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Des dizaines d'articles ont déjà été écrits sur la reprise des pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens. Je croyais passer mon tour, mais vous avez été plusieurs à m'écrire directement pour connaître mon opinion sur le sujet. Je réitèrerai donc en première partie les paramètres selon moi nécessaires pour en arriver à un accord de paix, tout en avançant les contours d'un plan B qui commence à faire son chemin dans les cercles dirigeants en Israël.
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Des dizaines d'articles ont déjà été écrits au Québec - et des milliers dans le monde - sur la reprise des pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Je croyais passer mon tour, mais vous avez été plusieurs à m'écrire directement pour connaître mon opinion sur le sujet.

Je réitèrerai donc en première partie les paramètres selon moi nécessaires pour en arriver à un accord de paix au Proche-Orient, tout en avançant, dans la seconde partie, les contours d'un plan B qui commence à faire son chemin dans les cercles dirigeants en Israël en cas d'échec des pourparlers.

Accord israélo-palestinien: pas la panacée

Je commencerai en disant ceci: je souhaite de tout cœur un accord de paix entre Israël et ses voisins. Je l'appuie de mes vœux et y travaille d'une façon ou d'une autre depuis des années.

Ceci étant, je me dois aussi d'affirmer que, malgré son importance, le conflit israélo-arabe n'a pas la centralité que plusieurs lui donnent. Plusieurs politiciens, diplomates et analystes avancent la théorie voulant que si le conflit entre Israël et ses voisins arabes était réglé, il n'y aurait plus de tensions entre l'Occident et le monde arabo-musulman, la paix règnerait de l'Indonésie jusqu'au Maroc, en passant par l'Afghanistan, l'Iran, l'Irak, l'Algérie et les autres.

Comme le notait si justement David Ouellette dans La Tribune de Sherbrooke il y a déjà quelque temps:

«Les talibans, par exemple, qui cherchent à rétablir leur émirat fondamentaliste dans une contrée aussi éloignée du conflit israélo-palestinien que l'Afghanistan, un pays d'Asie centrale chroniquement déstabilisé par une géopolitique propre aux intérêts nationaux et tribaux des États voisins musulmans, seraient les premiers surpris et mécontents d'apprendre [...] que leurs ardeurs théocratiques et djihadistes se tempéreraient comme par enchantement advenant un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens.»

En d'autres mots, une entente de paix entre Israël et ses voisins n'arrêterait pas la guerre civile en Syrie qui a fait plus de 100 000 morts, ne stabiliserait pas le Liban divisé sur des bases communautaires, ne règlerait pas la guerre civile larvée en Égypte suite au coup d'État contre l'ex-président (islamiste, mais élu) Mohammed Morsi. Cette entente ne ferait pas non plus disparaître l'hostilité d'Al-Qaeda envers les valeurs occidentales, elle n'éliminerait pas les velléités de puissance nucléaire de l'Iran, de même que la quête d'hégémonie régionale de ce pays, et ne règlerait en rien le conflit sanglant et pluricentenaire entre chiites et sunnites, etc.

Quelques paramètres

Il serait indécent pour moi - ou pour qui que ce soit - de déterminer de mon siège au Québec tous les détails qui devraient être inclus dans un accord de paix entre Israël et ses voisins. Mais je suis convaincu que les éléments suivants devront y être pour réussir:

* Le principe de base de tout accord est celui de «Deux États pour deux peuples».

Ceci a pour corollaire donc l'obligation de reconnaître que les Juifs forment un peuple, qu'ils ont ainsi le droit à l'autodétermination dans leurs terres ancestrales et qu'Israël soit reconnu comme État juif par les Palestiniens.

Ceci veut aussi dire, bien entendu, la reconnaissance que les Palestiniens sont un peuple (et non seulement une partie du peuple arabe), qu'ils ont le droit à l'autodétermination et à un État viable, contigu et pacifique à côté (et non à la place) d'Israël soit réalisé.

* L'accord doit impliquer tous les États de la région, conformément aux résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cela veut dire retrait par Israël de territoires acquis pendant la Guerre des Six-Jours de 1967 (oui, avec ce que cela veut dire pour plusieurs implantations juives en Cisjordanie) et la reconnaissance de tous les pays de vivre dans des frontières sûres et reconnues. En d'autres mots, les États arabes et Israël seront dans l'obligation d'établir des relations diplomatiques s'accordant ainsi reconnaissance mutuelle.

* L'État palestinien devra être démilitarisé.

* De solides garanties de sécurité pour Israël devront être prévues.

* Tout comme les réfugiés juifs des pays arabes ont été intégrés en Israël, les réfugiés palestiniens seront intégrés dans l'État palestinien.

Sinon, ce qui serait créé serait deux États: un palestinien et un qui le deviendrait à terme aussi. Aucun leader israélien n'est prêt - avec raison - à signer un pacte de suicide.

* L'histoire ne pouvant pas être réécrite, certains développements sur le terrain demeureront, conformément aux garanties américaines de 2004 suite à l'engagement d'Israël de se retirer unilatéralement de Gaza.

*Une solution créatrice devra être trouvée pour Jérusalem. Les droits religieux pour tous (chrétiens, musulmans et juifs) ne sont respectés à Jérusalem que depuis que celle-ci est réunifiée sous souveraineté israélienne. Rappelons simplement que sous contrôle jordanien, entre 1948 et 1967, les Juifs n'avaient pas accès au Mur de l'Ouest (appelé à tort Mur des Lamentations). Peu importe la solution à laquelle, je l'espère, les négociateurs arriveront, l'accès à la ville trois fois sainte ne peut être compromis. De plus, chaque communauté religieuse doit pouvoir continuer à avoir le contrôle de ses lieux saints, comme c'est le cas actuellement.

