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Médecine du futur: identifier les causes environnementales des maladies

Un nouveau défi se pose aujourd'hui, celui de l'identification et du contrôle des causes des maladies non contagieuses.
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A man wearing a mask walks in heavy smog in Harbin, northeast China's Heilongjiang province, on October 21, 2013. Choking clouds of pollution blanketed Harbin, a Chinese city famed for its annual ice festival on October 21, reports said, cutting visibility to 10 metres (33 feet) and underscoring the nation's environmental challenges. CHINA OUT AFP PHOTO (Photo credit should read STR/AFP/Getty Images)
AFP via Getty Images
A man wearing a mask walks in heavy smog in Harbin, northeast China's Heilongjiang province, on October 21, 2013. Choking clouds of pollution blanketed Harbin, a Chinese city famed for its annual ice festival on October 21, reports said, cutting visibility to 10 metres (33 feet) and underscoring the nation's environmental challenges. CHINA OUT AFP PHOTO (Photo credit should read STR/AFP/Getty Images)

Dans une déclaration historique, l'Organisation mondiale de la santé a annoncé en 1980 l'éradication de la variole. Cette maladie infectieuse, la première maladie mortelle éradiquée par une action volontaire et concertée, était encore, en 1900, responsable d'un décès sur 9 en France. Ceci ne signifie pas pour autant que les maladies infectieuses ne sont plus un problème: la grippe continue de sévir; des infections sont apparues ou posent de nouveaux défis (VIH, Chikungunya, souches bactériennes multi-résistantes aux antibiotiques...); et certaines pathologies chroniques ont une cause infectieuse; ainsi les virus de l'hépatite peuvent entraîner un cancer du foie.

Mais un nouveau défi se pose aujourd'hui, celui de l'identification et du contrôle des causes des maladies non contagieuses.

Des maladies infectieuses en recul, des maladies chroniques en augmentation : la transition épidémiologique

L'éradication de la variole est emblématique de la transition épidémiologique. La diminution, dans les pays industriellement développés, des décès liés aux maladies infectieuses (figure) a laissé de la place à des pathologies survenant à des âges plus avancés: 30% des décès aujourd'hui sont dus à la survenue d'un cancer, 28% sont liés aux troubles cardio-vasculaires ou du système nerveux comme la démence ou la maladie d'Alzheimer (5%) [2]. Cette transition épidémiologique a permis un allongement de l'espérance de vie, inférieure à 30 ans lors de la Révolution française, et de 80 ans aujourd'hui.

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Figure : Principales causes de décès aux USA en 1900 et 2010 [1]. Voir aussi ce graphique.

Deux leviers : prévention et thérapeutique

La transition épidémiologique s'est faite grâce à deux leviers. La prévention primaire [3] d'abord, qui désigne l'ensemble des mesures prises pour réduire l'apparition de nouveaux cas de maladie dans la population générale. Elle s'est appuyée sur la vaccination et sur les progrès de l'hygiène. En parallèle ont eu lieu des avancées thérapeutiques, qui concernent, elles, les sujets déjà atteints par la maladie: développement d'une chirurgie aseptisée, puis découverte des antibiotiques autour de 1940.

Le déclenchement des maladies infectieuses suit un mécanisme relativement simple: existence d'une cause principale (virus, bactérie) nécessaire (pas de maladie sans la présence du virus ou de la bactérie) et identifiable chez l'individu malade, ayant un effet à court terme et relativement fréquent. Une étude de cas peut suffire pour l'isoler.

Des facteurs aux effets rares, combinés et retardés

Ce modèle ne s'applique pas à la plupart des maladies chroniques dont on meurt aujourd'hui. Si l'on excepte les pathologies dues à des mutations génétiques (hémophilie, mucoviscidose...), ces maladies sont multifactorielles : il n'y a pas un "interrupteur" unique, mais généralement un ensemble de causes agissant de concert. Ces causes ne sont pas des causes nécessaires (on peut développer un cancer du poumon sans contact avec la fumée de tabac - par exemple si on est exposé au radon), ni suffisantes. En conséquence, en dehors des situations de toxicité aigüe, l'étude de cas est généralement inopérante. De plus, leur effet peut être décalé dans le temps : ainsi le Distilbène (ou DES) a entraîné des cas de cancer gynécologiques chez des jeunes femmes plus de 15 ans après leur exposition intra-utérine à cette substance lors de la grossesse de leur mère - longtemps après la disparition de la substance elle-même de l'organisme. Enfin, l'effet de ces causes est souvent faible au niveau individuel - ce qui ne veut pas dire qu'il le soit au niveau de la société, car un facteur augmentant un peu le risque de maladie chez beaucoup de sujets peut être responsable d'un nombre important de cas dans la population.

Le fardeau de maladie dû à l'environnement dans les maladies chroniques

Les causes d'origine externe des maladies chroniques, en plus de facteurs biologiques (virus, bactéries...) déjà évoqués, peuvent être recherchées parmi des facteurs sociaux, physiques et chimiques (incluant des milliers de substances).

L'identification de ces causes est la tâche principale des chercheurs issus de plusieurs sciences, dont l'épidémiologie (discipline d'observation et d'intervention, chez l'humain) et la toxicologie (discipline d'expérimentation, essentiellement chez l'animal).

