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L'indispensable Cauvin

Parmi tous ces grands auteurs, un n'est toujours pas reconnu à sa juste valeur par l'intelligentsia: Raoul Cauvin.
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Durant ses trois quarts de siècles d'existence, le beau journal de Spirou a accueilli, dans ses pages, de grands bédéistes, de très grand mêmes, que l'on pense à Franquin, Roba, Peyo, Morris, Jijé et autres Tillieux qui ont façonné le 9e art. Parmi tous ces grands auteurs, un n'est toujours pas reconnu à sa juste valeur par l'intelligentsia bédéesque : Raoul Cauvin. C'est maintenant chose faite, grâce à Patrick Gaumer et à sa superbe biographie sur le père des Tuniques bleues, des Gorilles, de Pierre Tombal et de plusieurs autres personnages marquants de la bd franco-belge.

« Il y a effectivement une certaine critique, parisienne, il faut bien le préciser, qui lui en a toujours voulu. On lui reprochait, à une certaine époque, de faire du populaire. Mais on le reprochait aussi à Georges Lautner, le père des Tontons Flingueurs. Ironiquement, aujourd'hui, on célèbre Lautner «comme on aime bien lire un vieux Cauvin», explique Patrick Gaumer, rejoint à son domicile parisien. « Le succès rend certaines personnes jalouses », ajoute-t-il en précisant que le jugement suffisant de la critique parisienne n'a toutefois pas été partagé par la fratrie de la bande dessinée. C'est pourquoi, dans sa biographie, le journaliste donne une large place aux collègues de Cauvin. « J'avais envie que ce soit eux qui en parlent, pas les critiques », souligne le journaliste qui reconnaît avoir une affection particulière pour le scénariste prolifique.

« Vous savez, j'ai appris à lire avec Cauvin. Je suis né en 1957, à l'époque où il commençait à travailler pour Spirou. Il a d'ailleurs fait quelques gags pour Gaston durant cette période. Pour moi Cauvin c'est avant tout des souvenirs de gamin. Mais Cauvin c'est aussi plus que ça, c'est un créateur qui a su aborder des sujets moins traités par la bande dessinée humoristique. Il ne faut pas oublier que durant les années 80 il a parlé de la maladie avec les Femmes en blanc et de la mort avec Pierre Tombal. » Gaumer aurait pu aussi ajouter l'antimilitarisme, la psychiatrie ou encore le racisme avec son Black Face un des épisodes les plus réussi des Tuniques bleues. « Il a aussi quelques fois poussé le bouchon un peu loin, surtout pour un journal familial comme Spirou. Il y a, par exemple, son gag sur la résurrection de Lazare dans Pierre Tombal qui lui a valu je ne sais pas combien de lettres d'insultes.»

Ce n'est pas la seule voie originale qu'a empruntée le scénariste qui a commencé comme dessinateur de grilles de mots croisés, lettreur et caméraman au département de dessin animé pour les éditions Dupuis. Il est l'un des premiers à avoir exploré l'autobiographie - « il l'a fait avant qu'on nomme ça de l'auto fiction », s'empresse de rectifier le biographe- avec Pauvre Lampil où il se met en scène avec le dessinateur Willy Lambil. La série raconte sur un ton humoristique, mais plus adulte les relations tumultueuses -inspirées de ses propres expériences et de celles de certains de ses collègues- entre un tandem de bédéistes dépareillés à la Odd Couple de Neil Simon.

Si Cauvin explore avec succès ces nouvelles voies, c'est aussi parce qu'il sait choisir des dessinateurs qui vont lui permettre d'exploiter de nouveaux filons sans pour autant dénaturer ni son style ni celui de ses collaborateurs. Autant à l'aise avec le dessin semi-réaliste de Lambil avec celui plus nerveux de Berck, plus cartoonesque de Mazel, plus baveux de Bercovici ou plus élégant de Bédu, Cauvin se met au service du talent de ses collaborateurs et concocte des histoires qui mettent en valeurs leurs grandes qualités graphiques. « Il a un humour à la fois très graphique et très fluide et il maîtrise à la perfection le sens de l'enchaînement. Il sait raconter une histoire. Et il ne faut pas oublier son énorme capacité de travail. À une certaine époque, il animait presque une douzaine de séries dans Spirou. Quand on regarde les sommaires de certains des numéros publiés ces années-là, il est présent dans presque toutes les pages»

À 75 ans et des poussières, Cauvin n'entretient pas de regrets selon Gaumer « Il a réussi à faire ce qu'il voulait. Bien sûr il a quelques petits regrets, par exemple l'échec de Coup de foudre une histoire dessinée par David De Thuin qui mettait en scène l'improbable histoire entre une vache amoureuse et un taureau transsexuel. Il avait essayé de faire autre chose, mais ça n'a pas marché. Il aurait aimé aussi travailler avec Zidrou. Mais bon ce sont des regrets qui durent que quelques minutes et après il repense à l'avenir » conclu avec un enthousiasme communicatif Patrick Gaumer.

Le biographe a bien raison puisqu'il y a quelques semaines le scénariste, avec la complicité de Curd Ridel, se lançait dans l'aventure du crownfunding - ce financement fait par les internautes - en publiant chez Sandawe Le bâtard des étoiles.

Patrick Gaumer. Cauvin : la monographie, Dupuis.

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