Quelques courtes semaines avant le 70e anniversaire de la libération du camp de concentration d'Auschwitz, qui sera marqué le 27 janvier prochain, quatre Juifs ont été assassinés dans une épicerie casher de Paris. Tués parce que Juifs. Étant un des députés fédéraux ayant fait adopter la loi créant une journée commémorative de l'Holocauste en 2003, je ne peux que constater que la haine la plus vieille et la plus durable existe encore et ce, malgré le passage du temps.
L'antisémitisme: une idéologie adaptable
L'histoire démontre que l'antisémitisme est remarquablement adaptable. Il se conforme à la vision du monde de la société hôte, la déforme et fait du Juif une force qui la menace, elle et ses valeurs. Cette idéologie haineuse fut adoptée par les Grecs et les Romains de l'Antiquité, par les Croisés pieux du Moyen-Âge, par certains philosophes des Lumières, par les communistes athées et les «scientifiques raciaux». L'antisémitisme utilise selon l'occasion le langage de la théologie, de la politique, de la science et, bizarrement et de façon perverse, celui des droits de la personne pour promouvoir la haine du Juif.
Bien que l'antisémitisme soit une forme unique et pernicieuse de bigoterie contre les Juifs, il n'est ultimement que le précurseur de menaces contre d'autres groupes, voire contre la démocratie elle-même. L'exemple du nazisme - qui a aussi ciblé communistes, gays, Témoins de Jéhovah et autres - démontre que la haine qui commence en ciblant les Juifs ne finit jamais avec les Juifs.
L'antisémitisme: des leçons pour toutes les haines
La connaissance de l'antisémitisme expose les mécanismes de toute haine contre un groupe identifiable. On peut penser aux génocides au Rwanda, au Cambodge ou dans l'ex-Yougoslavie. Plus récemment, les exactions de l'État islamique contre les minorités chrétienne et yazidie nous démontrent que les droits de la personne continuent d'être bafoués encore aujourd'hui par des idéologies obscurantistes, meurtrières et agressives.
L'Holocauste a donné naissance au mouvement international des droits de la personne, incluant la Déclaration des droits de l'Homme de l'ONU et, éventuellement, les Chartes québécoise et canadienne des droits de la personne. Ce mouvement prend sa source dans le travail des hommes d'État et des visionnaires qui ont juré, après la fin du génocide nazi de la Deuxième Guerre mondiale: plus jamais!
Au Canada
Il est pertinent que le Monument national de l'Holocauste du Canada à Ottawa soit construit à côté du Musée canadien de la Guerre, commémorant ainsi le sacrifice de nombreux soldats canadiens à la libération de l'Europe du joug nazi. Ainsi placé, le Monument rappellera aux générations futures - qui n'auront pas la chance de parler à un rescapé de la Shoah ou à un ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale - les leçons à tirer de cette horreur.
La montée de l'antisémitisme en Europe, culminant avec l'attentat meurtrier contre une épicerie juive de Paris, devrait servir de réveil à tous ceux et celles qui croient - ou tentent de faire croire - que l'antisémitisme est mort avec la libération d'Auschwitz en janvier 1945. Ce n'est pas seulement un problème européen, par ailleurs. Au Canada, la communauté juive demeure la cible la plus fréquente de crimes motivés par la haine (par un facteur de 15 à 25 fois).
Toutes les communautés juives du Canada ont fait les frais de l'antisémitisme. En 2004, une école juive de Montréal a été incendiée par des gens aux motivations anti-israéliennes. Depuis, des synagogues et cimetières juifs ont été la cible de graffitis antisémites à Victoria, Vancouver, Calgary, Winnipeg, Hamilton, Toronto, Ottawa, Montréal et, plus tôt cette semaine, Edmonton.
Israël: le Juif parmi les nations
Récemment, l'idéologie droits-de-l'hommisme (pour utiliser un néologisme français) est manipulée afin de démoniser le seul État juif du monde. Israël, un État libéral avec un système légal indépendant qui protège les droits et libertés, est la cible de plus de résolutions du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU - sur lequel siègent plusieurs dictatures, lui enlevant ainsi toute crédibilité. L'État juif est maintenant le Juif parmi les nations : fustigé et non critiqué.
Certains se cachent derrière le mot «sioniste», affirmant être amis des Juifs tout en traitant leur État-nation comme la source de tous les maux. Substituez le mot «Juif» à «sioniste», et vous verrez que les mêmes accusations étaient lancées il y a un siècle. En passant, le sionisme est simplement l'appui à la création et au développement d'un foyer juif dans les terres ancestrales du peuple juif.
Auschwitz: une leçon toujours d'actualité
Cette année, mes enfants se rendront à Auschwitz pour explorer cette période sombre de l'histoire avec la Marche des Vivants, accompagnant des rescapés qui ont vécu cet enfer. Mais ils n'iront pas simplement pour en savoir plus sur une haine du passé. Ils comprennent très bien que cette haine est encore bien présente dans le monde.
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