Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Journal de Mourréal vs Journal de Montréal: quelques considérations juridiques

Les personnes derrièreont d'abord baissé les bras devant l'ampleur des problèmes juridiques qui s'annonçaient, en décidant de fermer leur site. Puis ils se sont ravisés. Il y a donc matière à s'interroger sur les notions juridiques en cause.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.

Les médias ont traité dernièrement des ennuis juridiques du site humoristique Le Journal de Mourréal, poursuivi devant les tribunaux par Média QMI, propriétaire du Journal de Montréal. Les personnes qui ont lancé Le Journal de Mourréal ont d'abord baissé les bras devant l'ampleur des problèmes juridiques qui s'annonçaient, en décidant de fermer leur site. Puis ils se sont ravisés. Il y a donc matière à s'interroger sur les notions juridiques en cause.

Une première concerne le droit à la bonne réputation. Tout comme les personnes physiques, les compagnies ont un droit, protégé par le Code civil, à la bonne réputation. C'est une chose à laquelle elles tiennent jalousement, car leur chiffre d'affaires en dépend. Toute allusion relative à leur probité peut s'avérer fatale, sur le plan financier. Ici, la limite importante est la notion de bonne foi. Ainsi, personne ne peut accuser par exemple les propriétaires ou les employés du journal de choses qu'on sait être fausses. Par exemple prétendre que les propriétaires fraudent Revenu Québec, sachant que c'est inexact. Pour le reste, notre société considère qu'au nom du droit à la liberté d'expression, on peut se moquer de nos leaders politiques et des compagnies qui font partie de notre quotidien.

L'autre notion plus pertinente concerne les marques de commerce. Le Journal de Montréal a enregistré le nom du quotidien en vertu de la Loi sur les marques de commerce. Ce qui lui assure une exclusivité sur l'emploi de ce nom, pour un journal. De cette façon, toute personne qui achète un quotidien qui a pour titre Le Journal de Montréal peut avoir confiance que la source de cette publication est bien la même compagnie qui publie à chaque jour le journal qu'elle veut se procurer.

Le Journal de Mourréal utilise une marque légèrement différente, mais pour un produit semblable.

La loi prévoit deux concepts importants: l'interdiction de la confusion, et la diminution de l'achalandage. Dans le premier cas, la loi interdit l'emploi d'une marque qui crée de la confusion avec une autre marque enregistrée. La confusion peut prendre deux formes : utiliser une marque identique à celle d'un concurrent, mais pour un produit différent; ou utiliser une marque un tout petit peu différente pour un produit semblable. C'est ce qui est en cause ici. Le Journal de Mourréal utilise une marque légèrement différente, mais pour un produit semblable. La question que les tribunaux auront à trancher, si l'affaire va en cour, sera de déterminer si le Journal de Mourréal laissait croire, dans l'esprit des internautes, que c'était le véritable Journal de Montréalqui était l'auteur du site en question, si c'était lui qui s'amusait à se parodier lui-même.

L'autre notion en jeu, la dépréciation de l'achalandage, joue lorsqu'une entreprise essaie de détourner en sa faveur la bonne notoriété dont jouit une autre entreprise. Un bon exemple est la cause classique en ce domaine, l'affaire Clairol, qui remonte aux années 60. Dans cette affaire, Clairol a poursuivi avec succès Revlon qui avait décidé de mettre en marché, dans les pharmacies, des teintures maison pour les cheveux. Revlon ajoutait dans les boîtes un dépliant montrant une « charte des couleurs », c'est-à-dire indiquant aux consommatrices que, par exemple, la teinture numéro 17 chez Revlon correspondait parfaitement à la couleur de la teinture numéro 22 chez Clairol. Revlon a été condamnée, même si, comme on le voit, elle n'a pas agi malicieusement. Elle ne faisait pas croire que c'était Clairol qui fabriquait ses produits. Elle s'est trouvée tout de même à détourner à son profit une partie de la clientèle de Clairol.

Il semble bien que la même situation se retrouve dans les agissements du Journal de Mourréal. On comprend mieux l'attitude des propriétaires du Journal de Mourréal face à leurs difficultés juridiques croissantes, avant qu'ils n'obtiennent le soutien de plusieurs avocats et de l'humoriste Mike Ward.

VOIR AUSSI SUR LE HUFFPOST

1. CHANTAL HÉBERT

Quels journalistes québécois ont le plus grand taux d'approbation au Québec?

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.