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Alix Senator: la discrète métamorphose d'un immortel!

«Ce n'est plus le jeune Alix idéaliste et manichéen. Notre Alix a connu les guerres civiles, il a vu beaucoup d'horreurs, il a vécu des tragédies personnelles, il a appris à survivre dans un monde impitoyable, il a fait des compromis avec ses idéaux de jeunesse.»
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Le monde change, rien n'est immuable, ça, on le sait déjà, mais chaque jour nous amène une nouvelle preuve que cet univers est en perpétuelle redéfinition. Prenons par exemple le cas d'Alix le Gaulois, le héros de Jacques Martin, personne ne croyait que ce rocher de Gibraltar du 9e art pouvait changer. Pourtant depuis 2012 le célèbre Gallo-Romain se métamorphose, discrètement certes, sans tambour ni trompette, mais il évolue tout de même, tout comme sa Rome éternelle. À l'occasion de la sortie de La conjuration des rapaces, le 3e tome d'Alix Senator nous avons rejoint la scénariste Valérie Mangin. Discussion autour de ce surprenant nouveau visage d'Alix.

«Comme Jacques Martin n'avait pas envisagé dans ses dernières années d'autres séries d'Alix, il n'a pas laissé de cahier des charges. Bien sûr il avait donné des indications très précises pour la série principale, mais pas pour les potentielles autres séries dérivées » lance tout de go Valérie Mangin. « C'est d'ailleurs parce que nous avions de la liberté face à la création originelle que nous avons pu nous fondre dans son univers tout en le modernisant», ajoute celle qui fréquente le célèbre gaulois depuis son adolescence. « Mes parents m'ont offert le premier tome quand j'avais 12 ans et que je commençais mes classes de latin. Quand Casterman m'a contacté pour prendre en charge la série, je n'ai pas pu résister au plaisir de me frotter à son univers.» Un plaisir oui, mais aussi plusieurs inquiétudes face à l'ampleur de la tâche. «Avant de nous lancer dans l'aventure, Thierry Démarez et moi avons relu tous les albums de la série. Comme c'était une série importante pour nous, nous ne voulions pas rater la chance qui nous était offerte».

Parce qu'une reprise d'un personnage mythique comme Alix peut s'avérer facilement un défi casse-gueule presque impossible à réussir. L'empreinte de Martin est tellement importante sur le personnage et son univers que toute tentative de modernisation peut rapidement être perçue comme un crime de lèse-majesté par les aficionados. « C'est une grande difficulté certes, mais c'est aussi un challenge motivant. Mais pour mettre toutes les chances de notre côté nous avons bien pris soin de ne pas faire de références aux autres épisodes de la série originale » explique la scénariste. Mais éviter les allusions aux épisodes précédents ne signifie pas pour autant que la scénariste ne se renseigne pas sur ce que le personnage vit. Au contraire elle communique régulièrement avec les auteurs qui animent l'Alix original « C'est fondamental pour éviter des incohérences. Imaginez que je travaille avec un personnage qu'ils font disparaître, ça peut devenir embêtant » rajoute-t-elle en rigolant un peu.

Alix Senator, qui se déroule environ 20 ans après la série originale, propose un Alix différent, plus humain, un sénateur veuf, père d'un jeune garçon et tuteur du fils de son grand ami Enak, présumé disparu en Égypte lors des événements qui opposèrent Marc Antoine et Cléopâtre à Octave, mais chut il ne faut pas en dire plus! «Ce n'est plus le jeune Alix idéaliste et manichéen. Notre Alix a connu les guerres civiles, il a vu beaucoup d'horreurs, il a vécu des tragédies personnelles, il a appris à survivre dans un monde impitoyable, il a fait des compromis avec ses idéaux de jeunesse.» Et c'est justement parce qu'il n'est plus aussi droit qu'on peut s'y identifier un peu plus. «Mais ce n'est pas un anti-héros.»

Sans être un nouveau Blueberry, le Alix de Mangin a quand même une psychologie beaucoup plus énigmatique que celui de Martin. «Il ne faut pas oublier qu'il a créé la série en 1948», à une époque où les héros de bandes dessinées étaient beaucoup plus unidimensionnels. «Nous, nous avons commencé la série en 2010. Ce n'est plus possible d'avoir des personnages comme l'était le Alix d'origine. Le public attend beaucoup plus d'un personnage de bande dessinée., Il s'attend à des personnages plus riches, plus ambigus, qui ont des côtés plus sombres même s'ils ne sont pas des méchants. Notre Alix désapprouve encore les meurtres et les conspirations, mais maintenant il sait que manipuler les gens, s'ils ont des desseins contestables, peut être utile.»

Mais ce n'est pas parce qu'Alix a pris de la maturité et s'est distancié de ses idéaux de jeunesse que ses nouvelles aventures sont en rupture avec celles de son créateur. Au contraire Valérie Mangin s'est fait un devoir de respecter son esprit. « On parle souvent de l'exactitude de son dessin, mais Martin c'était plus que ça, c'est aussi l'esprit Martin et j'y suis très fidèle. Comme lui je reste très réaliste et très près de nos connaissances actuelles sur la Rome impériale. Et pour ce que nous ne connaissons pas, je propose au lecteur des hypothèses qui sont vraisemblables. Par exemple quand j'ai abordé la mort d'Agrippa, comme on sait qu'il est mort en -12 avec J.C. mais qu'on ignore la façon dont il est mort, j'ai proposé un décès plausible. Je ne mens pas au lecteur.» Un souci qui guidait aussi le bédéiste légendaire.

Et tout comme celui de Martin, le nouvel Alix a su autant plaire au public qu'aux historiens. « Ils sont bienveillants avec nous. Beaucoup d'historiens nous ont félicités pour le travail accompli et nous ont proposé des pistes pour améliorer notre travail. Par exemple, j'avais beaucoup de difficultés à trouver de la documentation sur la marine romaine et des historiens nous ont aidés à en trouver» renchérit avec une certaine fierté la scénariste diplômée en histoire.

« Et puis, vous savez, Bruno Martin, le fils de Jacques Martin, m'a dit que son père aurait apprécié cette vision d'Alix » conclu l'auteur avant de retourner concocter ses nouvelles aventures qui sait se dérouleront peut-être chez les Parthes, les Scythes, les Cimmériens ou d'autres peuples mystérieux de l'Antiquité.

Mangin et Démarez, Alix imperator, 3 tomes, Casterman.

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