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Trop souvent, vu d'ici, Israël est vu comme un monolithe, sans nuances, nationaliste et tout en blanc et noir. Or, l'État juif est un kaléidoscope, multicolore, traversé d'idées, de courants très différents. Et aussi, évidemment, d'opinions politiques multiples.
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Il y a de ces livres qui intriguent, qui intéressent, qui font réfléchir, qui marquent. 'Like Dreamers' est de ceux-là.

Trop souvent, vu d'ici, Israël est vu comme un monolithe, sans nuances, nationaliste et tout en blanc et noir. Or, l'État juif est un kaléidoscope, multicolore, traversé d'idées, de courants très différents. Et aussi, évidemment, d'opinions politiques multiples.

L'auteur Yossi Klein Halevi réussit à dresser un portrait d'Israël qui intéressera toute personne qui désire rester loin des slogans et des propagandistes.

(Transparence totale : je connais Yossi Klein Halevi et le considère comme un ami).

Halevi raconte l'histoire moderne d'Israël à travers sept personnages, unis par leur appartenance à la même brigade (la 55e) qui a libéré Jérusalem en 1967, mais divisés par leur vision de l'avenir de leur pays. D'où le sous-titre du livre : L'histoire des parachutistes israéliens qui ont réuni Jérusalem et divisé une nation (The story of the Israeli paratroopers who reunited Jerusalem and divided a nation).

Le simple choix des protagonistes serait assez pour démontrer l'incroyable diversité israélienne, mais la délicatesse des portraits exécutés par Halevi, je dirais presque son identification - à un degré ou un autre - avec chacun d'entre eux ne peut amener le lecteur qu'à s'éloigner des idéologues qui, trop souvent, sont les seuls entendus par l'observateur d'ici.

Un d'entre eux a été très actif dans le mouvement pro-paix La Paix maintenant. Un autre, né dans une ferme collective (kibboutz), a fortement contribué à l'établissement de l'industrie aéronautique israélienne et ainsi, au virage capitaliste de l'économie israélienne. Un autre encore est devenu le principal poète de sa génération, une espèce de Gilles Vigneault israélien. Un autre s'est joint à un groupe terroriste anti-israélien, servant 12 ans de prison. Un autre a fondé le Goush Émounim, un groupe religieux favorable à la construction d'implantations juives en Cisjordanie avant de se séparer du groupe après l'assassinat du premier ministre Yitzhak Rabin en 1995. Un autre, rescapé de l'Holocauste, est devenu un des principaux porte-paroles des colons et le dernier est devenu député à la Knesset.

De gauche comme de droite, religieux comme laïcs, faucons ou colombes, à travers les protagonistes de son récit, Halevi réussit à nous donner accès aux complexités de la société israélienne.

Il dresse aussi le portrait des deux principales visions contradictoires qui ont longtemps tenu le haut du pavé dans le débat politique israélien: d'un côté un projet complètement laïc (à la limite de l'anti-religieux), socialiste, collectiviste, et de l'autre, un projet religieux, attaché à l'ensemble de la Terre d'Israël, voyant l'incroyable victoire israélienne de 1967 comme une manifestation du retour de Dieu dans l'histoire juive à peine 20 ans après l'Holocauste.

Depuis, cependant, les choses ont beaucoup changé en Israël. Le mouvement des kibboutz, après avoir été le fer de lance du sionisme, est devenu marginal, l'économie israélienne est devenue capitaliste, les nouveaux héros sont les success stories du high tech, la société s'est occidentalisée tout en voyant grandir, en son sein même, une société hassidique autarcique, fermée sur elle-même. C'est sans parler, évidemment, des citoyens arabes israéliens qui, bien que bénéficiant des mêmes droits démocratiques que leurs concitoyens juifs (liberté de parole, de religion, d'association, représentation au parlement, accès aux emplois, etc.) se sentent citoyens de seconde zone et, bien que désirant demeurer israéliens, ont une affinité prononcée pour les Palestiniens des territoires.

Aujourd'hui, la droite comme la gauche israélienne a gagné et perdu.

La gauche a gagné, car elle a convaincu une vaste majorité d'Israéliens que l'occupation des Palestiniens ne pouvait plus durer, que le minuscule territoire situé entre le Jourdain et la Méditerranée devait être divisé entre deux États-nations.

Mais la droite a aussi gagné, car les Israéliens sont aussi convaincus que si les Palestiniens - et l'ensemble du monde arabe - sont peut-être prêts à tolérer l'existence d'Israël (et pour combien de temps?), ils ne sont pas prêts à en reconnaître la légitimité, condition pourtant essentielle à une paix durable.

Dit autrement, l'État palestinien est pour les Israéliens en même temps une condition essentielle pour l'avenir de l'État juif et une menace existentielle à la survie de cet État.

Pour ceux qui lisent l'anglais, le livre d'Halevi ne peut qu'ajouter à la compréhension d'Israël, pays si petit et qui, pourtant, fascine toujours autant. Pays qui désire la normalité, mais qui attise les passions comme aucun autre.

Si vous cherchez du noir et blanc, des caricatures, Like Dreamers n'est pas pour vous.

Mais si vous cherchez réellement à mieux comprendre une région du monde qui occupe tant d'espace dans nos bulletins d'informations, si vous ne désirez pas vous faire dire quoi penser de la situation, si vous voulez comprendre l'humanité complexe d'Israël, courrez chercher ce livre.

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