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Élections israéliennes: Netanyahou face aux difficultés

En jouant le jeu des alliances, le premier ministre israélien n’a pas seulement prouvé qu’il était prêt à absolument tout pour se maintenir au pouvoir, il a aussi pris un risque...
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Netanyahou est un politicien brillant, qui sait se battre et il le fera jusqu’au bout.
Gali Tibbon/POOL New/Reuters
Netanyahou est un politicien brillant, qui sait se battre et il le fera jusqu’au bout.

Fin décembre, au moment de convoquer des élections pour le 9 avril, Binyamin Netanyahou pouvait être plutôt confiant. Son parti était largement en tête dans les sondages, sans opposition sérieuse. En avançant la date des élections, le premier ministre israélien espérait en plus prendre de court le système judiciaire et éviter une inculpation pour corruption.

Quelques semaines plus tard, et après un mois de février particulièrement difficile pour celui qui se fait appeler «Bibi», la situation est toute autre.

Tout d'abord, le début de 2019 a vu la montée d'un opposant sérieux au premier ministre: Benny Gantz. L'ancien chef d'État-Major était déjà depuis longtemps perçu comme un adversaire potentiel de Netanyahou, avant même de faire la moindre déclaration publique. Le 29 janvier, avec un discours perçu par beaucoup comme convaincant, Gantz est sorti de son silence et a pris sa pleine place dans la campagne.

Dans la foulée de ce discours, il a su attirer à lui des personnalités de qualité et de profils divers pour former une liste crédible de candidats, avec entre autres, un second chef d'État-Major à la retraite, des figures de la société civile avec des positionnements politiques variés, etc.

Tous se retrouvaient unis par le slogan officiel de «Ni droite, ni gauche, Israël avant tout», et par la volonté partagée de mettre fin au règne de Netanyahou.

Sur cette ligne, Gantz a commencé à monter, lentement mais sûrement, dans les sondages, même si le Likoud, parti du premier ministre, restait premier avec une certaine avance.

En parallèle, Bibi dut faire face à un autre problème

En effet, dans le système politique israélien, les élections ne font pas tout: immédiatement après la publication des résultats, et le partage des 120 sièges que compte le Parlement israélien, les chefs de partis entrent en négociations intenses. Car, pour pouvoir être élu premier ministre, un politicien doit obtenir le soutien de 61 députés et donc construire une coalition majoritaire.

Or, à partir de janvier, les sondages ont commencé à présenter une image de l'opinion publique inquiétante pour Netanyahou: si l'on prend d'une part les partis de droite qui soutiennent le premier ministre actuellement, et de l'autre les partis du centre, de la gauche, et les partis arabes, les deux blocs sont à égalité avec environ 60 sièges chacun. En d'autres termes, une coalition de droite n'est plus suffisante pour assurer sa réélection à Bibi.

Selon certains sondages, la situation est encore plus alarmante pour le premier ministre israélien. En effet, la droite israélienne est divisée et constituée de nombreux petits partis. Dans le système électoral israélien, par ailleurs absolument proportionnel, pour entrer au parlement, une liste doit obtenir 3,25% des voix. À moins de cela, le parti n'envoie pas de député à la Knesset et les voix de ceux qui ont voté pour lui sont pour ainsi dire «perdues».

Pour tous les experts, l'enjeu de l'élection du 9 avril sera justement de voir qui, parmi les petits partis passera le seuil, et qui restera en dessous.

Dans le contexte d'un équilibre gauche droite quasi absolu, Netanyahou a compris que l'éclatement de la droite pouvait notamment conduire à une situation à risque dans laquelle un de ses alliés ne passe pas le seuil d'éligibilité, «gâchant» ainsi des voix de droite et donnant une majorité à ses adversaires.

Pour limiter ce risque, le premier ministre a adopté une double stratégie. D'un côté, il a multiplié les attaques, sans limites, contre Gantz et son parti pour essayer de faire passer des électeurs du centre vers la droite. De l'autre, il a tout fait pour encourager les alliances dans son camp.

Entre autres, Netanyahou a parrainé, à grands coups de promesses, une union des partis de l'extrême droite religieuse, en incluant même des tenants de l'idéologie la plus radicale. Ce faisant, le premier ministre israélien n'a pas seulement prouvé qu'il était prêt à absolument tout pour se maintenir au pouvoir, il a aussi pris un risque.

Une écrasante majorité des Israéliens, même au sein de la droite modérée, abhorre l'idéologie des nouveaux alliés de Netanyahou et certains pourraient considérer qu'en faisant de telles alliances, il a franchi une ligne rouge morale et mérite d'être sanctionné dans les urnes.

De toute façon, jusqu'à présent, les efforts du premier ministre ont été plutôt vains. Malgré ses attaques, ses promesses et ses coups tactiques, les sondages ne bougent pas, et la droite n'est toujours pas assurée d'obtenir une majorité le 9 avril.

Le 21 février, une mauvaise nouvelle supplémentaire est venue frapper le premier ministre. Benny Gantz a en effet annoncé une alliance avec le grand parti du centre Yesh Atid dont le chef, Yair Lapid, fut autrefois l'un des plus dangereux concurrents de Netanyahou. Avec le soutien d'un troisième ancien chef d'État-Major, apparaissait ainsi un bloc centriste unifié. Sans surprise, ce bloc a depuis pris la tête dans les sondages, dépassant le Likoud.

Une semaine plus tard, c'est le monde judiciaire qui est venu parachever le malheur de Bibi. Le conseiller juridique du gouvernement a publié ses conclusions sur trois des enquêtes qui touchent le premier ministre et, en tout, le juriste considère avoir suffisamment de preuves pour pouvoir mettre Netanyahou en accusation pour plusieurs délits, dont abus de confiance, fraude et corruption.

Le processus judiciaire risque encore de durer longtemps, et la mise en accusation concrète n'aura visiblement pas lieu avant 2020.

Mais les conclusions du conseiller juridique au gouvernement fragilisent un peu plus Netanyahou, qui voit les proclamations de son innocence sèchement contredites. De plus, avec une mise en accusation qui est suspendue au-dessus de lui comme une épée de Damoclès, Bibi est nettement moins «premier-ministrable».

Pour résumer, la campagne électorale israélienne a pris un tout nouveau caractère en l'espace d'un mois. Alors que Netanyahou partait grand favori, dans une campagne qu'il avait lancée au moment le plus favorable pour lui, et où il n'avait pas de réel concurrent, il se retrouve à présent deuxième dans les sondages, et risquant de ne pas pouvoir former une coalition majoritaire. Doucement, ses adversaires se mettent à rêver à la fin du «règne Bibi».

Il faut cependant garder la tête froide. Les campagnes électorales partout dans le monde, et en Israël en particulier, peuvent se renverser à tout moment, et il reste un mois avant le jour du scrutin.

De plus, Netanyahou est un politicien brillant, qui sait se battre et le fera jusqu'au bout. Il a encore de nombreux tours à jouer, et il se peut qu'il réussisse à inverser la donne, sans parler des surprises qui peuvent apparaître lors des négociations pour former une coalition. Le suspens risque donc de continuer au moins jusqu'au 9 avril, et visiblement au-delà.

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