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Le papyrus de Conrad

À l'occasion du Salon du livre de Montréal, nous avons rencontré Didier Conrad, nouveau dessinateur d'Astérix et Obélix. Discussion autour d'un pari un peu fou.
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Par Belenos, qui aurait cru qu'un jour Astérix et Obélix, les plus célèbres Gaulois de l'univers, allaient quitter le domicile familial pour aller vivre de nouvelles aventures sous les pinceaux de Didier Conrad et la plume de Jean-Yves Ferri, un tandem qu'on n'associait pas à la tradition Uderzo-Goscinny? Et si, par Toutatis, les lecteurs ont été surpris par ce choix, imaginez la réaction des deux bédéistes lorsqu'on leur a proposé la reprise d'Astérix.

À l'occasion du Salon du livre de Montréal, nous avons rencontré Didier Conrad, le nouveau dessinateur de la tribu des irréductibles Gaulois. Discussion autour d'un pari un peu fou.

«Je n'ai jamais imaginé qu'un jour j'allais reprendre Astérix. Ce fut une proposition inattendue. J'ai reçu un téléphone dans le plus grand secret sans beaucoup d'explications, où on me parlait d'une possibilité de reprise. On m'a invité à passer des tests - comme d'autres dessinateurs - et on m'a confié la reprise. Mais comme les délais pour la publication d'Astérix chez les Pictes étaient très serrés, je n'ai pas eu vraiment de temps de réaliser toute la pression qui entourait la réalisation d'un nouvel Astérix. Ce qui m'inquiétait, c'était plutôt la façon dont j'allais respecter les délais», explique le dessinateur, qui à non seulement eu la chance d'assumer la suite d'Uderzo, mais qui a aussi marché dans les traces de Morris avec l'album Kid Lucky - sous le pseudonyme de Pearce - et de Franquin avec les Marsu Kids. «Il faut préciser que c'étaient des univers parallèles aux séries déjà existantes, j'avais plus de liberté. Ce qui n'est pas le cas pour Astérix.»

Si le choix de Conrad peut paraître surprenant, c'est que le dessinateur était reconnu dans ses premières années pour son coté irrévérencieux, provocateur, et ses remises en question de l'école franco-belge. «Ce n'est pas le modèle franco-belge que je rejetais, c'étaient les mauvaises bédés de cette école, celles qui étaient des sous-produits minables et qui n'avaient pas la même rigueur que les œuvres des grands maîtres comme Hergé, Franquin et autres Morris», précise-t-il avec un ton très respectueux pour ces grands dessinateurs.

«Si je fais de la bande dessinée, c'est parce qu'il y a eu des Gaston, des Lucky Luke, des Astérix. Personnellement, c'est le genre de bande dessinée que j'aime et j'avais envie de travailler à faire perdurer ce type de bande dessinée», rajoute le dessinateur qui, ironiquement, apprécie peu les reprises. «Je ne suis pas un grand amateur de reprises. Toutefois, et on l'oublie souvent, certaines reprises peuvent être supérieures aux séries originales», comme le Spirou de Franquin, qui a été de loin supérieur aux deux moutures précédentes et qui s'impose toujours comme la référence, malgré l'excellent travail de certains repreneurs comme Yoann et Velhmann.

Une comparaison qui toutefois s'arrête là, puisque selon le bédéiste, le cas Spirou est très différent de celui du petit Gaulois. «La dynamique n'est pas du tout la même. D'une part parce qu'il y a déjà eu plusieurs reprises de Spirou, et d'autre part parce que les enjeux économiques sont différents. Dans le cas de Spirou, l'éditeur a intérêt à pousser les auteurs à faire des choses différentes pour trouver un nouveau lectorat, Dans le cas d'Astérix, tout ce qu'on veut, au contraire, c'est de ne pas perdre de lecteurs, parce que je ne sais pas si on peut en avoir plus», pouffe de rire le dessinateur.

Et à cinq millions d'exemplaires tirés du nouvel Astérix, force est de constater qu'il a parfaitement raison.

Reprendre une œuvre aussi réussie qu'Astérix est tout, sauf une chose facile. Surtout pour un scénariste comme Ferri, reconnu pour son humour absurde et sarcastique et ses courtes histoires - surtout des strips, des demi-pages et des courts récits de 4 ou 5 pages - qui a dû se mouler rapidement dans le style Goscinny, très différent de celui de Peyo ou de Franquin, et dans celui de l'aventure grand public version belge.

«On oublie que Goscinny a pris plusieurs années à développer son style avec Uderzo. Ferri travaille fort pour se fondre dans son style, et on peut voir nettement le progrès entre le premier et le deuxième album. Il est beaucoup plus complexe et plus riche. Il y a peut-être encore un problème de fluidité, mais Ferri le sait déjà et je pense que le prochain album sera beaucoup plus fluide», plaide le dessinateur, qui du même souffle reconnaît lui aussi avoir de la difficulté à reproduire le style Uderzo.

«C'est un dessin très difficile qui demande beaucoup de travail. Il n'est pas encore naturel pour moi. Je suis, tout comme Ferri, en processus d'apprentissage et d'absorption du style. Je ne contrôle pas encore sa fourchette d'expressions. Il y a plus d'expressions dans le style d'Uderzo que dans celui des autres dessinateurs franco-belges, même Franquin. Si vous prenez par exemple Morris: une fois que l'on maîtrise les codes, on peut aller beaucoup plus vite. Le dernier Kid Lucky m'a pris deux ou trois mois. Alors que même si je maîtrisais parfaitement le style Uderzo, j'aurais quand même besoin de 10 mois pour faire un album», conclut le bédéiste avant de quitter prendre une rasade de potion magique... ou une cuisse de sanglier... enfin, c'est ce que je me plais à imaginer.

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