «mode» ou «d'actualités» disparait très vite. Là où je suis tatillon, c'est sur la chronologie historique et les faits de l'histoire. On ne peut pas jouer avec ça. Il faut respecter l'histoire et le caractère de Lucky Luke

Sinon, le pauvre Jul risque de se retrouver dans une de ses passoires carcérales qui jalonnent l'Ouest du lonesome cow-boy.

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