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L'éloge de la fuite

Joaquin, modeste serveur d'un prestigieux casino de La Havane, se retrouve malgré lui en possession d'une valise remplie de fric.
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Bon je le sais le titre n'est pas original - il fait référence au fameux bouquin du médecin, chirurgien, neurobiologiste, éthologue et philosophe Henri Laborit ou encore à la géniale Thunder Road de Bruce Springsteen, - mais il traduit tellement bien ce fabuleux moteur de création. Qu'elles soit symboliques ou réelles, qu'elles permettent de réinventer sa vie ou tout simplement de la sauver, la fuite et la poursuite produisent de merveilleuses oeuvres.

La fuite selon Berthet et Hautière.

Joaquin, modeste serveur d'un prestigieux casino de La Havane, se retrouve malgré lui en possession d'une valise remplie de fric. Le hic c'est qu'il appartient à un émissaire de la mafia chargé de rapatrier l'argent des casinos mafiosi vers les États-Unis. Avec le fric et une jeune chanteuse nommée Elena Joaquin quitte son île pour fuir sa misérable vie et s'empiffrer de sa part du rêve américain. C'est toutefois sans compter sur la hargne des porte-flingues du dictateur cubain et de la Cosa Nostra qui veulent récupérer le pognon. Pour le serveur naïf et la chanteuse arriviste commence une implacable fuite vers la cite des anges.

Nouvelle création de Philippe Berthet et de Régis Hautière, Perico est une bande dessinée à l'image du magnifique graphisme de Berthet. Le père d'Hippolyte Flynn est très à l'aise dans ce polar très «fifties» qui valse entre Cuba et la Floride, deux décors qui lui permettent de montrer l'étendue et la richesse de son talent. Avec son trait d'une élégance classique, Berthet maîtrise l'atmosphère d'une Havane insouciante qui pavane dans une opulence de façade alors que l'effondrement cogne à la porte. Même si les fameux «barbudos» - les révolutionnaires qui ont pris le maquis en 1959 - ne sont pas physiquement présents, leur ombre, elle, l'est toujours ; au détour d'une rue, d'une maison, dans les bars, dans les casinos et dans les officines gouvernementales

Une excellente bédé policière, tout en dynamisme, en couleur et en rythmes tropicaux, au parfum de la nostalgie d'un monde naïf qui n'existe plus, où tout était possible, où l'Amérique et son rêve hollywoodien représentaient encore l'image d'une terre d'opportunités.

La fuite selon Boucq et Jodorowsky

Le marshall Bouncer, le plus célèbre manchot de la bande dessinée, est à la recherche d'un psychopathe sadique terré dans un étrange pénitencier au cœur du désert. Si To hell le tome précédent racontait les premiers pas de l'enquête du marshall, And Back sorti il y a quelques semaines, lui, raconte les efforts du sympathique manchot pour ramener sa proie vers la justice. Hélas le directeur du pénitencier et sa femme, un joyeux couple de cinglés n'apprécient guère la détermination du policier. S'engage alors une infernale partie cache-cache en plein désert.

A l'origine Bouncer était un clin d'œil humoristique au western des années 70, toutefois ces dernières années la série a pris une dimension moins parodique en réintroduisant et en renouvelant les règles du genre. Mais entendons-nous, nous sommes quand même dans du Jodorowsky, la provocation, l'ironie, la perversion, le sexe, la violence, la surprise et l'anarchie sont présents tout au long des pages. Mais lorsque le scénariste se concentre sur la poursuite à travers le désert, il laisse tomber ses tics et ses sympathiques délires pour s'imprégner d'une atmosphère très proche de John Ford, de Sergio Leone, de Giraud et de Charlier.

Il faut dire que le dessin de Boucq traduit à merveille l'ambiance des deux grands cinéastes. Sous sa plume la fournaise du désert devient encore plus implacable, le froid du col de l'aigle encore plus mordant, la chaleur du sable, du sol, des rochers encore plus suffocante et les nombreux canyons encore plus menaçants.

Avec un sens du rebondissement que n'aurait pas renié Jean Michel Charlier, avec son respect des conventions du genre, avec son sens du drame qui transforme la poursuite en une course contre la montre et contre la mort et avec un dessin évocateur qui traduit l'angoisse d'une journée sans fin, And Back se laisse lire avec un plaisir évident, comme les anciens Blueberry. Une belle lecture!

Je vous parlais la semaine dernière de la nouvelle maison d'édition de Jean Dominique Leduc Mém9ire. Dans son catalogue on annonçait une très attendue histoire de la bande dessinée au Québec écrite par Michel Viau. Monsieur Leduc nous a surpris et l'étude de Michel Viau est maintenant disponible en version papier et en version numérique. Courez vite vous la procurer, c'est un incontournable, une grande œuvre autant pour les amateurs que pour les néophytes.

Berthet, Hautière, Perico, Dargaud

Boucq, Jodorowsky, Bouncer, And Back,, Glénat.

Michel Viau, BDQ, histoire de la bande dessinée au Québec, tome 1 des origines à 1979, Mem9ire.

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