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De beaux adieux: lâcher prise le cœur ouvert

Je me targue d'être une «fille bien», qui fait vraiment tout comme il faut, et même dans mes rêves les plus fous je n'aurais jamais imaginé passer par un divorce. Mais j'y suis arrivée. Nous y sommes arrivés.
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Depuis l'enfance, je suis à la fois fascinée et terrifiée par l'idée de la mort. Ma curiosité morbide pour cette inévitable réalité m'a souvent tourmentée. J'avais peur de la mort, mais je ne pouvais en même temps pas m'empêcher d'y penser. Les questions que je me posais tournaient principalement autour de ce qui arriverait après la mort : où irai-je? Qui deviendrai-je lorsque je mourrai? Est-ce que je disparaîtrai, tout simplement? Qu'adviendra-t-il de ma famille?

La réponse à toutes ces questions relève du mystère, au mieux

En passant à l'âge adulte et en faisant l'expérience du décès de proches au cours de mon existence, je me suis heureusement rendu compte que ce n'était pas la mort ultime, celle qui marque la fin de nos vies, qui m'effrayait ainsi. C'était en fait la peine profonde que je ressentais après la perte de mes chers amis ou proches. La plupart du temps, il n'y eut aucune prémice; je reçus la nouvelle de la part de membres de la famille sous le choc, qui transmettaient l'information d'un décès brutal. Je me souviens avoir tâtonné pour traverser ces épreuves, ne comprenant même pas que c'était du chagrin que je ressentais. D'autres fois, je savais que ça allait arriver, et j'eus suffisamment de temps pour préparer et faire mes adieux. Ça ne rendit pas ces moments moins douloureux, mais le processus en fut indéniablement imprégné d'une certaine quiétude.

Par la suite, je me rendis compte que la même douleur emplissait mon cœur en des occasions qui n'avaient rien à voir avec la mort. Mais je remarquai que ces épreuves trouvaient leur origine dans des fins ou des séparations : la perte d'un emploi, un déménagement, ou encore la fin d'une relation. J'en vins même à les voir comme de plus petites "morts", en quelque sorte. Tout au long de mon parcours sur cette terre, j'ai eu la chance infinie d'aimer et d'apprendre de tous ceux que j'ai croisés en chemin. Ils ont su se faire une place dans mon cœur, et en faire une pour moi dans le leur. Ils ont laissé sur moi leur empreinte; et j'en ai fait de même sur eux. Mais presque toujours vint l'heure de se dire adieu, d'une certaine façon, ou sous une certaine forme.

Ces expériences de fins et d'adieux m'ont appris une ou deux choses. Lorsque j'étais plus jeune et quelque peu inexpérimentée, nombre de ces séparations étaient imprégnées d'une certaine dramaturgie. Voire de reproche, de colère, de culpabilité. D'évitement, de critique, de peine. C'était atroce. J'étais quasiment dévorée de honte. Je ne suis en aucun cas fière de tels choix, mais avec le recul, je sais que c'était le mieux que je pouvais faire à l'époque. Heureusement pour moi, je compris assez rapidement qu'au final, ce qui comptait le plus était ce que je déciderais de montrer le moment venu. Que la véritable essence de cette expérience résidait dans ma manière de dire adieu.

Plus récemment, ma vie a été jalonnée d'une série d'adieux - le plus important correspondant à la fin de notre mariage. Je me targue d'être une "fille bien", qui fait vraiment tout comme il faut, et même dans mes rêves les plus fous je n'aurais jamais imaginé passer par un divorce. Mais j'y suis arrivée. Nous y sommes arrivés.

J'ai connu mon mari à l'âge de cinq ans, il en avait sept. Nous sommes tombés amoureux lorsque j'avais dix-sept ans et nous sommes mariés à vingt-six. Je l'ai épousé car je croyais vraiment que je ne pouvais pas survivre sans lui; j'avais besoin de lui comme de l'air que je respire. Enfin... ça, et mon besoin de reconnaissance, de stabilité, et puisqu'on en est aux vérités, j'avais envie de cette vie pépère qui m'avait été promise au bout de toutes ces années à faire la coincée. Mais la dure réalité du mariage et de la vie de couple après neuf longues années d'une relation entretenue à distance s'est avérée être un bouleversement pour tous les deux. Même si chacun de nous entretenait cette foi inébranlable que notre amour l'un envers l'autre était profond, nous prenions conscience que nos divergences l'étaient tout autant -ce à quoi aucun de nous n'était préparé, et encore moins prêt à affronter, à l'époque.

Je pense que nous avons bien joué nos rôles respectifs, notre amour nous ramenant en permanence l'un vers l'autre, quel que soit notre sentiment d'égarement. Lui fut toujours solide, stable et, parfois, intransigeant. Ma montagne, comme j'aimais l'appeler. Pour ma part, mon humeur reflétait souvent la météo que nous connaissons ici, sous les tropiques : chaude, humide, avec de grosses averses aléatoires et de violents orages. Je ne me reconnaissais pas, dans ces moments-là.

Je n'arrive pas à comprendre pourquoi ce fut si douloureux pour moi, mais j'en arrivai au point où je ne pus plus réfréner mes profondes envies de connaissance, de voyage, d'espace, d'autonomie, de développement et, plus que tout, d'authenticité. Je ne pouvais plus continuer à sourire à travers l'anxiété qui m'enserrait le cœur. J'ai donc largué une bombe au beau milieu de notre monde.

Je suis partie

Et il m'a gracieusement aidée à démarrer une nouvelle vie sans lui, même si ça lui fendait le cœur. Le mien aussi, d'ailleurs. Dans un registre plus subtil, plus spirituel, je pense que nous savions tous les deux, au plus profond de nous, que notre relation avait fait son temps. Nous nous étions trouvés l'un l'autre alors que nous étions enfants, et avions connu les joies de l'amour et de la découverte de l'autre en devenant adultes. Vous pouvez le voir, le mariage est beau. Pas seulement quand il fonctionne, mais aussi quand ça n'est pas le cas. Car que nous le voulions ou non, il nous ouvre les yeux. Il nous réveille.

Confrontée à ces nouveaux adieux, avec la personne qui a sans doute le plus compté dans ma vie jusqu'à présent, j'ai décidé que ceux-là seraient beaux. Qu'ils feraient honneur à la souffrance de cette séparation et à la splendeur de notre expérience. J'ai choisi de lui dire adieu le cœur grand ouvert, et la tête baissée pour lui exprimer mon immense gratitude, la chance donnée d'avoir pu aimer avec tant d'intensité et tant de vulnérabilité, et pour tout ce que j'ai pu apprendre en m'avançant sur ce chemin.

Lors de toute perte, une place plus grande encore se fait pour l'amour. Il n'est pas bon de pleurer à cœur ouvert, ça n'est que de la souffrance pure. Mais pour le dire simplement, c'est ici une preuve de la profondeur de mon amour. Et j'ai envie de me prendre dans mes propres bras, et de pleurer jusqu'à ne plus avoir mal.

Car lorsque j'aurai enfin fait ces beaux adieux, lorsque j'aurai enfin lâché prise, je rencontrerai la personne qui m'a attendue tout ce temps. Une personne prête à m'aimer exactement comme je suis, comme j'ai toujours été, quoiqu'il advienne. Et cette personne, ce sera moi.

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