*L'administration de la Bande de Gaza devra revenir dans le giron de l'État palestinien. Sinon, à quoi bon signer un accord de paix avec une autorité qui n'a pas le contrôle effectif de tout son territoire, avec tout ce que cela comporte de risques. L'objectif est deux États et non trois (Israël, Palestine, Gaza).

*Tout accord signifiera la fin de toute revendication des parties. Cet accord devra être final.

Le passé, garant de l'avenir?

Les écarts entre les parties sont importants. Plusieurs doutent de la possibilité d'en arriver à un accord de paix dans les conditions actuelles.

En fait, si on regarde l'histoire, on constate que 1), l'idée de deux États pour deux peuples n'est pas nouvelle (loin de là), et 2), qu'elle a été rejetée constamment par le côté arabe.

En 1937, les Arabes refusent la partition proposée par la Commission Peel, qui aurait créé deux États.

En 1947, ils refusent le plan de partition proposé par l'ONU qui, lui aussi, aurait créé deux États pour deux peuples

En 1967, après la Guerre des Six-Jours, ils refusent la possibilité qu'Israël retourne les territoires qu'il avait conquis alors que les États arabes se réunissent à Khartoum en août 1967 («Non à la paix avec Israël. Non à des négociations avec Israël. Non à la reconnaissance d'Israël.»)

En 2000, Yasser Arafat refuse de signer à Camp David une entente qui aurait donné naissance à un État palestinien sur Gaza et 95-97% de la Cisjordanie.

En septembre 2008, le premier ministre Ehoud Olmert a fait une autre offre encore plus généreuse au résident palestinien Mahmoud Abbas: un État palestinien sur 100% de Gaza, l'équivalent de 100% de la Cisjordanie avec ici et là des échanges de territoires à un ratio 1:1, la division de Jérusalem (les quartiers juifs à Israël, les quartiers arabes à l'État palestinien), et un régime spécial, sans souveraineté, pour le Saint Bassin (c'est-à-dire la Vieille Ville et certains territoires autour) sous une forme de contrôle international avec la participation d'Israël, de la Palestine, de la Jordanie et de l'Arabie Saoudite et l'admission en Israël d'un petit nombre de réfugiés palestiniens.

Israël attend toujours la réponse d'Abbas

Notons en passant que le retrait par Israël du Sinaï, de la Bande de Gaza et de certaines parties de la Cisjordanie représente 94% de tout le territoire conquis par Israël en 1967.

Le billet se poursuit après la galerie

Et si ça ne marchait pas?

Les relations entre les peuples sont un peu comme faire du vélo: si ça ne progresse pas, les gens tombent. Il ne faudrait pas qu'une autre flambée de violence n'engolfe la région. Avec la Syrie, le Liban, l'Irak, l'Égypte, etc., le Moyen-Orient voit déjà trop de sans couler.

Donc... Quel est le Plan B? Si les négociations n'aboutissent pas entre Israéliens et Palestiniens, on fait quoi?

J'ai posé la question au collègue commentateur David Weinberg, qui écrit dans le Jerusalem Post et Israel HaYom et qui est bien branché dans les cercles gouvernementaux autour du premier ministre israélien Netanyahou.

Selon lui, la pression est forte pour rejeter le statu quo. Israël est sûrement sous forte pression américaine. Israël devra bouger, quoi qu'il arrive.

Cependant, de l'avis de plusieurs experts, même si Israël concédait 99% de la Cisjordanie, Abbas n'est pas assez fort pour signer un règlement final et définitif, car il ne peut ramener la Bande de Gaza sous son contrôle (le Hamas y étant trop bien implanté, malgré la chute du régime des Frères musulmans au Caire) et refuse toute reconnaissance d'Israël comme État juif (ce qu'Abbas lui-même m'a déjà dit alors que je rencontrais avec d'autres à Ottawa il y a quelques années). Et Israël refusera d'accepter le soi-disant «droit de retour», concept qui, s'il était appliqué, signifierait la fin d'Israël.

En d'autres mots, les chances d'en arriver à une entente négociée sont faibles.

Certains commencent à évoquer (à la place de «solution de deux États») le concept de «réalité de deux États pour deux peuples».

Dans cette optique, sous supervision américaine, un retrait (militaire, policier et des implantations juives) d'Israël d'importantes parties de la Cisjordanie aurait lieu. On parle en gros ici des territoires à l'est de la Barrière de sécurité (Israël garderait cependant le contrôle des frontières).

La séparation désirée entre Israéliens et Palestiniens aurait lieu, de véritables frontières seraient créées, en coordination avec la communauté internationale (dans les faits, avec les États-Unis) - sans traité de paix entre les parties, mais bien par des actions indépendantes, mais coordonnées de celles-ci.

Un État palestinien serait ainsi créé (dans des frontières provisoires?) en attendant de trouver une issue aux problèmes les plus aigus. Ceci donnerait plus de territoire aux Palestiniens, constituerait une avancée internationale importante pour ces derniers, sortirait du statu quo, libérerait les Palestiniens du joug de l'occupation israélienne et les Israéliens de la responsabilité de centaines de milliers de Palestiniens.

Dans cette optique, la «réalité de deux États pour deux peuples» est plus importante qu'un accord négocié sur la solution des deux États. On en arriverait ainsi, par une forme d' «unilatéralisme constructif» à deux États mais sans entente de paix.

La question qui se pose est cependant: cela mènerait-il à une paix de facto - ou Israël se retrouverait-il dans une position de devoir négocier le reste sans avoir quoi que ce soit pour négocier, ayant pratiquement tout concédé unilatéralement?

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