Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

J’ai une relation polyamoureuse avec mon copain et son autre copine

Et je le vis très bien.
Placebo365 via Getty Images

Depuis deux ans, je suis le troisième membre d'un polycule. En entendant ça, les non-initiés s'imaginent généralement que je suis une sorte de superhéroïne. Pourvu que le masque mette en valeur mes pommettes, ça ne me dérange pas.

En fait, c'est le petit nom que l'on donne à un réseau de personnes connectées entre elles à travers leurs partenaires dans une relation polyamoureuse. Dans notre cas, mon copain a une autre copine. Ce n'est pas ma petite amie, mais nous nous entendons très bien.

Quand j'ai rencontré mon copain, je venais de rompre avec un autre. J'ai fait sa connaissance sur un site de rencontres, où il m'a envoyé un message qui disait simplement: "Salut, j'espère que tu vas bien. Je vois que tu es auteure de théâtre. Quel genre de pièces écris-tu?"

Son profil était clair. Il habitait avec sa petite amie, avec laquelle il vivait une relation polyamoureuse depuis huit ans. La Rebecca qui cherchait une relation stable aurait vu ça comme un facteur rédhibitoire. Mais un type venait de me briser le cœur, et la Rebecca qui voulait tourner la page s'est dit: "Et puis merde, de toute façon, ça ne durera pas assez longtemps pour que ça ait une quelconque importance." Cet homme aux yeux bleus, ce polyamoureux à l'esprit ouvert avec qui aucun avenir ne paraissait envisageable était pile ce dont je croyais avoir besoin pour apaiser mon âme blessée, mais rien de plus.

Tu parles! Rob et moi avons tissé un vrai lien et décidé de donner une chance à notre relation. J'ai très vite appris que pour lui, comme pour toute personne polyamoureuse qui se respecte, l'honnêteté et la communication étaient essentielles. Il était donc important pour lui que je rencontre le plus tôt possible son autre copine. Au bout d'une semaine environ, il nous a invitées toutes les deux à dîner pour que nous fassions connaissance.

Je m'attendais à ce que la situation soit horriblement gênante... mais pas du tout.

Je n'arrêtais pas de me répéter qu'à la seconde même où je ressentirais le moindre malaise, je le quitterais. Mon état d'esprit n'a pas changé, et j'attends encore ce moment où j'en aurai assez. J'ai l'impression que je vais devoir attendre encore longtemps! Tant que ce n'est ni bizarre ni désagréable, j'accepte d'être non-monogame et, franchement, c'est très différent de ce à quoi je m'attendais.

Quand je passe la nuit chez lui, je dors dans le même lit que lui et son autre copine. Il est au milieu (au paradis).

J'aime comparer la vie amoureuse non-monogame à un parapluie. Ce parapluie abrite toutes sortes de gens qui vivent des relations autres que monogames: les échangistes, les polyamoureux, les mariages non-exclusifs, les couples libres, etc.

Chaque personne qui vit et aime hors du schéma monogame se définit et définit sa ou ses relations différemment. Voici comment fonctionne la mienne: je ne me définis pas comme polyamoureuse, mais j'ai une relation avec un homme qui se définit ainsi. Quand je passe la nuit chez lui, je dors dans le même lit que lui et son autre copine. Il est au milieu (au paradis). Nous trouvons que le triolisme entre deux femmes et un homme, c'est sexy, et cela nous arrive de coucher tous les trois ensemble mais, généralement, nous le faisons séparément, même si c'est à côté de la troisième personne.

Nous avons tous les trois le droit de sortir avec qui nous voulons. Si nous couchons avec quelqu'un qui n'est pas un partenaire régulier, le préservatif est obligatoire. Si nous voulons commencer une relation sérieuse, nous mettons cette personne au courant de notre dynamique assez tôt. C'est plus facile pour nous.

