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Benoît Feroumont; Quand Peyo rencontre G.R.R Martin

Les princesses ont la cote.
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Les princesses ont la cote. Envers et contre tous, la monarchie idéalisée a retrouvé auprès de la population occidentale ses lettres de noblesse disparues. Le succès de films comme Cendrillon ou de séries télé comme Once upon a time sont des témoignages éloquents de la nouvelle popularité des princesses. Pourtant à l'intérieur de ce monde aseptisé, manichéen et pavé de bonnes intentions, comme l'enfer, certaines œuvres nous offrent une image rigolote et irrévérencieuse. C'est le cas du Royaume qui depuis 2009 fait le délice des amateurs de la revue Spirou. À l'occasion de son passage au Festival de la bande dessinée francophone de Québec nous avons intercepté Benoit Feroumont le sympathique créateur de cet anti-conte de fées.

Un conte de fées loin d'être traditionnel

«Comme au Québec, il y a aussi en Belgique une fascination pour les princesses», explique le dessinateur belge qui attribue une partie de la responsabilité de ce phénomène à Disney. «C'est un phénomène inquiétant, parce qu'à travers les princesses c'est un modèle féminin qui est proposé aux petites filles», souligne-t-il reconnaissant du même souffle nourrir la bête lui aussi. Mais à la différence des autres œuvres le Royaume est loin de le promouvoir. «Le côté princesse c'est la porte d'entrée de mon univers. Souvent ce sont les parents qui achètent les albums à cause de ça.» Mais une fois à l'intérieur du Royaume le lecteur découvre vite un monde différent de celui qu'il s'attendait.

Un théâtre humoristique peuplé de parfaits imbéciles, de sombres crétins, de poltrons notables et d'Anna, une jeune femme résolument moderne, véritable ovni dans un monde où rien ne bouge. «Je n'aime pas tellement le modèle de la princesse alors je tente d'offrir une alternative aux petites filles.» Et c'est Anna, une jeune adulte indépendante, décidée et colérique à des années-lumière des princesses traditionnelles qui devient ce choix. «Les jeunes l'adorent. Ils sont venus à cause de l'univers de princesse, mais rapidement ils ont adopté cette Anna qui refuse de se marier et qui veut mener sa propre vie. Mais il y a quand même une princesse plus classique super mignonne avec des super vêtements qui est un peu cruche, un peu idiote et irresponsable.»

Johan et Pirlouit chez les Rois maudits

Le Royaume devient vite pour le bédéiste, qui reçoit souvent des critiques sur l'absence de modèles masculins positifs - une accusation qui le fait bien rigoler - un endroit parfait pour présenter un sympathique Moyen-âge un peu tarte à la crème qui tranche avec les représentations violentes et «stéréoïdées» imposées par la télévision, le cinéma et la littérature d'«héroic fantasy», plus proche de la poésie naïve de Johan et Pirlouit que du Trône de fer. «C'est amusant parce que j'ai eu deux influences pour cette bédé : Johan et Pirlouit, que je lisais quand j'allais à la campagne chez mes grands-parents et les Rois maudits de Maurice Druon.»

Si l'influence des Rois maudits est presque imperceptible, celle des deux personnages de Peyo saute au visage. À la différence que le bédéiste animateur qui a aussi collaboré au Domaine des Dieux et au Triplettes de Belleville travaille à partir de clichés qu'il pousse au paroxysme sans pour autant ne jamais tomber dans la parodie. «Je suis comme un équilibriste qui se promène sur un fil de fer entre le premier et le deuxième degré. Je ne me lève pas le matin en me disant je vais faire une parodie. Non, ce que je veux faire, c'est raconter une bonne histoire de la façon la plus rigolote et la plus intéressante possible, exactement comme Peyo.»

La juxtaposition à son histoire d'un premier degré et d'un deuxième qui lui s'adresse plus aux adultes lui permet d'installer de petits éléments amusants qui donnent une valeur ajoutée et franchement hilarante à son histoire, comme ces irrésistibles oiseaux mal-aimés chroniqueurs du Royaume et étranges hybrides entre le Woodstock des Peanuts et les volatiles burlesques des cadres du domicile de Boule. « Ils sont proches du chœur qu'on retrouve dans le théâtre grec ou shakespearien. Ils annoncent les événements qui viennent, tout en les commentant. Ce sont des instruments narratifs superbes qui permettent de situer et d'expliquer l'action. »

Mais au-delà de ces ingéniosités scénaristiques, le succès du Royaume repose surtout sur l'intrusion des préoccupations quotidiennes modernes au cœur de l'univers médiéval, une recette qui a aussi fait le succès d'une kyrielle de productions culturelles, dont la fameuse famille Pierreafeu. «Oui c'est une histoire médiévale mais ça parle de choses très modernes. Je m'inspire beaucoup de ce que je vis quotidiennement et je le transpose dans le Moyen-Âge.» Au grand plaisir des admirateurs et des éditions Dupuis qui attendent avec impatience le prochain et 7e tome du Royaume, qui va se passer autour d'un mariage avec le faste et les robes, etc. «Je sais que mon lectorat surtout composé de jeunes filles de 10 ans le demandent depuis longtemps. Mais je dois avant tout terminer un album des Aventures de Spirou par... », conclut l'auteur.

Feroumont, Le royaume 6 tomes, Dupuis.

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