Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le silence des gens bien pensants

Au Congo, par exemple, notre insouciance est liée à des pertes de vies, de la prostitution, de la délocalisation, des viols massifs de femmes, la destruction de l'environnement.Il y a un génocide là bas. C'est une chose d'en parler, mais s'en est une autre d'adresser les causes de ces innombrables pertes de vies humaines et violations de droits fondamentaux.Lorsqu'on saura qu'on finance nos piscines creusés avec les retombées de nos placements dans des compagnies violant les droits humains, peut-être qu'on arrivera à rompre collectivement le silence des gens qui se disent bien...
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
An internally displaced Congolese child waits with others in the rain for aid to be distributed in Kibati, north of Goma, eastern Congo, Wednesday Aug. 8, 2012. Drenching rain punctuated by frightening bursts of thunder and forked lightning add to the misery of some of the 280,000 refugees from Congo's eastern rebellion, whose plight is highlighted by a visit from the U.N. humanitarian chief Baroness Valerie Amos. (AP Photo/Jerome Delay)
AP
An internally displaced Congolese child waits with others in the rain for aid to be distributed in Kibati, north of Goma, eastern Congo, Wednesday Aug. 8, 2012. Drenching rain punctuated by frightening bursts of thunder and forked lightning add to the misery of some of the 280,000 refugees from Congo's eastern rebellion, whose plight is highlighted by a visit from the U.N. humanitarian chief Baroness Valerie Amos. (AP Photo/Jerome Delay)

Mon groupe d'amis envoie des centaines de courriels contenant un communiqué de presse parlant d'une campagne de sensibilisation ludique pour attier l'attention sur la situation se déroulant sur l'un des plus riches pays de notre planète, ne serait-ce que sur le plan des ressources naturelles. Une seule personne a véritablement pris la peine de nous répondre avec une réponse qui donne de l'espoir, soit le député Alexandre Boulerice.

On va voir ce que ça donne.

Pour les autres réponses, lorsqu'on réussit à parler aux gens au téléphone, on entend: «Écoute, si on cautionne publiquement ton communiqué, on se fait couper notre financement de l'ACDI. Mais c'est bien c'que vous faites... On a juste pas le droit de faire de la mobilisation... c'est épouvantable... Quand je serai renvoyé, je viendrai t'aider.»

Voici la position des grosses ONG de coopération internationale lorsqu'on leur demande que soient portée à l'attention du public la question de la situation au Congo. Ça aurait aussi pu être la délocalisation des indigènes au Guatemala, les revendications des manifestants burkinabés bloquant les véhicules de la compagnie minière canadienne IamGold au Burkina Faso ou les 7000 morts en Haïti à cause du choléra amené par le contingent népalais de l'ONU.

Ayant aussi oeuvré dans le domaine de la coopération internationale, je n'attendais pas d'être mis à la porte pour rompre le silence. La grande désillusion de mon immersion dans ce milieu était de réaliser que nous étions bâillonnés par un bailleur de fonds se fichant du problème de fond. Ainsi, je comprends donc très bien le dilemme des personnes et institutions muselées, toutefois je n'y adhère pas.

On dit quoi aux enfants, après? «Excuse-moi, le poids de mes privilèges obstruent ma vision!»

Pour cette campagne, ceux qui l'ont initié ne demande pas de l'argent, mais de la visibilité.

On sait que la vérité n'a pas peur de l'examen. Les autres n'ont pas besoin de nous, mais des moyens d'être eux-mêmes.

Si vous ne savez pas ce qui se passe là-bas et ailleurs dans le monde, c'est normal. Surtout lorsqu'on peine à voir ce qui se passe dans notre propre ville... et qu'on ne trouve pas les mots pour expliquer le tout à nos proches.

«Oui, le maire de Laval est un crotté, mais ça dérange pas ses citoyens, parce qu'ils ont un bel endroit ou dormir, un métro, un beau centre d'achat, de la stabilité, des garderies en milieu familial, de l'expansion en tout sens sauf au niveau de la transparence et des mesures sociales... Alors Mathieu, c'est pas la vérité et la transparence qui compte, mais c'est le bien que procure le mensonge... Va dormir» - Papa-trop-honnête

En fait, mieux vaut ne pas savoir ce qui se passe au Congo...

Avec un gouvernement qui donne plus d'argent à Quebecor Medias qu'au secteur documentaire, il est normal qu'on peine à développer un sens critique face à notre quotidien de consommateurs. Qu'est-ce que la misère du monde comparé à la beauté de notre faux-star système démetissé en première page du 7 jours, Écho Vedettes, Summum, etc?

Ce sont nos compagnies canadiennes qui sont là bas, non? Banro, First Quantum Minerals, Barrick Gold, Emaxon.

Même les rapports de l'ONU considère nos actions comme manquant d'éthique.

On a beau tenter de profiter du Sommet de la Francophonie pour donner des leçons aux autorités congolaises, reste que ceux qui capitalisent sur l'effritement du tissu social congolais sont liés à la Bourse de Toronto.

Oui, la plupart des compagnies minières y sont enregistrés.

Ce qui se passe là bas, se fait donc en notre nom et dans la complicité de notre silence.

Je suis content que La Presse ait récemment sorti un dossier sur les minières canadiennes dans le monde même si c'est en faisant semblant de le découvrir eux-mêmes, même si c'est après avoir exercé une censure pendant des années sur ceux qui le faisaient connaître.

Des gens sont délocalisés par des forces armées et des concessions sont cédés à des compagnies transnationales qui font de l'argent avec l'exploitation du sol ou avec la spéculation boursière.

La recherchiste de l'émission Tout le monde en parle dit de rappeler plus tard, le journaliste Jean Lapierre répond pas aux courriels, les recherchistes de Radio-Canada ne retournent pas les appels et courriels. Urbania a au moins retweeté notre lien.

Nous n'avons pas la prétention d'avoir une campagne de sensibilisation parfaite. On a pas étudié dans le domaine. Toutefois, on sait, comme l'a dit le regretté journaliste burkinabè, Norbert Zongo, que la pire des choses, n'est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien.

Certains nous traiteront de frustrés ou diront qu'on a pas assez de «J'aime» sur Facebook, mais ça en prend combien pour parler de la vérité ou d'enjeux cruciaux?

Peut-être que notre campagne de sensibilisation aurait eu plus de succès si on avait décidé d'envoyer des coeurs à Noël aux enfants du Congo pour donner de l'espoir?

Toutefois l'affranchissement des peuples ne se fait pas par vagues de grosses expériences sentimentales, mais en se battant pour faire appliquer la justice.

Voilà pourquoi on en à rien à branler du fait que Lino Zambito soit applaudi à Tout le Monde en parle. C'est le silence de la majorité de gens bien qui ont autant, sinon plus, d'informations que lui, qui nous dérangent.

C'est quoi le rapport avec le Congo?

Partout, c'est le même système qui fonctionne en capitalisant sur l'incapacité des gens à franchir leur propre mur de l'insouciance. Au Congo, par exemple, notre insouciance est liée à des pertes de vies, de la prostitution, de la délocalisation, des viols massifs de femmes, la destruction de l'environnement.

Il y a un génocide là bas. C'est une chose d'en parler, mais s'en est une autre d'adresser les causes de ces innombrables pertes de vies humaines et violations de droits fondamentaux.

Lorsqu'on saura qu'on finance nos piscines creusés avec les retombées de nos placements dans des compagnies violant les droits humains, peut-être qu'on arrivera à rompre collectivement le silence des gens qui se disent bien...

VOYEZ DES VIDÉOS:

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.