Leurs travaux suggèrent que les facteurs environnementaux et comportementaux ont un impact majeur sur la santé des populations. Ainsi, des études auprès de jumeaux montrent que la composante purement génétique des causes des maladies est faible et mettent en relief le rôle majeur des autres facteurs. Les données épidémio-démographiques, montrant de fortes inégalités sociales dans le risque de décès et de maladie 3,5 sont aussi en faveur d'un rôle considérable des facteurs du mode de vie et de l'environnement. Ce risque de décès avant 65 ans est 2,4 fois plus important pour les ouvriers que pour les cadres.

En plus de facteurs à forte composante comportementale (tabac, alcool, surpoids), le rôle spécifique de certains polluants est bien établi : les études épidémiologiques sur les polluants atmosphériques indiquent qu'ils sont responsables de l'ordre de 20 à 40.000 [6] décès par an en France, un nombre inférieur à ceux correspondant aux effets de la fumée de tabac (70 à 80.000 décès) et à l'alcool (50.000 décès [7]) mais bien supérieur à ceux des accidents de la route (4000 décès) [8]. Autre exemple: les métaux lourds, et probablement certains composés organochlorés comme les PCB, qui perturbent le développement du système nerveux [9].

En termes de mécanisme, le développement des recherches en épigénétique, qui vise à identifier les facteurs non enregistrés dans la séquence d'ADN influençant l'expression des gènes, fournit des pistes pour expliquer comment des perturbations environnementales, subies durant la vie intra-utérine ou plus tard, peuvent avoir des effets à court et long terme sur la santé, même après que l'exposition ait disparu. L'interaction de nombreuses substances (les "perturbateurs endocriniens") avec le système hormonal et leurs effets sur des modèles animaux, suscitent de fortes inquiétudes. Les études de biosurveillance indiquent que notre organisme contient des centaines de substances chimiques d'origine extérieure.

Les moyens de lutte contre ces facteurs comportementaux et environnementaux sont différents de ceux employés contre les maladies infectieuses, mais le principe est le même, et repose sur un mélange entre prévention (ainsi, désormais, que la précaution) et thérapie. Les actions de prévention dirigées vers l'environnement (plutôt que celles dirigées vers l'individu) peuvent se révéler particulièrement efficientes [10]. L'Organisation des Nations Unies souligne leur caractère primordial dans sa déclaration de 2011 sur la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles. Il n'en reste pas moins qu'en pratique, les défis sont énormes du fait de la complexité des processus biologiques, de l'enchevêtrement des causes, et de la difficulté de nos sociétés à mettre en œuvre des actions de prévention efficaces.

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[1].Jones DS, Podolsky SH, Greene JA. The Burden of Disease and the Changing Task of Medicine. N Engl J Med 2012;366(25):2333-2338.

[2].Aouba A, Eb M, Rey G, Pavillon G, Jougla E. Données sur la mortalité en France : principales causes de décès en 2008 et évolutions depuis 2000. Bulletin d'Epidémiologie Hebdomadaire. Vol. 22, 2011;249-255.

[3].Leridon H. La prévention dans la transition épidémiologique. In: Corvol P, ed. La prévention du risque en médecine Collège de France, 2012.

[4].Meigs JB, Shrader P, Sullivan LM, McAteer JB, Fox CS, Dupuis J, Manning AK, Florez JC, Wilson PW, D'Agostino RB, Sr., Cupples LA. Genotype score in addition to common risk factors for prediction of type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;359(21):2208-19.

[5].Cambois E, Laborde C, Robine JM. La « double peine » des ouvriers : plus d'années d'incapacité au sein d'une vie plus courte. Population & Sociétés, 2008;1-4.

[6].Kunzli N, Kaiser R, Medina S, Studnicka M, Chanel O, Filliger P, Herry M, Horak F, Jr., Puybonnieux-Texier V, Quenel P, Schneider J, Seethaler R, Vergnaud JC, Sommer H. Public-health impact of outdoor and traffic-related air pollution: a European assessment. Lancet 2000;356(9232):795-801.

[7].Guerin S, Laplanche A, Dunant A, Hill C. Alcohol-attributable mortality in France. Eur J Public Health 2013;23(4):588-93.

[8].Pope CA, 3rd, Ezzati M, Dockery DW. Fine-particulate air pollution and life expectancy in the United States. N Engl J Med 2009;360(4):376-86.

[9].Grandjean P, Landrigan PJ. Developmental neurotoxicity of industrial chemicals. Lancet 2006;368(9553):2167-78.

[10].Chokshi DA, Farley TA. The cost-effectiveness of environmental approaches to disease prevention. N Engl J Med 2012;367(4):295-7."

L'Inserm, 50 ans au service de la santé humaine. Créé en 1964, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale célèbre cette année ses 50 ans. Pour être à la pointe européenne de la recherche en santé, l'Inserm a su relever des défis scientifiques de taille. Aujourd'hui, l'Inserm construit l'avenir de la recherche médicale dans l'objectif de permettre à tous de vivre plus longtemps mais surtout en bonne santé. Ses meilleurs experts se mobilisent pour le Huffington Post et imaginent les prochaines grandes avancées médicales et scientifiques dans leurs domaines respectifs.

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