J'ai écrit dans un texte récent sur ce que la laïcité est, et sur ce qu'elle n'est pas.
Un des éléments importants sur lesquels j'insistais, c'est que pour être réussie, la laïcité ne peut faire fi de l'histoire du Québec. Qu'on ne peut faire table rase de notre passé.
Je présume que c'est ce que le ministre Drainville voulait dire quand, en parlant du crucifix au-dessus du fauteuil du président de l'Assemblée nationale, il a affirmé que celui-ci faisait partie de « notre patrimoine ».
Le catholicisme fait partie du patrimoine québécois...
On peut être en désaccord avec la position du ministre Drainville sur la présence du crucifix au Salon bleu (personnellement je le suis) mais, chose certaine, il n'y a pas de doute que le catholicisme fait partie de notre passé, qu'il est inclus dans notre héritage et qu'il influe - bien que de façon très différente de naguère - notre présent et qu'il marquera notre avenir. (J'écris ces lignes alors que tous les médias québécois couvrent de mur à mur la décision de Benoît XVI de démissionner).
Qu'on pense aux noms de nos rues jusqu'aux noms de nos villes, en passants par ceux de nos quartiers et de nos villages, qu'on pense à la croix de notre drapeau national ou à la croix du Mont-Royal, ou encore à de nombreux noms de famille de chez-nous, le catholicisme est bien patrimonialement québécois.
...mais n'est pas tout le patrimoine québécois
Mais, là où je décroche, c'est lorsqu'on fait des mots « patrimoine » et « catholicisme » des synonymes. Quand on considère toute manifestation de ce catholicisme comme étant patrimonial, mais que toute manifestation religieuse d'une autre tradition est inacceptable, une intrusion du religieux dans le public, etc.
Le patrimoine québécois n'est pas que catholique. L'histoire du Québec a été marquée, notamment, par un important apport protestant, et ce dans tous les domaines. Et elle a été marquée aussi par plus de 250 ans de présence juive sur nos terres.
La communauté juive a puissamment contribué à la vie québécoise, dans plusieurs domaines. Elle nous a donné de nombreux leaders politiques (Ezechiel Hart, Fred Rose, David Lewis, Victor Goldbloom, et autres), de nombreuses réalisations économiques (les frères Jesse et Jacob Joseph, les Bronfman et j'en passe), des créateurs culturels (Leonard Cohen, Naïm Kattan, Irving Layton, Phyllis Lambert), des inventions culinaires (bagels et smoked meat), d'importants syndicalistes (Léa Roback), etc.
Cette contribution juive, vieille de plus d'un quart de millénaire, fait que cette présence est aussi partie de ce patrimoine québécois.
Ainsi, la définition donnée du patrimoine québécois doit inclure l'apport juif à celui-ci. Le patrimoine québécois doit inclure l'apport des minorités historiques ayant contribué à ce que nous, Québécois, sommes aujourd'hui.
Non à la réécriture de l'histoire
Il ne faudrait pas que la bataille pour considérer l'histoire du Québec dans l'application du principe de laïcité devienne une façon détournée de réécrire l'histoire, de faire de celle-ci une époque exclusivement catholique.
Les présences juive et protestante, notamment, doivent aussi être incluses dans ce patrimoine québécois. Sinon, ce serait une façon détournée d'exclure des centaines de milliers de nos concitoyens, non seulement de notre passé, mais aussi de notre présent et de notre avenir commun.