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Le fond de l'air est Fred!

Belle surprise en ce début d'année, une nouvelle bédé de Tardi, qui n'est pas tout à fait une bédé et un nouveau Fred, qui n'est pas tout à fait nouveau.
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Belle surprise en ce début d'année, une nouvelle bédé de Tardi, qui n'est pas tout à fait une bédé et un nouveau Fred, qui n'est pas tout à fait nouveau. Une merveilleuse occasion pour célébrer la place fondamentale qu'ils occupent dans le panthéon des légendes du 9e art.

Le retour du naufragé

Mai 1975, à la bibliothèque de Rosemont, où j'allais chercher mes bédés, une série n'était à peu près jamais empruntée par nous autres jeunes garnements, plus intéressés par Astérix, Lucky Luke et Tintin. Il faut dire que cette étrange histoire de puisatier naufragé, de son ami adolescent, d'un vieil incrédule bourru, d'un âne qui parle et d'un oncle qui détenait des savoirs ancestraux oubliés de notre monde dépourvu de poésie et d'imagination, déstabilisait les rares qui osaient la lire. Et, n'eût été l'absence de Lucky Luke, de Tintin et d'Astérix, tous empruntés - à part La Mine d'or de Dick Digger, Astérix le Gaulois et Tintin et les Oranges bleues - par d'autres gamins plus rapides que moi et un besoin irrésistible de lire une bande dessinée, jamais je ne me serais aventuré sur le chemin du château suspendu, quatrième aventure de celui que l'on nommait, induit en erreur par la couverture, Fred Philémon. Pourtant cette rencontre plus ou moins désirée me fit l'effet d'un coup de poing, premier contact avec l'humour absurde, premier contact inoubliable avec Fred et premier contact avec un univers que je fréquente depuis.

Alors imaginez le cadeau que Dargaud m'a fait en publiant Autour de Philémon, recueil de courts récits de Philémon, de jeux, de couvertures et de travaux qu'il a fait pour Pilote Mâtin quel journal!, d'un de ses rares synopsis - un exercice qu'il détestait - d'études de personnages, d'une analyse éclairante signée Thierry Groensteen - un des exégètes incontournables de la bande dessinée - et de quelques magnifiques images du pilote du film d'animation que devait produire Roger Frappier.

Dès l'ouverture du bouquin, la magie opère encore une fois. Il ne suffit que d'un dessin de Fred pour que ses personnages prennent d'assaut de nouveau les pages et retrouvent une vie dont ils avaient été privés injustement depuis le Train ou vont les choses, dernier opus du génial bédéiste qui bouclait majestueusement la saga de Monsieur Barthélémy prisonnier des lettres de l'océan Atlantique.

«Je n'ai pas envie de revenir en arrière. À partir du moment où j'ai posé le mot FIN, je laisse mes personnages se débrouiller tout seuls, se balader dans leurs cases, se parler, se disputer, se réconcilier», disait Fred. Et c'est exactement ce que Dargaud a permis avec Autour de Philémon, un dernier tour de piste pour des personnages qui m'ont profondément marqué - même si hélas je suis devenu un criticakouatique, la preuve que nous sommes bien peu de choses - comme de vieux amis que je retrouve après des années d'absence.

Un magnifique voyage dans un passé réconfortant qui nous rappelle combien Fred fut un artiste marquant.

Mieux vaut Tardi que jamais

Si Autour de Philémon nous fait la belle surprise de présenter des illustrations de ce qu'aurait pu être une adaptation en dessin animé de son univers, l'histoire d'un monde truqué, lui, met en lumière le travail de Jacques Tardi surAvril et le monde truqué, une inspirante uchronique steampunk animée signée Franck Ekinci et Christian Desmares bientôt à l'affiche au Québec.

Et qui de mieux pour raconter l'apport essentiel de Tardi au film que son grand ami, le scénariste, écrivain, traducteur et journaliste, Benjamin Legrand, auteur de Tueur de cafards et du deuxième et troisième tome du Transperceneige. Une opportunité parfaite pour nous raconter sa rencontre et son amitié avec le géant du 9e art, prémisse incontournable pour bien comprendre la dynamique entre les deux créateurs quand viendra le temps de s'atteler à ce difficile travail de création que fut Avril et le monde truqué.

C'est l'impossibilité de réaliser un dessin animé sur la Première Guerre mondiale qui amènera les deux complices à imaginer cette uchronie où Napoléon III n'a jamais été vaincu par les Prussiens, où le Second Empire est éternel, où les scientifiques disparaissent les uns après les autres et où Paris est gris, gris comme la vapeur qui produit l'électricité, gris comme l'univers victime d'une déforestation massive à la suite de l'épuisement des gisements houillers.

Si Legrand s'adresse à nous avec le rythme de ses mots, Tardi, lui, nous parle avec ses magnifiques illustrations, ses esquisses, ses études, ses inventions technologiques et son univers figé dans une éternelle Belle Époque à la Adèle Blanc-Sec, un décor idéal pour son magnifique trait.

En prime Tardi, qui n'appréciait que timidement l'exercice du story-board, a envisagé de raconter son Avril et le monde truqué en 12 carnets. A-t-il fait ces 12 carnets? Le livre reste muet là-dessus, mais il en a dessiné au moins deux qui sont ici présentés et qui racontent les premières minutes du film. Assez pour nous permettre d'imaginer ce que le film aurait pu ressembler si Tardi avait eu le temps nécessaire pour s'impliquer plus dans sa réalisation.

En attendant, il nous sera possible de voir ce qu'Ekinci et Desmares ont fait avec l'intrigue de Tardi et de Legrand dès le 19 février prochain.

Bonne nouvelle, le nouveau numéro de Planches, le 6e, vient d'arriver dans nos libraires. Encore une fois les rédactrices proposent d'excellentes bédés à l'image de notre production et une intéressante entrevue avec Luc Bossé, fondateur de Pow Pow, une dynamique maison d'éditions qui nous surprend toujours par l'intelligence et la pertinence de ses publications.

Fred. Autour de Philémon, Dargaud

Tardi, Legrand, L'histoire d'un monde truqué,Casterman

Planche, numéro 6

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