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Se faire passer un sapin numérique!

On n'arrête pas le progrès, même si ce fétichisme technologique nous conduit directement vers la facilité, l'insignifiance et le vide de la pensée.
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Que sont devenues les belles valeurs humanistes que le ministre défendait à l'époque? Peu de chose.
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Que sont devenues les belles valeurs humanistes que le ministre défendait à l'époque? Peu de chose.

Ce texte est une réaction à la présentation du Cadre de référence de la compétence numérique du ministre de l'Éducation.

L'école québécoise et le ministre de l'Éducation viennent de se faire passer un sapin numérique! C'est l'impression et surtout le malaise que j'ai ressenti à la lecture du Cadre de référence de la compétence numérique que Jean-François Roberge a présenté le 26 avril à une foule de convertis.

Vous vous doutez bien que ce document n'a pas été concocté par le ministre lui-même, mais bien par les apôtres de la nouvelle pédagogie de son ministère et une kyrielle de technopédagogues qui, tous, s'abreuvent à la fontaine de l'approche par compétence.

En fait, moi qui ai lu le livre du ministre intitulé Et si on réinventait l'école?, je ne peux concevoir que ce dernier ait pu endosser la vision pédagogique présentée dans ce document. Que sont devenues les belles valeurs humanistes que le ministre défendait à l'époque? Peu de chose.

Mais que vient faire au juste ce Cadre de référence?

Il vient ou tente de consolider la catastrophique approche par compétence en éducation mise en place au Québec à partir des années 2000, en lui plaquant, histoire de lui donner un vernis futuriste, une douzaine de compétences axées sur le numérique.

Le but poursuivi par nos valeureux auteurs? Former, à l'aide de ces douze «dimensions», des «citoyens éthiques», formule bancale s'il en est une: le numérique pour l'apprentissage, le numérique pour la communication, le numérique pour la culture informationnelle, mais aussi pour la collaboration, l'inclusion, le développement de la personne, la résolution de problèmes, le développement de la pensée critique, l'innovation, la créativité et la production de contenu.

Oui, de contenu, car dans ce document, comme dans le cadre de la Réforme de l'éducation, jamais il n'est question de connaissances ou de savoir.

L'important est de produire ou de trouver du contenu et surtout de le mettre en forme afin de le faire circuler, de le partager au risque de dire n'importe quoi: on appelle cela la communication à l'ère du numérique et des médias sociaux.

Et l'on se gargarise de mots creux, d'expressions toutes faites. Ainsi, loin de tenir compte des dernières études sur les impacts négatifs et nocifs du numérique chez les jeunes, ce Cadre de référence propose plutôt d'en remettre non pas une, mais douze couches pour faire en sorte que ces jeunes deviennent des citoyens actifs (sic) et branchés, ce qu'ils sont déjà trop!

Ce cadre de référence ne se donne pas comme objectif de dire aux enseignants «quoi faire ou ne pas faire», précise le ministre. Toutefois, il est bien écrit dans le document qu'il sera «nécessaire d'adapter la pratique enseignante et d'inclure la compétence numérique dans les programmes éducatifs pour préparer les futurs travailleurs aux défis de demain.» À ce que je sache, cette adaptation ne pourra se faire par une quelconque forme de science infuse, pas même virtuelle.

Cela demandera du travail, des heures de préparation et même — c'est ce qui est le plus important — une remise en question de ce que veut dire enseigner et être enseignant.

Le train numérique dans lequel le ministre est monté était déjà en marche. D'autres avant lui l'ont fait sortir de gare il y a déjà quelques années. Toutefois, il n'a pas eu le courage ou la force de l'arrêter afin d'imposer sa vision de l'éducation ou, à tout le moins, de demander un moratoire sur ce qui ressemble de plus en plus à une prise de contrôle de notre système d'éducation par les technophiles, les technopédagogues et les grandes entreprises technologiques à l'exemple de Google, Facebook, Apple, Microsoft et autres joueurs qui salivent déjà suite à la présentation de cette politique.

Pourtant, comme l'affirmait en toutes lettres le rapport de l'OCDE intitulé Connectés pour apprendre? Les élèves et les nouvelles technologies, «les pays qui ont consenti d'importants investissements dans les TIC dans le domaine de l'éducation n'ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences». Aucune! Ce rapport va jusqu'à dire que les résultats des élèves sont même plus faibles dans les pays où ces technologies sont davantage utilisées.

Ainsi, face à toutes les études qui ne cessent de nous alerter sur les impacts négatifs du numérique sur les enfants et les adolescents, le simple principe de précaution aurait dû convaincre le ministre de prendre un temps d'arrêt, de dire ça suffit, nous ne sommes pas obligés, en tant que société, d'aller dans cette direction que certains tentent de nous présenter comme incontournable, voire même prédéterminée.

Mais, comme le disait le ministre: «Quand l'eau monte, il faut apprendre à nager», autre manière de dire qu'on n'arrête pas le progrès, même si ce fétichisme technologique nous conduit directement vers la facilité, l'insignifiance et le vide de la pensée.

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