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Bernard Werber: l’homme aux mille visages

Alors qu'on pense l'avoir saisi, il nous glisse encore entre les mains, à croire qu'il brouille volontairement les pistes pour qu'on ne puisse jamais découvrir sa personnalité profonde.
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S'il avait été un X-Men, Bernard Werber aurait été Diablo. Tout comme le célèbre mutant à la fourrure bleu-noir, aux oreilles pointues et aux longues canines qui se téléporte aux endroits où on ne l'attend pas, Werber est insaisissable. Alors qu'on pense enfin l'avoir saisi, il nous glisse encore une fois entre les mains et apparait ailleurs. À croire qu'il brouille volontairement les pistes pour qu'on ne puisse jamais découvrir sa personnalité profonde.

On le savait déjà prolifique écrivain, talentueux journaliste scientifique, scénariste, réalisateur, dramaturge, peintre, philosophe, il est maintenant encyclopédiste. À l'occasion du dernier Salon du livre dont il était l'invité d'honneur, nous avons rencontré cette énigme insoluble.

«L'encyclopédie du savoir relatif et absolu» Bernard Weber
Courtoisie
«L'encyclopédie du savoir relatif et absolu» Bernard Weber

Discussion avec l'homme aux mille visages

«Je suis avant tout un terrien et un être vivant. Mais je rajouterais que je suis aussi curieux, j'aime apprendre et partager mes connaissances dans mes écrits. C'est pour ça que je me suis embarqué dans l'aventure de l'Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu. C'est une autre façon pour moi de partager ce que j'apprends» que ce soit les faux souvenirs, les lilliputiens, la croisade des enfants, sir Thomas Moore ou encore la véritable recette de cassoulet toulousain. Bref, je suis un conteur comme le sont les griots africains, je crée des mondes imaginaires où l'esprit du lecteur peut s'échapper», explique le père des Fourmis, la trilogie qui lui a permis de faire une entrée fracassante dans le monde littéraire.

«Les fourmis», Bernard Weber
Courtoisie
«Les fourmis», Bernard Weber

C'est justement ces possibilités de mettre en place des univers imaginaires, de prendre à contre-pied les certitudes scientifiques, d'explorer des sentiers où la science posait moins son regard, qui l'ont inspiré à quitter le monde «sérieux» du journalisme scientifique pour embrasser la carrière d'écrivain de science-fiction ou de philosophie-fiction, comme il aime à se qualifier.

Influencé par son passé de journalisme scientifique, Werber fait toujours reposer ses écrits sur le nec plus ultra en matière de recherches scientifiques et technologiques, ainsi que sur une ouverture d'esprit qui lui permet de s'intéresser à des sujets qui sont souvent moins couverts par ses anciens collègues. Une stratégie littéraire que n'aurait pas reniée l'une de ses idoles de jeunesse, Isaac Asimov. «J'ai la même gourmandise pour la connaissance que lui», souligne celui qui maîtrise parfaitement le difficile exercice d'intégrer les notions scientifiques les plus pointues à une intrigue passionnante aux rebondissements haletants.

Et tant pis si sa démarche déstabilise certains bien-pensants qui adhérent aux théories officielles, comme à des dogmes religieux. «Ce qui est important, c'est de contester les vérités officielles, de les challenger. Le doute est un signe d'intelligence», raconte l'auteur qui reconnait toutefois que sa position peut nourrir les délires des conspirationnistes. «Oui, on doit se poser des questions sur les versions officielles, mais on doit le faire aussi pour ceux qui doutent constamment. Il faut atteindre le juste milieu. L'important c'est d'amener les gens à se poser des questions, à réfléchir, à se renseigner auprès de plusieurs sources, à multiplier les points de vue. Un rôle que l'école devrait jouer, mais qu'elle ne fait pas toujours», renchérit le Toulousain.

«Le sixième sommeil», Bernard Weber
Courtoisie
«Le sixième sommeil», Bernard Weber

Cette multiplication des points de vue est au cœur de la vie intellectuelle de l'auteur, qui n'hésite jamais à se mettre dans la peau de l'autre pour confronter ses certitudes. Un peu comme l'avait fait le grand Akira Kurosawa dans son chef-d'œuvre primé à la Mostra de Venise Rashōmon. «C'est amusant que vous m'en parliez, parce que je le mentionne souvent quand je donne des classes de maitres en Europe. Quand j'ai écrit Les fourmis, c'était pour voir comment elles nous percevaient, c'est la même chose pour Demain les chats, où je regarde le monde à travers leurs yeux.»

Idem en partie pour son dernier-né La boite de Pandore, où son héros René Toledo, professeur d'histoire au lycée Johnny-Halliday, provoque ses étudiants en adoptant le regard de ceux qui n'ont pas écrit l'histoire, mais qui l'ont subi. Une attitude qui lui vaudra bien des ennuis avec la direction et les parents d'élèves et qui deviendra le moteur de son excellent roman.

Et tout comme le protagoniste de son roman, Werber essuie aussi souvent les frustrations de certains critiques littéraires qui ne ratent jamais une occasion de l'écorcher. «Curieusement les commentaires les plus virulents ne viennent ni des scientifiques ni des écrivains de science-fiction, mais plutôt de la critique littéraire.» D'une certaine frange de la critique, faut-il préciser, puisque certains n'hésitent pas à le qualifier de visionnaire du XXIe siècle et de le comparer à Jules Verne.

«La boîte de Pandore», Bernard Weber
Courtoisie
«La boîte de Pandore», Bernard Weber

Et gageons qu'avec sa Boite de Pandore, qui parle d'hypnose régressive, de vies antérieures et de l'Atlantide, il soulèvera encore une fois les passions des critiques et l'enthousiasme des lecteurs qui en ont fait, et ce, depuis 1991, l'un des auteurs francophones les plus lus de la planète bleue.

Bernard Werber, La boîte de Pandore, Albin Michel.

Bernard Werber, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Albin Michel

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