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Francis Scott Fitzgerald avait prévenu: "Il n'existe pas de deuxième acte dans les vies américaines". Et dans l'histoire récente des présidents américains, les deuxièmes actes se sont révélés éprouvants. Barack Obama peut-il éviter cette fatalité?
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AFP

Francis Scott Fitzgerald avait prévenu: "Il n'existe pas de deuxième acte dans les vies américaines". Et dans l'histoire récente des présidents américains, les deuxièmes actes se sont révélés éprouvants. L'espoir du premier acte s'évanouit dans les estimations "karmiques" du second. Nixon chassé après ses délits du Watergate. Reagan terrassé par ses folies contre l'Iran. Clinton déshonoré par les excès de sa vie personnelle. Bush Jr. ostracisé après l'Irak, Katrina et la catastrophe économique de 2008.

Barack Obama peut-il éviter cette fatalité? Son second mandat est déjà embourbé dans d'insupportables négociations avec les radicaux de l'opposition, n'ayant de cesse de prendre l'économie en otage pour extorquer des coupes destructrices dans les piliers de la sécurité pour les familles -la Sécurité sociale, le Medicare et le Medicaid-, tout en mettant les bâtons dans les roues d'une reprise déjà vacillante. Ce qu'une pièce de théâtre pourrait déjà représenter comme étant une dure punition pour l'orgueil d'Obama, à savoir essayer de réconcilier le lion et l'agneau, menace de consumer son second acte.

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Le défi pour le président et le pays est de savoir s'il peut se sortir de ce marécage et proposer une nouvelle direction et un nouvel espoir à un peuple menacé de toute part. Avec une présidence définie par des discours spectaculaires, son deuxième discours inaugural lundi et celui sur l'état de l'Union qu'il adressera en février seront déterminants.

Le président a déjà commencé à faire des efforts majeurs pour son second mandat -réfréner la violence des armes et mener une réforme globale de l'immigration, deux objectifs ambitieux. Le réchauffement de la planète a reçu moins d'attention mais il est sûrement en tête de ses priorités. Considérant les orages, les inondations, les sécheresses et les catastrophes naturelles s'étant déjà abattus sur notre pays et notre population, un président qui ne prendrait pas les devants en ce domaine sera mal jugé par l'histoire.

Mais Obama a lui-même défini son principal défi dans ce deuxième acte quand il a qualifié les élections de moment "ça passe ou ça casse pour la classe moyenne". À la suite de la Grande Récession, dans un pays marqué par d'extrêmes inégalités, une classe moyenne en plein naufrage, une pauvreté galopante, et une politique corrompue, le président peut-il définir -et pousser les Américains à l'adopter- une nouvelle base pour une croissance et une prospérité partagée par tous?

Sur ce point, le président serait bien avisé d'appliquer ses propres mots lors de son remarquable "sermon économique sur la montagne", prononcé à Georgetown lors de ses premiers mois d'exercice.

Il y avait décrit les grands axes de sa politique -le Recovery act (reprise économique), le renflouement bancaire, le sauvetage de l'industrie automobile- comme essentiels pour sauver une économie en plein effondrement, et commencer à "nettoyer les dégâts". Tout ceci a bien été accompli.

L'économie vient de connaître 34 mois de croissance dans les emplois du secteur privé. Une grande hystérie entoure le déficit, mais dans les faits, ce dernier a été réduit de 25% par rapport à l'économie. Le déficit baisse actuellement plus rapidement qu'à aucun autre moment depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Si l'économie poursuit sa croissance, le déficit continuera de baisser et notre dette est déjà stabilisée par rapport à l'économie des dix prochaines années. Les dégâts ont été très conséquents; le redressement est difficile et n'est pas encore achevé.

Mais aujourd'hui, Obama peut affirmer que le moment est venu pour l'Acte II. Lors de son discours d'avril 2009, il a soutenu à raison que nous ne pouvions pas revenir à l'ancienne économie, fondée sur une dette non viable et des bulles spéculatives:

"Nous ne pouvons pas reconstruire cette économie que les mêmes dunes de sable. Nous devons construire notre maison sur un roc. Nous devons préparer de nouvelles bases pour la croissance et la prospérité -une fondation qui nous mènera d'une ère d'emprunts et de dépenses à une ère d'économie et d'investissement; où nous consommons moins dans notre pays et exportons plus à l'étranger."

Le président peut ensuite jeter les premières bases de cette nouvelle fondation. Arrêter de gaspiller les vies et les ressources à l'étranger, et investir pour reconstruire l'Amérique, des routes et chemins de fer, au haut débit et réseau électrique.

Investir dans les énergies propres, les bâtiments, les appareils et les techniques de fabrications écoénergétiques composant le cœur même de la révolution industrielle verte, qui s'étend au monde entier. Ces marchés mondiaux vont exploser car les pays n'auront pas d'autre choix que de s'occuper du problème posé par le réchauffement de la planète et les phénomènes climatiques extrêmes. Avec notre force d'innovation et de technologie, nous pouvons et nous devrons mener cette révolution.

Fournir à nos enfants l'héritage inestimable que nous ont laissés nos parents et nos grands parents avant eux -la meilleure éducation publique du monde. Le premier mandat a été l'occasion de réformes pour mesurer les progrès et tenir enseignants et parents comme responsables. Le deuxième doit se focaliser sur l'assurance que chaque enfant ait l'opportunité d'apprendre -depuis la maternelle pour tous jusqu'à une université financièrement accessible.