En ce moment, Rob est le seul membre de notre polycule à entretenir deux relations à la fois. Son autre copine avait une copine quand je suis arrivée, mais elles ont rompu depuis. Moi, je n'ai ni second ni troisième partenaire, parce que je suis d'une nature réservée, et qu'une seule relation me prend déjà toute mon énergie.

Quand Rob a été hospitalisé récemment (il est rétabli), ses deux copines étaient à son chevet, ce qui a totalement déconcerté les internes. Rob a géré la situation comme un pro. Après s'être vu demander, pour la 30 fois, laquelle de nous deux était sa vraie copine, il a répondu: "Je sors avec les deux. Maintenant, on peut passer à la raison pour laquelle je suis là?"

Presque systématiquement, les gens de mon entourage ont pensé que je sortais avec Rob faute de mieux ou parce que je n'étais pas consciente de ma valeur. A leurs yeux, s'aimer et se respecter soi-même veut aussi dire réclamer l'amour exclusif d'une autre personne.

Pour moi, tout ça est très clair, transparent. C'est la forme de relation qui fonctionne le mieux pour moi, et j'en parle volontiers à ceux que ça intéresse. Mais quand on vit ouvertement sa vie d'une façon qui n'est pas conforme à la norme, certaines personnes sont prêtes à l'accepter et d'autres pas. Ce qui m'a le plus étonné lorsque j'ai pris cette décision, c'est le nombre de réactions négatives de ma famille et de mes amis.

Presque systématiquement, les gens de mon entourage ont pensé que je sortais avec Rob faute de mieux ou parce que je n'étais pas consciente de ma valeur. A leurs yeux, s'aimer et se respecter soi-même veut aussi dire réclamer l'amour exclusif d'une autre personne. Ce n'est pas comme ça que je vois les choses. En fait, je pense que c'est justement par amour et respect pour moi-même que je me suis engagée dans cette relation avec un polyamoureux.

Avant de rencontrer Rob, je suis sortie avec un tas d'hommes qui, dans le meilleur des cas, se désintéressaient de moi et, au pire, me traitaient mal. Jamais personne de ma connaissance n'est venu me donner des conseils en amour quand je sortais avec ces hommes. Mais soudain, avec Rob, qui est gentil, délicat et aux petits soins pour moi, les gens ont commencé à me donner leur avis... et il était négatif.

Être polyamoureux ne veut pas dire que l'on ne se croit pas digne d'être aimé, qu'on a des mœurs légères, qu'on est incapable de s'engager. Aucun de ces stéréotypes n'est vrai. Si une relation polyamoureuse vous a donné cette impression, c'est que vous avez eu une mauvaise expérience avec une personne malhonnête qui essayait d'excuser ses écarts de conduite en prétendant que le polyamour fonctionne comme ça. C'est faux.

Être polyamoureux signifie simplement qu'on ne pense pas être né avec une quantité bien déterminée d'amour à donner mais qu'au contraire on pense pouvoir en donner et le partager à l'infini.

Et puis, je dois dire que quand je veux parler de mon petit ami, je me sens très chanceuse d'avoir une autre femme vers qui me tourner, une femme qui ME COMPREND, parce qu'elle le CONNAIT AUSSI BIEN QUE MOI!

Avec Rob, la phase de séduction a été très courte. Nous avons su dès le départ que c'était sérieux entre nous et n'en avons jamais douté. Ma relation avec sa copine ne s'est pas développée aussi rapidement. Nous étions toutes les deux méfiantes et nerveuses au début. Mais, en deux ans, j'en suis venue à la considérer comme une de mes meilleures amies.

Et puis, je dois dire que quand je veux parler de mon petit ami, je me sens très chanceuse d'avoir une autre femme vers qui me tourner, une femme qui ME COMPREND, parce qu'elle le CONNAIT AUSSI BIEN QUE MOI! J'ai toujours mon propre appartement, mais j'ai l'habitude de passer trois nuits par semaine chez eux et elle a remué ciel et terre pour que je m'y sente aussi chez moi.

