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Rubén Pellejero: sous le soleil de Pratt

À l'occasion de la sortie du nouveau,, nous avons rejoint le dessinateur Rubén Pellejero à son domicile catalan.
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Sur la liste des défis les plus casse-gueules à relever, la relecture d'une icône populaire arrive sans aucun doute au-dessus de la liste. Parlez-en à Daniel Craig, qui a subi les foudres des amateurs un peu trop intenses de 007. On retrouvait même, selon la rumeur, un site Internet qui appelait au boycott de Casino Royale! De quoi en décourager plus d'un.

Corto Maltese étant une de ses intouchables icônes du 9e art, il était facile de prévoir, à l'annonce de sa renaissance la colère des aficionados, des gardiens de la pureté de la série, et de certains journalistes qui flairaient une opération bassement commerciale des éditeurs.

Pourtant, alors que plusieurs bédéistes auraient reculé devant l'imposant héritage d'Hugo Pratt et la pression des fans de la série, Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero n'ont pas hésité une seconde au plaisir de se frotter au célèbre univers du plus romantiques des aventuriers marins. À l'occasion de la sortie de Sous le soleil de minuit, nous avons rejoint le dessinateur Rubén Pellejero à son domicile catalan. Rencontre avec un des deux seuls maîtres à bord du voilier Corto... après le dieu Pratt bien sûr.

«Disons que j'ai quand même hésité une semaine avant d'accepter de me lancer dans l'aventure. À cause de l'ampleur du défi qui fait un peu peur ben sûr, mais aussi parce que Pratt est pour moi une référence depuis que je suis gamin», explique au bout du fil le dessinateur qui voyait dans l'exercice la possibilité de renouer avec les sentiers de la grande aventure qu'il n'avait pas exploré depuis la conclusion des aventures de Dieter Lumpen en 1994.

«Les aspects positifs ont rapidement pris le dessus sur les négatifs, et puis ça me donnait l'opportunité de travailler avec Juan Díaz Canales» Un argument difficile à repousser pour un dessinateur.

Le défi était immense, un peu suicidaire même, mais selon toute vraisemblance il a été relevé avec succès, du moins si on se fie aux réactions des amateurs et des critiques.

«C'est incroyable la réaction positive que nous avons eu», précise le dessinateur, qui s'attendait à plus de réticences. «Bien sûr, il y a eu des lecteurs qui ne voulaient rien savoir d'une reprise. Mais il y en avait aussi beaucoup qui retrouvaient un vieil ami qu'ils avaient perdu de vue.»

Et c'est sans compter sur les nouveaux lecteurs qui découvraient grâce à l'album la richesse de Corto. « Ils connaissaient déjà le personnage parce que c'est une icône de la culture bédé, mais ils n'en n'avaient jamais lu», précise Pellejero, qui souligne du même souffle que même les plus réticents ont apprécié le nouvel album. «Ils ont retrouvé le Corto qu'ils aimaient, parce que nous avons respecté son univers.»

Il faut dire que le scénario de Juan Díaz Canales se moule à merveille au talent scénaristique de Pratt. Le père de Blacksad reproduit avec finesse tout ce qui a fait de Pratt un grand conteur: son habile mélange de fiction et de faits historiques, de personnages réels et inventés, et son incroyable sens du dialogue. «J'ai été séduit par la construction de son scénario et par la richesse de ses personnages.» Une histoire qui aurait pu être écrite par Pratt lui-même, tant on sent une filiation entre les deux auteurs. Il faut dire qu'avec un matériau aussi riche, un scénariste talentueux comme Canales ne pouvait que s'amuser.

Si le scénario à un parfum de Pratt, que dire du dessin! Pellejero se fond dans le style du bédéiste italien sans pour autant dénaturer le sien. Un travail beaucoup plus difficile qu'il ne le paraît. «Il y a trois époques graphiques chez Corto. Il y a la première époque, surtout composé de ses courtes histoires. La deuxième, qui correspond à La maison dorée de Samarkand, Fable de Venise et Corto Maltese en Sibérie. Et la troisième époque, plus personnelle, qui rassemble ses dernières productions. J'ai décidé de faire une synthèse des deux premières périodes, tout en les mélangeant à mon propre style.»

Ce qui n'est pas une mince tâche, puisque le trait de Pratt, bien qu'économe et instinctif, tout en mouvement et en rythme, cache une réflexion qu'on ne voit pas toujours au premier abord. «Il est évident que Pratt réfléchissait beaucoup sur son dessin. Oui, il l'exécutait rapidement, mais il y pensait beaucoup avant. J'ai travaillé à ma manière, évidemment, mais dans le même esprit de vitesse que lui. Malheureusement je suis moins rapide que lui.»

Après une première rencontre aussi prometteuse, on ne peut que rêver à la prochaine sortie en mer du charismatique loup de mer. «Nous sommes en train de réfléchir là-dessus. Nous cherchons des périodes et des lieux qui seraient intéressants pour lui. Il y a encore des périodes de son histoire qui sont moins connues.» Et qui sont surement liées à des événements porteurs de rêves et de nostalgie.

Parce que cette nostalgie d'un monde qui n'existe plus reste sans contredit l'élément le plus séduisant de ses aventures. Canales et Pellejero l'ont compris... comme Pratt avant eux.

• Juan Díaz Canales, Rubén Pellejero, d'après Hugo Pratt, Sous le soleil de minuit, Casterman

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