Arriver à une balance commerciale et produire aux Etats-Unis de nouveau. Nous ne pouvons pas continuer à enregistrer un déficit de marché de plus d'un milliard de dollars par jour. Le premier mandat a instauré l'objectif de doubler nos exportations. Maintenant le président doit mettre en place un nouvel objectif -équilibrer notre balance commerciale dans la prochaine décennie. Il faut avertir les entreprises et les pays: l'Amérique cherche plus d'échanges, mais équilibrés. Nous allons appliquer des règles de concurrence équitable; nous n'allons plus tolérer des pays jouant selon des règles différentes.

Enfin, s'attaquer au défi qui occupait le cœur même des dernières élections -reconstruire une vaste classe moyenne en s'assurant que les fruits de la récente croissance soient largement et équitablement partagés. Les profits des entreprises sont désormais à des hauteurs record par rapport à l'économie ; les salaires des employés connaissent, eux, une baisse record. Nous endurons une lourde inégalité dans laquelle le 1% des grandes fortunes capte à lui seul l'ahurissant chiffre de 93% de la hausse des revenus en 2010. Il faut donc augmenter le niveau le plus bas -remonter le salaire minimum de sorte qu'un employé à temps plein puisse sortir sa famille de la pauvreté. Autoriser les employés à s'organiser et à négocier de sorte qu'ils puissent gagner une part équitable de la production et des profits qu'ils aident à générer. Modérer le régime de compensation de cadres imprudents qui leur permet de toucher des millions de dollars de prime pour envoyer les emplois à l'étranger et piller le futur de leurs propres entreprises pour des retours à court terme. Une réforme globale de l'immigration permettra à des millions de personnes de sortir de l'ombre, où elles ne peuvent se défendre contre de mauvais employeurs qui les privent de leurs salaires et de leurs droits. Cette économie souterraine pénalise les employeurs honnêtes et les entreprises saines, au moins autant qu'elle porte atteinte à la plus simple décence humaine.

Voici un agenda qui ne sera pas accompli en quatre ans. Il rencontrera une résistance féroce de la part d'intérêts personnels et d'idéologues bornés. Mais c'est le roc sur lequel nous pouvons reconstruire notre économie future.

Le président devra s'occuper de l'hystérie entourant le déficit qui étouffe actuellement toutes les pensées à Washington. Sur ce point, il a une grande histoire sur laquelle s'appuyer.

Certains vont hurler que nous ne pouvons pas nous le permettre, que l'Amérique est fauchée. Ne les croyez pas. L'Amérique était bien plus endettée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, avec des dettes atteignant 120% du PIB. Mais nos leaders d'alors étaient inquiets du fait que si les GI rentraient à la maison, nous allions replonger dans la Dépression. Ils se sont alors concentrés sur le fait de régler le problème économique, pas celui de la dette. Ils ont fait passer une loi pour les GI qui a permis d'éduquer toute une génération. Ils ont aidé financièrement l'immobilier et ont construit les banlieues. Ils ont encouragé la reconversion de l'industrie de guerre à la production en temps de paix. Ils ont envoyé des milliards à l'étranger pour reconstruire l'Europe, se faisant ainsi des alliés et créant des marchés pour nos produits. Ils ont maintenu le taux d'imposition le plus haut à 90%, demandant aux plus riches d'aider à financer la reconstruction. Les syndicats se sont assurés que les employés partagent les fruits de la croissance. Nous avons assisté à la plus grande période de croissance de l'histoire, et tous les Américains en ont profité, les plus bas revenus parvenant à s'élever plus rapidement que les plus hauts d'entre eux. Ils ont forgé la première grande classe moyenne de l'histoire, rendant l'Amérique vraiment exceptionnelle.

Ils ont été peu dépensiers mais ont en général enregistré des déficits, ajoutant à la dette nationale totale. Mais l'économie est rapidement remontée et en 1980, la dette avait baissé à moins de 40% du PIB et ne posait plus problème. Nous les avons appelés "la grande génération". Le temps est désormais venu pour cette génération de connaître la grandeur.

Il va sans dire que le président pourrait formuler cette histoire en des termes bien plus convaincants et poétiques. La question est de savoir s'il choisira de pratiquer ce qu'il a détesté faire lors de son premier mandat: mettre en place un agenda dont il sait qu'il ne passera pas la Chambre dominée par le Tea Party, rassembler le pays autour de cet agenda, en activer une partie dans des états démocrates grâce à des gouverneurs alliés, montrer clairement aux Américains qui fait barrage. En gouvernant à la manière d'une campagne électorale, le président pourrait bien réussir à transformer en 2014 l'élection de mi-mandat avec une économie stagnante où le parti du président est puni, en un référendum sur le futur de l'Amérique, dans lequel ceux qui font obstacle sont blâmés.

Tout ceci viole les conventions politiques et théâtrales. Les deuxièmes actes ne sont pas le lieu des nouvelles idées ou des nouveaux personnages. Ils présentent la route implacable et sinueuse de l'action et de l'intrigue mise en place dans le premier acte. Mais Obama ne serait pas président s'il avait suivi les conventions. Et il n'aurait pas remporté de nouveau les élections s'il n'avait pas soutenu le mouvement Occupy et s'il n'avait pas fait un référendum sur les classes moyennes. Pourquoi ne pas casser le moule? C'est mieux d'échouer en se montrant téméraire que de patauger embourbé dans les intrigues fatiguées du premier acte.

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