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«Le dernier voyage de l’Amok»: Théodore Poussin à la rencontre de son destin

Si l'auteur s'était fait discret, c'était pour mieux planifier sa vengeance et faire payer une fois pour toute le tristement célèbre capitaine Crabb.
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On le sait, Corto Maltesse demeure l'archétype d'une vision du héros romantique aujourd'hui disparue. Mais il n'est pas le seul, et peut-être à cause de sa longue absence j'avais oublié que le plus célèbre des gentilshommes de fortune avait un concurrent: Théodore Poussin. Mais à ma décharge, je croyais que ce dernier était disparu dans les humides rues glauques et les vapeurs du choum-choum frelaté de Singapour.

Heureusement pour moi, Poussin ne s'était ni perdu dans les mirages de cet alcool de riz, ni dans ce dangereux repaire des pires brigands de toutes les latitudes. Non, au contraire, s'il s'était fait discret, c'était pour mieux planifier sa vengeance et faire payer, une fois pour toutes, le tristement célèbre capitaine Crabb.

... La vengeance est mienne

Si pour nous il s'est écoulé 13 ans entre les jalousies et le dernier voyage de l'Amok, en année «Poussin», il ne s'est passé que quelques mois seulement. Nous retrouvons donc notre héros et ses habituels complices Barthélemy Novembre et Martin Klemperer vivoter dans la Babylone asiatique en attendant l'occasion pour reprendre la plantation insulaire que lui a volé le capitaine Crabb.

L'opportunité se présentera grâce à l'intervention d'un banquier prêt à financer l'ultime vengeance de ce Montecristo de l'entre-guerre. À bord de l'Amok, un rafiot asthmatique sur le point de rendre l'âme, Poussin retourne sur l'île de la Tortue, forteresse de son ennemi juré.

Dupuis

Grande série d'aventure au doux parfum d'un passé nostalgique, Théodore Poussin ne pouvait rêver mieux pour amorcer son retour sur la planète BD. Encore une fois, Le Gall séduit par son élégant dessin, hérité de la grande tradition franco-belge d'aventure, par la psychologie de ses personnages plus matures et aux motivations loin d'être claires et par son habilité à raconter un suspense atmosphérique qui nous enveloppe du début à la fin.

Magicien du récit et conteur hors pair, Le Gall propose une intrigue dont se dégage une ambiance hypnotisante et séduisante. Maître ès atmosphère, Le Gall met en place une Singapour inquiétante, humide, suintante de crimes et de péchés, de types louches et de malfrats patibulaires, comme Henri Vernes savait si bien le faire lorsque son Bob Morane se retrouvait dans cette Asie mystérieuse.

Marabout

Avec le résultat que se plonger dans ce nouveau Poussin c'est renouer avec une conception de cette grande aventure – celle d'une époque où tout était possible pour ceux qui voulait se réinventer une vie – qui n'existe plus, mais qui reste toujours aussi séduisante.

Comme grand retour Théodore Poussin ne pouvait espérer mieux et si jamais ce dernier voyage de l'Amok s'avérait son chant du cygne, Poussin pourra dire qu'il a réussi avec brio son dernier tour de piste.

... Mais pas celle du Joker

Un dernier tour de piste, ce n'est pas encore le cas de Batman qui a encore de belles décennies d'exploits devant lui. Surtout quand il est entre les mains d'un auteur aussi talentueux que Marini qui vient de publier le deuxième et dernier opus de Batman The Dark Prince Charming, aux éditions Dargaud.

dargaud

J'avais beaucoup apprécié le premier tome de cette nouvelle enquête de Batman et je dois bien reconnaitre que cette conclusion est tout aussi excitante que son prédécesseur.

Rappelons rapidement l'intrigue. Batman doit retrouver une jeune fille, présumée enfant illégitime de Bruce Wayne, enlevée par le sinistre Joker en furie. C'est que notre psychopathe adoré a des problèmes matrimoniaux et qu'il a promis à sa douce Harley Quinn de lui donner en présent Le chat bleu, un mythique diamant.

Malheureusement, le diabolique clown n'a pas tenu compte de la présence de Catwoman, du manque de fiabilité des téléphones cellulaires et de la détermination de la jeune kidnappée qui, nourrie aux exploits du justicier de Gotham, est moins docile que prévu.

Intelligente, rythmée, dynamique et surprenante, cette vision de Marini est un Batman de grand cru.

Une intrigue classique racontée de main de maître par un bédéiste en forme «scénaristiquement», la fin est tout simplement merveilleuse, digne des grandes conclusions ouvertes des meilleures productions cinématographiques, et graphiquement. Le créateur nous garde constamment sur le qui-vive, page après page, par une habile mise en place et par une adroite utilisation des scènes d'action judicieusement disséminées tout au long du récit.

dargaud

Si l'ambiance glauque est parfaite, c'est plutôt, cette fois, sa vision du Joker qui m'a impressionnée. Marini nous présente un Joker encore plus imprévisible que d'habitude. Un impulsif cruel, qui passe de la joie à la colère d'une case à l'autre. Un criminel insaisissable, à l'aise aussi bien dans l'exécution d'un concerto de Rachmaninov, que lors d'une interprétation personnelle de la chorégraphie de Gene Kelly dans Singing in the Rain, l'assassinat pur et simple de ses complices ou une démonstration de tendresse aussi soudaine qu'inattendue pour sa kidnappée, comme s'il souffrait du Syndrome de Lima, qui survient lorsque qu'un ravisseur éprouve de l'empathie pour son otage.

Voilà le genre d'intrigue «batmanesque» qui me rappelle pourquoi le justicier en cape est, depuis l'âge de mes trois ans, mon héros favori. Du grand Batman.

Frank Le Gall, les aventures de Théodore Poussin, Le dernier voyage de l'Amok, Dupuis.

Marini, Batman, The Dark Prince Charming, tome 2, Dargaud.

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