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«L'école du futur»: une fuite en avant!

Avant de tout chambouler pour la énième fois, pourquoi ne pas commencer par se questionner sur ce qu'on entend par éduquer, enseigner et apprendre: en somme, sur ce qu'on attend ultimement et fondamentalement de notre système d'éducation.
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Lorsque j'ai appris que Ricardo Larrivée, Pierre Lavoie et Pierre Thibault allaient conseiller le ministre de l'Éducation Sébastien Proulx sur ce que devrait être l'école du futur, j'ai eu un sourire suivi d'un pincement au cœur. Bon, on en est rendu là dans le phénomène de peopolisation de notre système d'éducation! Reste à espérer maintenant que le ministre demande à Jean Airoldi de dessiner les uniformes que porteront les élèves qui occuperont ces écoles futuristes...

Comment interpréter cette nouvelle? Est-ce là un coup de marketing politique de la part d'un ministre qui veut à tout prix laisser sa marque à l'intérieur de son mandat, quitte à faire les choses trop rapidement et d'une manière irréfléchie?

Voyez ce qui est en train de se produire au sujet de l'implantation d'un cours d'éducation financière en cinquième secondaire. Malgré la position défavorable de plusieurs syndicats d'enseignants et du Conseil supérieur de l'éducation, le ministre s'accroche à son «idée» qui, ici, prend plutôt les allures d'une lubie.

S'il ne s'agissait que de cela. On nous apprenait dernièrement que le ministre en était à mettre la touche finale à son plan d'action pour accentuer la présence du numérique dans les écoles du Québec. Pour alimenter sa réflexion, il aurait exprimé le désir de s'entourer d'une centaine d'enseignants audacieux et passionnés par les nouvelles technologies afin de le «conseiller» dans son entreprise. Le même s'entourant du même, parlant des mêmes choses, tous fasciné par le pouvoir infini du numérique, par ses promesses, ses mirages et ses lieux tellement communs.

Et qu'est-ce que cette consultation donnera au bout du compte? Une fois de plus, on assistera à la charge de l'orignal, à cette course effrénée, tête baissée et yeux fermés, vers ce que doit être, selon eux, l'école du futur: technologique, numérique et surtout tellement pathétique... Succombant une fois de plus au fétichisme technologique, des millions seront à nouveau dépensés pour l'achat de matériel informatique, d'applications numériques, d'écrans de toutes sortes, en voulez-vous, en voilà des tablettes et des gadgets! Et tout ceci, bien évidemment, au grand plaisir des compagnies qui, dans la joie et l'allégresse, répondront présentes aux exigences du gouvernement. Ainsi, on fera semblant d'oublier le fiasco des tableaux blancs interactifs et on ignorera les études sérieuses sur les impacts de certaines de ces technologies, lorsqu'appliquées au monde de l'éducation.

Existe-t-il un fonctionnaire dans ce ministère qui pourrait mettre entre les mains du ministre de l'Éducation ce rapport de l'OCDE publié en 2016 qui a pour titre Connectés pour apprendre ? Le constat qu'on y fait au sujet de l'utilisation des technologies de l'information et des communications en éducation est accablant. On peut y lire, par exemple, que «les pays qui ont consenti d'importants investissements dans les TIC dans le domaine de l'éducation n'ont enregistré aucune amélioration notable des résultats de leurs élèves en compréhension de l'écrit, en mathématiques et en sciences». Le rapport va même jusqu'à affirmer que les pays où l'usage de ces technologies est plus élevé que la moyenne ont enregistré de moins bons résultats dans ces mêmes domaines d'apprentissage.

Le ministère de l'Éducation et son ministre sauteront à pieds joints dans cette orgie technologique, succomberont à l'illusion «numériste», exigeront que la pédagogie se mette au service de la technologie et que les enseignants se métamorphosent graduellement en squeegees pour écrans plats.

Toutefois, j'en suis conscient, que le ministre lise ou non ce rapport ne fera aucune différence puisque les dés sont déjà joués, pour ne pas dire pipés d'avance. Le ministère de l'Éducation et son ministre sauteront à pieds joints dans cette orgie technologique, succomberont à l'illusion «numériste», exigeront que la pédagogie se mette au service de la technologie et que les enseignants se métamorphosent graduellement en squeegees pour écrans plats.

Face à l'omniprésence des technologies numériques dans notre environnement, il est certain que l'école a un rôle important à jouer pour faire en sorte que les élèves comprennent et maîtrisent ces outils. Toutefois, il y a une grande différence entre éduquer avec le numérique et éduquer au numérique. Se précipiter tête première dans ces technologies sans avoir fait le point sur les valeurs éducatives et pédagogiques que l'on veut promouvoir, c'est à coup sûr le meilleur moyen d'en devenir l'esclave.

Au lieu de vouloir construire l'école du futur à la manière de zombies qui rêvent éveillés, pourquoi ne pas plutôt se donner la peine en tant que collectivité de réparer ce qui a été cassé au cours des dernières années à la suite d'une cascade de décisions insensées? Commençons par évaluer ce qui se fait sur le terrain, par nous débarrasser de tous ces mythes pédagogiques qui empoisonnent le cerveau de certains enseignants et par reconnaître une fois pour toutes que la réforme pédagogique des années 2000 est un échec incroyable. Une fois ce grand ménage terminé, on pourrait s'appliquer à nouveau à transmettre à nos jeunes les fondamentaux, leur apprendre à lire et à écrire correctement tout en faisant en sorte qu'ils acquièrent un riche vocabulaire de même qu'une culture et des connaissances solides.

Ainsi, avant de tout chambouler pour la énième fois, pourquoi ne pas commencer par se questionner sur ce qu'on entend par éduquer, enseigner et apprendre: en somme, sur ce qu'on attend ultimement et fondamentalement de notre système d'éducation.

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