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Les conséquences de l'influence accrue des lobbys informatiques en éducation

Est-ce que l'apprentissage du codage et de la programmation permettra aux jeunes de mieux réussir et de persévérer à l'école et de contrer le décrochage?
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Dans sa nouvelle politique de réussite éducative, le gouvernement nous présente l'apprentissage du numérique comme une nécessité absolue : «Le numérique est une des clés de la réussite éducative que nos écoles devront apprendre à utiliser ou continuer de développer. Sa présence dans toutes les sphères de l'activité humaine fait en sorte que la capacité d'une personne à l'utiliser de façon autonome et créative est devenue une compétence indispensable».

Dans sa Stratégie numérique du Québec dévoilée à l'automne 2017, le gouvernement annonce un véritable projet de société autour du numérique. Son objectif est que le Québec figure parmi les chefs de file de l'OCDE en matière numérique, d'ici cinq ans. Il annonce l'intensification de la transformation numérique au sein du système éducatif québécois. Un Plan d'action numérique en éducation et en enseignement supérieur sera dévoilé au printemps 2018. L'introduction dans le curriculum du codage et de la programmation est envisagée, dès le primaire, pour répondre aux besoins de la société de demain. Le ministre Proulx affirme que le Québec a du rattrapage à faire dans ce domaine.

Toutes les grandes compagnies de l'informatique sont prêtes. Apple avec Swift Playground, Microsoft avec Imagine, Google avec Codemakers ou Ubisoft avec Codex. Chacune a développé sa trousse pour enseigner la programmation et le codage. Elles dispensent de l'aide technique et financière à des fondations scolaires ainsi qu'à différents organismes à but non lucratif faisant la promotion du numérique.

À ce sujet, lors de la rencontre du comité exécutif de la CSDM du 23 février 2016, la présidente fait état d'un projet pilote axé sur la programmation développé par Ubisoft-CODEX à l'école au Pied-de-la-Montagne. Elle mentionne qu'Ubisoft pourrait apporter son soutien en programmation à des conseillers pédagogiques de la CSDM afin que le projet pilote puisse être développé dans plusieurs établissements.

Ubisoft a développé au coût de 8 millions le programme CODEX qui s'échelonne de 2015 à 2020. «Il vise un regroupement d'initiatives à tous les niveaux de scolarité qui positionnent le jeu vidéo comme source de motivation et moteur d'apprentissage pour le développement de la relève techno-créative au Québec», peut-on lire sur son site internet.

Code MTL est un projet de la Fondation de la CSDM qui est financé par Google Canada, le Mouvement Desjardins, le gouvernement du Québec, Ubisoft Montréal et de Jeux WB Montréal.

Le projet de la CSDM a fait des petits. Un programme d'initiation à la programmation informatique, Code MTL, a été mis en place en septembre 2017 et touche plus de 3240 élèves du primaire dans 65 écoles de la CSDM. Par la suite, il sera étendu à l'ensemble des 28 000 élèves de 8 à 12 ans de la CSDM. Code MTL est un projet de la Fondation de la CSDM qui est financé par Google Canada, le Mouvement Desjardins, le gouvernement du Québec, Ubisoft Montréal et de Jeux WB Montréal.

Un autre partenaire de code MTL, Kids Code Jeunesse, organisme à but non lucratif et partenaire de UBISOFT par son projet CODEX, assure la formation des enseignants volontaires et les accompagne en classe pour l'application de l'enseignement du codage et de la programmation, par le programme Scratch.

L'omniprésence de ces entreprises informatiques au sein du milieu scolaire suscite des questions. Ce n'est pas par pure philanthropie que ces entreprises développent ces projets ! Leur présence revêt une importance stratégique, car elles comptent sur le fait que les enfants qui sont assis dans les salles de classe aujourd'hui sont les travailleurs et consommateurs de demain. Sur le site de la fondation de la CSDM, on ne peut être plus clair :

La programmation est un domaine d'activité incontournable pour notre société. On estime que le Québec connaîtra une importante pénurie de main-d'œuvre spécialisée dans les années à venir. De plus, le fossé qui pourrait alors se creuser entre les besoins de l'industrie et l'offre de travailleurs qualifiés risque à la fois de priver les jeunes d'aujourd'hui de carrières prometteuses et de nuire à la prospérité de l'ensemble de la population. C'est pour répondre à ce double besoin de sensibiliser les jeunes aux technologies de l'information et de préparer une relève de main-d'œuvre pour les entreprises œuvrant dans ces industries que la Fondation CSDM a lancé Code MTL.

Est-ce que les lobbys de l'informatique se servent des établissements scolaires pour satisfaire leurs intérêts et imposer leur projet de société ? Le codage et la programmation est plus qu'apprendre l'informatique, c'est une manière de penser, selon la fondatrice de Kids code Jeunesse Kate Arthur. Nous devrions mesurer les enjeux avant de changer le curriculum, comme le gouvernement s'apprête à le faire.

Le codage et la programmation sont peut-être une nécessité pour le futur des jeunes. Mais pourquoi pas la philosophie qui a donné de très bons résultats dans certains projets ? Pourquoi pas l'enseignement de la musique à tous les jeunes du primaire ? Plusieurs études ont démontré des effets positifs sur le développement des enfants et de meilleures performances dans toutes les matières.

Est-ce que l'apprentissage du codage et de la programmation permettra aux jeunes de mieux réussir et de persévérer à l'école et de contrer le décrochage ? Si oui, que des études indépendantes soient présentées à cet effet. Le gouvernement et les établissements du réseau de l'éducation doivent cesser d'agir sur la bonne foi des entreprises concernées et des lobbys influents. Ne répétons pas l'erreur de l'implantation des tableaux blancs interactifs qui a été imposée aux enseignants sans consultation, en complète improvisation, sans aucune étude indépendante quant à leurs bienfaits, avec des résultats assez mitigés pour un investissement de 240 millions de dollars.

Avril 2018

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