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Boko Haram: une mobilisation contreproductive

La mobilisation pour la libération des jeunes filles kidnappées par la secte Boko Haram risque de causer l'effet contraire à celui souhaité, mettant en danger aussi bien la vie des jeunes filles séquestrées que celles des occidentaux présents dans la région.
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La mobilisation pour la libération des jeunes filles enlevées par la secte Boko Haram et dont Michelle Obama est devenue le symbole avec le mot-clic #BringBackOurGirls, risque de causer l'effet contraire à celui souhaité, mettant en danger aussi bien la vie des jeunes filles séquestrées que celles des Occidentaux présents dans la région.

En effet, en se mobilisant médiatiquement, les différentes personnalités ont donné une arme supplémentaire aux terroristes de Boko-Haram et à leur chef, Abubakar Shekau. Disposant désormais de cette nouvelle arme qu'est l'arme phycologique, ce dernier peut l'utiliser à tout moment, en décidant par exemple d'exécuter une ou plusieurs des jeunes filles.

Choquée, et ébranlée psychologiquement, l'opinion publique mondiale, notamment occidentale, pourrait faire pression sur ses gouvernements, obligeant ce dernier à intervenir militairement, dans une région déjà en proie au terrorisme, notamment au Mali et au Niger. Ce fait pourrait être dangereux aussi bien pour les jeunes filles kidnappées, que pour la vie des soldats occidentaux stationnés dans la région, notamment en République centrafricaine, dont la pacification est loin d'être assurée.

Si, pour l'opinion publique, le sauvetage des jeunes filles paraît possible, la réalité est toute autre. Tactiquement d'abord, rien ne prouve que les jeunes filles sont toujours ensemble. Divisées en différents groupes, la mission de sauvetage serait quasi-impossible sans effusion de sang. À cela, il faut ajouter deux dynamiques locales qui jouent en faveur du groupe Boko Haram.

La première est que l'esclavage dans la région est malheureusement chose commune et que beaucoup de jeunes hommes ne verraient pas d'un mauvais œil l'achat de ces jeunes filles comme esclaves. Cela leur permettrait de se marier sans verser des dots de mariages, frein à de nombreuses unions dans une région très pauvre.

La deuxième dynamique qui joue en faveur du groupe Boko Haram, c'est que ce groupe terroriste a, d'après mon expérience dans la région, énormément de liens et de connivences avec l'administration et certains militaires nigérians. Des témoins ont même affirmé, au sujet du rapt des jeunes filles, que les militaires nigérians avaient été prévenus plusieurs heures avant le début de l'enlèvement, sans que cela n'enclenche de mouvements de troupes.

À ce titre, les offres d'aides militaires des pays occidentaux paraissent complètement déconnectées de la réalité du Nigeria. Première puissance économique en Afrique avec un budget militaire de plus de 2 milliards de dollars par an, le Nigeria souffre plus de la corruption au sein de ses armées que du manque de moyens. Faire intervenir des soldats dans un territoire ou le moindre mouvement serait rapporté aux groupes terroristes est quasi-suicidaire.

L'autre aspect négatif de cette médiatisation est qu'elle permet de consolider le discours des groupes djihadistes. Ces derniers se vantent souvent de mettre à genoux les puissances occidentales, à l'aide de petits moyens, attribuant ce miracle à une intervention divine, ce qui ne fait qu'accroitre le nombre de combattants dans leur rang.

Bien entendu, il n'est pas question de laisser ces jeunes filles périr sans rien faire. Il aurait été plus raisonnable de laisser les services de sécurité s'en occuper en toute discrétion, au risque de donner plus de pouvoir à ce type de groupes terroristes et de mettre en danger la vie de ces jeunes filles.

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