Une chose dont on ne parle jamais en matière de polyamour, c'est que même si certaines personnes peuvent ressentir de la jalousie, ce n'est pas le cas de tout le monde, et ça n'a rien d'anormal! J'ai eu beaucoup de défis à relever pour m'adapter à cette relation dans laquelle mon copain est aussi celui de quelqu'un d'autre, mais la jalousie n'a jamais été un problème.

Je crois que la raison principale pour laquelle je ne suis pas jalouse, c'est que Rob m'a encouragée à me confier à lui quand je ressens des émotions négatives. Si je me sens effrayée, blessée ou négligée, je ne me contente plus de ronger mon frein dans mon coin. J'en parle aussitôt à Rob et nous cherchons des solutions ensemble.

Rob est aussi parfaitement conscient du temps qu'il doit consacrer à chacune des femmes de sa vie. Au début de notre relation, je ne supportais pas qu'il me demande toujours de noter nos rendez-vous sur le calendrier commun (parce que je déteste prévoir quoi que ce soit), mais j'ai compris que c'était pour lui la façon la plus simple de s'assurer que nos besoins à tous étaient satisfaits.

Je n'avais jamais envisagé d'avoir une relation polyamoureuse. C'est pourtant le cas aujourd'hui, et cela ressemble de plus en plus à une famille. Quand Rob et son autre copine ont eu leur premier bébé l'an dernier, je me suis attendue à toutes sortes de complications. Et je n'avais pas tort.

De prime abord, tenir leur petite fille dans mes bras m'a paru étrange, et c'est devenu encore plus étrange quand j'ai dû aller dormir sur le canapé du salon pour ne pas être réveillée sans arrêt. Je me suis sentie un peu (parfois beaucoup) de trop. Mais j'ai eu aussi le sentiment de faire partie d'une famille.

Ce sentiment n'a fait qu'augmenter au fil des mois. La petite est encore trop jeune pour choisir comment elle va m'appeler, mais elle sait que je suis quelqu'un vers qui elle peut ramper à quatre pattes, à qui elle peut réclamer des câlins, et contre qui elle peut se blottir quand elle est fatiguée ou a besoin d'être consolée.

Je m'inquiète à l'idée de devoir un jour lui expliquer qui je suis et pourquoi sa famille est différente des autres. Mais les gens qui élèvent des enfants sont toujours angoissés, non? Et puis, finalement, ce qui rend sa famille différente, c'est l'excès d'amour, pas le manque d'amour.

Oui, ma vie est bizarre, mais j'assume ma relation amoureuse telle qu'elle est.

Quoi que vous pensiez, je suis sûrement déjà passée par là. Tout n'est pas parfait. Je me fais du souci pour l'avenir, mais j'ai confiance en Rob. Je sais que, quoi qu'il arrive, il continuera à m'aimer et à me soutenir. Oui, ma vie est bizarre, mais j'assume ma relation amoureuse telle qu'elle est. Je ne m'attends pas à ce qu'une autre personne vive exactement la même chose que moi. Ce serait insensé.

Tout ce que je demande, c'est du respect. C'est vrai, ma famille est un peu différente. Il y a trois adultes au lieu de deux. Nous nous prenons souvent le bec pour des choses triviales comme "le problème de la table de chevet ": une table de chevet de chaque côté du lit, c'est bien; quand il n'y a plus de deux personnes dans le lit, ça devient problématique. Mais ces petits tracas sont insignifiants comparés à la détresse que je ressentais dans mes précédentes relations de couple.

Si Rob et moi nous séparons un jour, je ne chercherai pas forcément à fréquenter un autre polyamoureux. Je ne suis pas avec Rob parce qu'il est polyamoureux, mais parce que c'est Rob, et que sa tendresse m'a donné le courage de choisir un mode de vie qui inclut parfois des plans à trois dans les grandes occasions. Mais, en fin de compte, le moteur de notre relation, comme de toutes les autres, c'est l'amour.

Ce blogue, publié à l'origine sur le HuffPost américain, a été traduit par Iris Le Guinio pour Fast for Word.

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.