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«Le monde est à pleurer», chantait Jean Leloup. C'est la conclusion qui s'impose quand on regarde Tyler Cross et Charles Christopher, victimes d'une mauvaise réputation, d'un physique différent, du regard apeuré des autres, de l'envie du pouvoir et d'un paquet d'autres considérations pas toujours chrétiennes. « Allez hop un peu de sincérité, le monde est à pleurer! »
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«Le monde est à pleurer», chantait Jean Leloup. C'est la conclusion qui s'impose quand on regarde Tyler Cross et Charles Christopher, victimes d'une mauvaise réputation, d'un physique différent, du regard apeuré des autres, de l'envie du pouvoir et d'un paquet d'autres considérations pas toujours chrétiennes. « Allez hop un peu de sincérité, le monde est à pleurer! »

Tyler Cross

Après avoir accepté un contrat pourri, Tyler Cross, un braqueur notoire recherché dans plusieurs États des États-Unis, se retrouve coincé à Black Rock, un bled paumé du Texas sous la coupe d'une famille de dégénérés. Malheureusement pour cette minuscule chiure de mouche perdue au milieu du désert, Tyler est contraint d'y rester quelques jours. Superbe bande dessinée noire signée Nury et Brüno, Tyler Cross est une œuvre réjouissante sous plusieurs aspects.

Après W.E.S.T. où il exploitait l'uchronie, La mort de Staline où il revisitait le thriller historico-politique, ou encore Silas Corey où il rendait hommage aux feuilletonistes à la Maurice Leblanc (Arsène Lupin), Pierre Souvestre et Marcel Allain (Fantçomas), Fabien Nury s'attelle maintenant au roman noir.

Comme pour ses œuvres précédentes, Nury nous entraîne dans une histoire rythmée et intelligente, aux limites des codes du genre. Appuyé par le dessin dynamique de Brüno, à la fois proche d'Hugo Pratt - dans ses superbes scènes de désert - et Christopher Jones, pour le côté grotesque de ses personnages. Nury concocte un univers presque tragique où le côté sombre du rêve américain colle aux baskets de Cross comme il collait aux personnages de David Goodis quand ils arpentaient le boulevard des rêves brisés.

À la façon de Quentin Tarantino, mais encore plus du Oliver Stone de U-Turn, le scénariste explore la démesure de personnages influencés par un environnement brûlé par un soleil de plomb, le vent chaud du Mexique et le vide impitoyable du désert. L'occasion est fabuleuse pour le scénariste de créer des personnages imposants et des minables plus petits que nature. L'énorme fantôme d'Orson Welles, l'ombre de Sans Nom (le Clint Eastwood de Leone), le parfum de Daniel Day-Lewis (dans There Will Be Blood) et l'écho de la slide guitar de Ry Cooder colorent chacune des pages de cette bande dessinée qui goûte le sable et la sueur. Une belle surprise.

L'abominable Charles Christopher.

Première parution de la toute nouvelle maison d'édition québécoise Lounak, la bande dessinée de Karl Kerschl mérite le détour. Charles Christopher, yéti de son état, se retrouve sans qu'on sache pourquoi - et on s'en fout un peu- protecteur d'une forêt menacée par les humains. À travers la quête du sympathique monstre, on découvre le quotidien de cette étrange forêt où les animaux parlent, les oiseaux s'enivrent, les lapins font du théâtre et les hiboux sont désabusés.

Encensée par Régis Loisel et Neil Gaiman et auréolée de l'Eisner Award (États-Unis) et du Shuster Award (Canada) pour le meilleur webcomic, la création du bédéiste canadien est une véritable bouffée de poésie rafraichissante. Chaque nouvelle planche nous fait découvrir un univers riche où l'humour, la tristesse, l'espoir et l'angoisse valsent dans la tourmente des préoccupations quotidiennes des habitants de la forêt. Et si certains strips font rire à haute voix, d'autres, au contraire, nous émeuvent et nous donnent presque envie de pleurer devant l'implacable mauvaise foi du destin.

Neil Gaiman compare l'abominable Charles Christopher à une rencontre entre Walt Kelly, Jeff Smith et la mythologie sumérienne. Pour l'univers sumérien, je laisse ça au père de Sandman,, mais pour la rencontre entre Kelly et Smith, il y a du vrai dans ses propos. Effectivement, on pense à Pogo de Kelly et à Bones de Smith en lisant Kerschl. Mais on reconnaît aussi un soupçon du lyrisme aux teintes existentielles de Bill Watterson (Calvin et Hobbes) dans l'univers de celui qui a aussi travaillé sur Superman, Teen Titans et plusieurs autres productions DC.

C'est une belle rencontre que nous propose Lounak et on espère qu'elle ne sera pas unique, et que bientôt nous pourrons encore replonger dans la poésie de Karl Kersch et de son étrange monde animalier.

Tout un hommage pour le bédéiste Christian Quesnel. En effet, l'auteur verra sa bédé symphonique Ludwig présentée aux sénateurs français le 14 décembre prochain lors d'un diner officiel célébrant l'anniversaire de l'immortel père de la 5e symphonie. En plus du livre, l'adaptation vidéo de la bande dessinée, sera présentée avec la musique qui accompagne l'ouvrage, l'Allegro du Concerto pour piano no 5, interprété par l'Orchestre symphonique de Gatineau.

Toujours à propos de Quesnel, les hommages ne s'arrêtent pas là. Notre Assemblée nationale l'a aussi félicité, le 13 novembre dernier, pour l'ensemble de son travail. Une belle fin d'année pour le sympathique bédéiste.

Nury, Brüno, Tyler Cross Dargaud

Karl Kersch, L'abominable Charles Christopher Lounak

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