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L'élection présidentielle française: un scénario déjà vu

Les favoris Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont comparables à Donald Trump et Bernie Sanders, respectivement, avec néanmoins des différences marquées.
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Les points communs entre l'élection présidentielle américaine de l'an dernier et celle française de cette année sautent aux yeux. Même si un candidat «modéré», Emmanuel Macron, est favori, une réelle possibilité de surprise existe.

Je suis optimiste par nature, avec une grande affection pour mes deux pays, la France et les États-Unis. Toutefois, l'Hexagone a rarement montré de signes aussi troublants. Le mécontentement avec le statu quo, très prononcé, est similaire à celui perceptible lors de la campagne électorale américaine.

La France présente aujourd'hui une classe ouvrière de grande taille souffrant d'un taux de chômage élevé, dû en partie aux relocalisations d'industries en Asie. Le Nord et l'Est français sont comparables à la «Rust Belt» qui comprend l'Ohio et la Pennsylvanie. Simultanément, des violences policières ont provoqué des émeutes en région parisienne, telles celles de Baltimore, Ferguson ou Charlotte, entraînant une détérioration des relations entre communautés. Outre cela, les attaques terroristes de Paris, Nice et ailleurs, à l'instar de celle d'Orlando en juin 2016, ont entrainé des tensions entre groupes religieux.

La colère et l'anxiété sont les moteurs de l'élection, ce qui a mené à l'émergence, pour la première fois dans l'histoire de France récente, de deux candidats favoris étant anti-systèmes et anti-establishments. Le Parti socialiste et les partis traditionnels de Droite sont les très grands absents du peloton de tête.

Parallèlement, il est à noter que 84% des Français estiment que l'élection est de «basse qualité» (seulement 4 électeurs sur 10 aux États-Unis l'an dernier s'en disaient satisfaits, taux le plus bas depuis 1992).

Les favoris Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont comparables à Donald Trump et Bernie Sanders, respectivement, avec néanmoins des différences marquées.

Les favoris Marine Le Pen et Emmanuel Macron sont comparables à Donald Trump et Bernie Sanders, respectivement, avec néanmoins des différences marquées.

Le Pen, candidate de l'Extrême Droite, a le soutien des classes ouvrières. Elle compte limiter l'immigration, donner préférence aux citoyens français dans tous domaines, instaurer le protectionnisme nationaliste, abandonner l'euro et quitter l'Union européenne.

Macron, ancien banquier d'affaires et candidat indépendant, a lancé le parti En Marche! l'an dernier. Il a l'appui des classes urbaines et des jeunes. Il est de Centre-Gauche et soutient l'Union européenne, est ouvert à l'immigration, compte encourager la croissance de l'économie digitale et libéraliser le marché du travail.

Comme lors de l'élection américaine, la Russie joue un rôle: Macron a ainsi déclaré que sa campagne fut victime de tentatives de piratage informatique de la part du Kremlin. Comme Trump, Marine Le Pen propose de renforcer les liens franco-russes.

L'élection française suit un format à deux tours: en l'absence d'une majorité absolue au premier tour (le 23 avril prochain), les deux candidats ayant reçu le plus de voix se feront face au second tour (le 7 mai). Dans les sondages, Le Pen reçoit 24% des intentions de vote, Macron 24%.

Derrière eux se trouve François Fillon, candidat catholique de la Droite conservatrice, et ancien Premier ministre. Jusqu'au mois de janvier, il faisait figure de prochain Président. Cependant, il fut impliqué dans un scandale de détournement d'argent public et accusé d'avoir procuré à sa famille des emplois fictifs rémunérés à plus de 900 000 euros.

Ses démêlés judiciaires ont entraîné la montée de Macron. Aujourd'hui, les sondages le donnent vainqueur après un second tour face à Le Pen. Mais celle-ci pourrait surprendre, en particulier parce qu'une grande partie de l'électorat de Macron se prononce volontiers peu sûr de son choix.

De plus, Fillon a longtemps été favori pour une bonne raison: il donne confiance à une très grande partie du pays, dont l'impact aux urnes est sous-estimé. Il s'agit ici de l'importante population provinciale, donc non parisienne, qui est toujours profondément catholique, conservatrice et homogène. Si elle n'a pas l'opportunité de voter Fillon au second tour, alors pourrait-elle se reporter sur Le Pen et non Macron, celle-ci pouvant être perçue comme plus proche de ses valeurs.

En résumé, alors que la France est traumatisée par le terrorisme et la perception d'envahissement par l'Islam fondamentaliste, Le Pen offre un message nationaliste qui peut paraître plus rassurant. Macron parle principalement de stimuler le secteur technologique et de rendre les embauches et licenciements plus faciles, sans trop adresser ce que beaucoup considèrent comme le plus gros problème posé par l'Union européenne: l'immigration.

Lors d'un second tour, les sondages prévoient 58% de voix pour Macron et 42% pour Le Pen, avec un écart diminuant rapidement (Macron était à 66% en février). Donc seulement 8% des électeurs vont décider du sort de la France. Et ces statistiques impliquent des sondages fiables et pas de «closet voters» en faveur de Marine Le Pen (électeurs se déclarant pour un candidat, mais votant pour un autre dans l'intimité du vote à bulletin secret), comme il y en a eu tant en faveur de Donald Trump.

Comme lors du Brexit, pays par pays, le même scénario menace de se dérouler dans les démocraties occidentales. Les pertes d'emplois massives des industries traditionnelles mènent au mécontentement général, à des troubles sociaux et à l'émergence de candidats anti-statu quo qui gagent, une grande partie des électeurs s'en retrouvant choquée. L'élection française semble suivre ce chemin. Son résultat le suivra-t-il aussi? Trop tôt pour savoir, mais c'est une réelle possibilité qui n'a pas assez été prise au sérieux.

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