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Corto Maltese, Astérix: chronique d'un désastre qui n'aura pas lieu

Un nouveau Corto Maltese et un nouvel Astérix: deux séries légendaires qui nous appartiennent depuis longtemps vivent maintenant sous de nouvelles signatures. Un défi casse-gueule pour les auteurs.
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Gros automne pour les amateurs de bédés. Coup sur coup un nouveau Corto Maltese et un nouvel Astérix, deux séries légendaires qui nous appartiennent depuis longtemps et qui vivent maintenant sous de nouvelles signatures. Un défi casse-gueule pour ces auteurs qui doivent subir les jugements hâtifs et souvent agressifs des traditionalistes qui, à la moindre allusion à une reprise, concluent à la trahison et à la soumission devant les promesses enivrantes des beaux dollars.

Mais est-ce que ces deux nouvelles moutures méritent d'être brûlées sur le bûcher des hérésies littéraires? Hum... il faut bien l'avouer, nous sommes loin de la catastrophe annoncée.

Le retour du dernier romantique.

Ça fait longtemps que nous n'avions pas assisté à une nouvelle sortie en mer de Corto Maltese. Vingt ans que le fils d'un marin des Cornouailles et d'une gitane de Séville se taisait. Mais sans doute séduit par les sirènes de l'aventure, l'appel de la mer, et le talent indéniable de Juan Díaz Canales et de Rubén Pellejero, celui qui s'est taillé lui-même une ligne de chance sur sa main gauche - elle était absente - a décidé de revenir naviguer sur les cases tumultueuses du 9e art.

1915. En visite à San Francisco Corto Maltese reçoit'une lettre de son grand ami l'écrivain et journaliste Jack London. L'écrivain et journaliste, en reportage dans un Mexique en pleine révolution, lui demande de remettre une lettre à Waka Yamada, ancienne gloire de Dawson City et militante contre la traite des blanches. Incapable de résister au parfum excitant de l'aventure, Corto s'embarque sur le périlleux chemin d'un grand nord plein de menaces, de périls, de rencontres improbables, de fous magnifiques et de rebelles irlandais.

Avec l'énergie de ses 20 ans, celui qui a disparu quelque part durant la guerre civile espagnole reprend du collier pour vivre une autre de ses aventures dont il a le secret, dans un monde qui se disloque mais qui garde encore des territoires où les êtres d'exceptions peuvent devenir des légendes qu'on racontent le soir au coin du feu et qui remplissent les pages des plus beaux livres.

Scénariste de grand talent que n'aurait pas renié le grand Pratt, Juan Díaz Canales mélange adroitement fiction et réalité et permet à des personnages réels, mais depuis longtemps enfermés dans les pages des encyclopédies, les livres d'Histoire et les sombres recoins de notre mémoire, d'en rencontrer d'autres plus fictifs mais tout aussi monumentaux comme cet Ulkurib, Inuit élevé en France, pétri des textes de Robespierre, qui tente de constituer une république inuit «robespierrienne» dans le Canada septentrional.

Des personnages imposants, un Corto toujours aussi détaché, valsant constamment entre son intérêt et son grand cœur, un milieu hostile, froid, impitoyable, un trait assuré et dynamique et des dialogues percutants dans l'esprit du dessinateur Italien, on ne peut rien demander de mieux.

Comme premier galop, Sous le soleil de minuit est une belle réussite, une bande dessinée réjouissante qui nous rappelle combien il nous manquait, notre gentilhomme de fortune, et combien nous sommes heureux de le revoir partager avec nous son incroyable vie.

Les Gau-gau! Les Gau-gau!

Si on a peu parlé du nouveau Corto dans les médias québécois, pourtant sorti la même journée, le nouvel opus du petit Gaulois Astérix, lui, en fait couler de l'encre. Il faut dire qu'avec ses 4 millions d'exemplaires distribués de par le vaste monde, les dieux de la chance étaient avec lui. À peu près tout ce que le Québec compte de médias à ainsi donné son opinion sur ce Papyrus de César , quelques fois donnée par des connaisseurs et d'autres fois donnée par des gens qui en ont lu un, il y a très longtemps. Avec le résultat que je n'avais pas encore commencé ma copie que je connaissais déjà toute l'histoire et les gags de l'album, du moins les plus importants.

Il faut avouer que c'est franchement navrant cette tendance médiatique à révéler l'intrigue de A à Z. Inconsciemment, les chroniqueurs tuent le plaisir de découvrir page après page les trouvailles toujours amusantes, les clins d'œil hilarants et les situations complètement loufoques de nos Gaulois préférés. Véritables éteignoirs de passions, ces chroniqueurs auraient intérêt à diluer parcimonieusement le suspense au lieu de le jeter bêtement à la figure du public.

Mais au-delà de ma sortie, cet Astérix est-il intéressant? Oui, il est bien. Mieux que la majorité de la production «uderzienne» qui a suivi L'odyssée d'Astérix, mieux que le premier opus du tandem Ferri et Conrad, qui seront présents au prochain Salon du livre de Montréal, mais encore loin des meilleurs Goscinny.

Le dessin est excellent, Conrad se fond à merveille dans le graphisme du maître, et on le sent de plus en plus à l'aise. Ferri, quant à lui, s'en tire honorablement, mais je ne retrouve pas l'irrésistible folie «monty pythonesque» dont il faisait preuve dans Le retour à la terre et dans De Gaule à la plage.

À vrai dire, comme dans la précédente aventure, j'ai eu cette désagréable impression que certains jeux de mots et que certains clins d'œil, quoique amusants, étaient trop appuyés ou trop plaqués artificiellement pour faire rire. Je n'y retrouvais pas l'aisance naturel de Goscinny, comme si Ferri occultait sa personnalité pour se fondre dans celle d'un autre. La symbiose n'est pas encore réussie et j'espère qu'un jour Ferri renouera avec ses grandes qualités scénaristiques tout en respectant l'œuvre de Goscinny. Un défi que le bédéiste saura relever, j'en suis certain. Donnons-lui le temps.

Bref, un album intéressant, mais qui l'aurait été sans doute plus si mes confrères et consœurs chroniqueurs culturels avaient su garder un peu de suspense. À moins que je ne sois trop bougon, ce qui est aussi possible...

Ah oui ... pour ce qui est de l'histoire, pas besoin de vous la raconter, vous la connaissez déjà autant que moi!

• Juan Díaz Canales, Rubén Pellejero, d'après Hugo Pratt: Corto Maltesse, Sous le soleil de minuit, Casterman.

• Jean-Yves Ferri, Didier Conrad, d'après Goscinny et Uderzo: Le papyrus de César, Les Éditions Albert René.

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