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À la recherche de l'illustre inconnu

Maurice Rosy fut un créateur audacieux qui ne s'assoyait pas sur ses lauriers, qui a refusé de surexploiter Monsieur Choc et qui au début de la quarantaine balance sa carrière bédé pour recommencer sa vie professionnelle et personnelle.
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Il y avait Franquin, Morris, Jijé, Peyo, Roba, Tillieux qui faisaient les plus belles pages du journal de Spirou et des éditions Dupuis. Il y avait ces légendes et derrière eux, il y avait deux hommes discrets qui jouaient un rôle effacé, mais fondamental, deux hommes qui révolutionnaient la planète bédé : Yvan Delporte et Maurice Rosy. Si l'apport du premier n'est plus à faire, celui du deuxième, lui, reste encore à faire. Une situation que José-Louis Bocquet et Martin Zeller pourraient bien corriger avec Rosy c'est la vie! une entrevue-fleuve avec ce bédéiste qui maîtrisait autant le dessin que le scénario, qui dépistait les nouveaux talents et qui imprégnait chaque numéro de Spirou de sa personnalité.

Conversation autour d'un des plus importants anonymes de la bande dessinée franco-belge.

«Si Yvan Delporte a inventé le métier de rédacteur en chef, Rosy, lui, a créé celui de directeur artistique puisque cette fonction n'existait pas dans la bande dessinée francophone lors de sa nomination chez Spirou en 1955», explique José-Louis Bocquet, directeur éditorial adjoint chez Dupuis, journaliste, romancier et scénariste bédé (l'excellent Privé d'Hollywood c'est lui). «Comme D.A., il a eu un impact fondamental.» Et quel impact! Non seulement Rosy a découvert plusieurs nouveaux talents, dont Roba, mais il a aussi permis à d'autres dessinateurs d'adopter des styles où ils ont pu s'épanouir - comme Remacle qui à la suite de ses recommandations a laissé libre cours à sa passion des pirates et créé son célèbre Barbe-Noire.

Rosy a aussi eu la brillante initiative de publier les premières planches en français de plusieurs strips américains absents du marché francophone européen (dont les Peanuts) mais surtout de créer les fameux mini récits, tremplin obligé pour plusieurs jeunes dessinateurs de la maison Dupuis comme Charles Degotte ou encore Paul Deliège - avec qui il va créer Bobo, l'éternel prisonnier d'Inzepocket la plus célèbre prison de la bande dessinée franco-belge.

Excellent illustrateur, Rosy était aussi un scénariste de talent qui a su s'imposer dans la mémoire des amateurs de bandes dessinées des années 50 et 60. «Il a créé Monsieur Choc pour Tif et Tondu, un des méchants les plus marquants de la bande dessinée franco-belge.» Et comme si ce n'était pas assez, il fut aussi un des premiers script doctor du 9e art franco-belge. «À l'origine il a été engagé comme donneur d'idées.» Un métier qui consistait à nourrir l'imagination des dessinateurs en panne de bonnes idées. C'est ainsi qu'il a aidé Franquin (Le dictateur et le champignon et Les Pirates du Silence) et Jijé, une collaboration qui n'a pas été aussi fructueuse.

Mais plus que cela, Rosy fut un créateur audacieux qui ne s'assoyait pas sur ses lauriers, qui a refusé de surexploiter Monsieur Choc et qui au début de la quarantaine balance sa carrière bédé pour recommencer sa vie professionnelle et personnelle. «Il fallait le faire! Il a quitté Spirou et la Belgique pour Paris et pour réaliser enfin son rêve de devenir illustrateur.» Ce choix audacieux va être payant pour l'ancien directeur artistique puisqu'il s'imposera comme un des meilleurs illustrateurs de son époque. «C'est amusant parce qu'en dehors du cercle des initiés peu d'amateurs de bd connaissent son travail d'illustrateur et vice-versa.»

C'est ce fabuleux personnage que présentent Bocquet et Zeller dans leur bouquin. Le tout accompagné des dessins que Rosy a faits pour l'occasion et qui illustrent à merveille ses confidences. Avec lucidité le dessinateur parle en toute franchise de sa carrière, de sa vie, de ses déceptions, de ses erreurs et de ses grandes réussites. Le résultat est un portrait saisissant, sans complaisance, mais sans méchanceté. «Il n'y a aucune amertume dans les propos de Rosy. Il était serein avec lui-même quand nous l'avons rencontré. Et même s'il porte des jugements sur certains individus, on ne sent ni de jalousie, ni de règlement de comptes» explique l'auteur qui regrette néanmoins son décès quelques mois avant la parution de ce livre hommage. «Il a quand même vu la maquette et le texte final avant de nous quitter.»

Ironiquement maintenant que le livre est disponible et qu'il nous a quittés, il ne pourra pas profiter de cette marque de reconnaissance publique. «Vous savez comme illustrateur, il était reconnu, et puis il ne faut pas oublier que les albums de Tif et Tondu ont cartonné. Comme son nom était sur les couvertures, les amateurs de Tif et Tondu le connaissaient. Non s'il a eu une frustration c'est sans doute la méconnaissance publique de ses talents de dessinateur à l'époque où il oeuvrait dans la bédé. »

Toutefois grâce au fabuleux travail de Bocquet et Zeller, son talent d'illustrateur et surtout son apport essentiel dans la professionnalisation de la bande dessinée devraient maintenant être reconnus par tous. Ce qui est, en bout de piste, le plus beau legs de cet attachant personnage.

José-Louis Bocquet, Martin Zeller, Rosy c'est la vie! Conversation avec Maurice Rosy Dupuis.

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