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J’ai mal à ma gauche (et ma droite)

Bien qu'ils affirment le contraire, La Meute est un mouvement d'extrême-droite et ne représente pas la droite modérée.
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Le Black Bloc a, bien malgré lui, aidé à la mission de relation publique de La Meute.
Stringer . / Reuters
Le Black Bloc a, bien malgré lui, aidé à la mission de relation publique de La Meute.

Ragaillardi par la belle démonstration pacifique de solidarité des Bostonnais, c'est avec enthousiasme que j'attendais la réplique à La Meute dans les rues de Québec. Quelle déception j'ai ressentie lorsque j'ai entendu les premiers échos du grabuge et de la confrontation avec les policiers, avant même que les manifestants de La Meute soient sortis de leur tanière! Encore une fois, le Black Bloc est venu cannibaliser le message et donner des armes au camp opposé.

Historiquement, ladite tactique du Black Bloc a eu une certaine légitimité... en Allemagne communiste, juste avant la chute du mur de Berlin. La méthode peut avoir du bon dans un pays répressif, mais, au Québec? Soyons clairs, à mon humble avis, les Black Blocs qui étaient sur place dimanche dernier sont, pour la majorité, des jeunes allumés aux pensées encore trop adolescentes pour s'exprimer autrement qui vampirisent des mouvements légitimes pour se défouler de leur colère envers le système. Rien à voir avec la gauche modérée, celle qui constitue l'écrasante majorité. Leur présence est largement conspuée lors des manifestations pacifiques comme celles qu'organisait le mouvement étudiant en 2012. La conséquence de leur présence s'est avérée dévastatrice pour l'image des « carrés rouges » qui se sont fait taxer d'extrémistes par une bonne frange de la population, par association. Pour avoir participé à de multiples manifs, je peux vous assurer que la quasi-totalité des manifestants était en désaccord profond avec leur présence et, surtout, avec leurs gestes. Carrés Rouges et Black Bloc sont deux mouvements distincts et il est extrêmement dommage que beaucoup de Québécois en aient fait l'amalgame.

De l'autre côté, bien qu'ils affirment le contraire, La Meute est un mouvement d'extrême-droite et ne représente pas la droite modérée. Il ne faut que visiter leur site web, public celui-là, où ils clament vouloir protéger « notre culture » contre la montée de l'Islam radical qui, selon eux, est en voie d'établir la charia en sol québécois. À leurs yeux, le port du hijab (porteur de microbes!) est une tactique pour nous « endormir » et nous « désensibiliser » jusqu'au moment où les musulmans envahisseurs nous imposeront une théocratie coranique. Rien de moins. Ils appuient leurs propos avec quelques photos et « memes ». Sur l'une d'elles, on peut voir une femme qui se fait battre avec, en dessous, un passage particulièrement violent du Coran, comme si rien de tel n'existait dans la Torah ou la Bible, tel ce savoureux moment ou Dieu punit David en envoyant son voisin violer ses femmes (il en a plusieurs), sous ses yeux, en plein jour. - Fin de la parenthèse - Bref, toujours selon eux, l'islamophobie est un terme « inventé par les tenants de l'islam radical pour faire taire toute dissidence et critique ».

Tu penses comme La Meute ou on t'exclut. Et n'entre pas dans La Meute qui veut non plus.

La théorie du complot islamiste s'intensifie grandement quand on pénètre dans leur groupe secret, sur Facebook. Hyper hiérarchisé (ce sont d'anciens militaires qui l'ont fondé, après tout), la dissidence qu'ils dénoncent n'y est pourtant pas tolérée. Tu penses comme La Meute ou on t'exclut. Et n'entre pas dans La Meute qui veut non plus. Un rigoureux examen de votre profil et de vos amis est fait avant de vous laisser y entrer. La peur d'être « infiltré » par les « gaugauches » y est omniprésente.

À raison puisque, une fois entrée dans La Meute, la façade « non raciste » s'effondre. On y voit des liens clairs avec Pegida, un groupe ouvertement d'extrême-droite néo-nazi que le grand chef de La Meute, un certain Eric Corvus, décrit comme un groupe « plus vulgaire et moins discipliné que nous », mais qui a, quand même, son « respect ». On y retrouve aussi un ramassis de liens vers d'autres sites d'extrême-droite et des fils de discussions sur les - sans déconner - « alliances secrètes de Justin Trudeau avec les Frères musulmans » ou encore sur Philipe Couillard qui serait complice avec l'Arabie Saoudite pour instaurer la charia au Québec. Les modérateurs, appelés La Garde, ont beau tenter de contrôler les messages misogynes, homophobes ou carrément violents de leurs membres - notamment lorsqu'il s'agit de fuites - il m'a suffi de taper « infiltration La Meute » dans Google pour trouver une multitude de captures d'écran incriminantes.

Avis à tous : si je disparais mystérieusement prochainement, vous saurez par où commencer vos recherches! Mais, ne pas les dénoncer est d'autant plus dangereux. Pour nous tous et pour eux-mêmes. La haine engendre la haine. Tout ça, basé sur une peur insensée de l'autre... d'une tristesse infinie.

Il y a toute une différence entre une demande d'asile et une demande d'immigration.

Je disais donc que le Black Bloc a, bien malgré lui, aidé à la mission de relation publique de La Meute. En forçant la police à disperser la contremanifestation, il a permis à La Meute de manifester calmement, non incommodé, et a ensuite passé son message aux médias comme quoi ils étaient simplement là pour manifester contre l'immigration supposément illégale. C'était, là aussi, de la désinformation. Ça ne traduit pas du tout le but réel de leur organisation ni leur message central. De plus, ils renforcent ainsi un fait erroné. Il y a toute une différence entre une demande d'asile et une demande d'immigration. Ce sont deux mécanismes distincts et, malgré les efforts du gouvernement et des services frontaliers pour en expliquer la différence, visiblement, le message ne passe pas auprès des Québécois.

Les réfugiés africains arrivent-ils avec leurs barges de fortune, en Italie, à un point d'entrée bien précis? Bien sûr que non. Ils arrivent là où ils peuvent et demandent l'asile. Par définition, un réfugié n'est pas tenu d'arriver par un point de contrôle précis du moment qu'il se rapporte immédiatement aux autorités. Après cela, c'est au gouvernement de décider si la demande d'asile est recevable ou non. Ce faux débat fait ressortir chez certains un petit racisme ordinaire et c'est inacceptable.

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Je rêve d'un gouvernement et d'un monde égalitaire, tolérant et uni - par le peuple et pour le peuple. J'en ai assez d'être dirigé, d'une façon ou d'une autre, par une élite d'ultra-riches qui nous font croire que l'on peut, nous aussi, atteindre leur niveau de richesse si on « travaille fort » et si on « croit en nos rêves »... La « game » est truquée. Ils jouent avec nous avec des promesses vides, la religion et la division – qu'elle soit raciale ou territoriale. Il n'y a pas de gauche ni de droite, il n'y a qu'une farce, un simulacre de démocratie pour nous garder aveuglés et soumis.

Mais bon, en attendant l'utopie, un monde où nous serons tous métis et où les ethnies et les religions seront de vieux souvenirs usés, j'ai mal à ma gauche (et à ma droite).

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