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Quand lirons-nous un bon article sur les trans?

On n'accorde pas une grande importance à la voix des trans si on ignore toutes les traces de leur discours dans la littérature et sur internet pour demander à la première d'entre elles de se transformer en prof de genre 101. Quel bien fait-on aux personnes trans lorsqu'on efface leur personnalité et leur bagage individuel de la sorte?
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Ce billet à été initialement publié sur le blogue Mauvevaillance

Étant coresponsable d'un groupe étudiant LGBT+, j'ai remarqué que nous recevons de nombreuses demandes d'entrevues de la part de journalistes. Neuf fois sur dix, la demande est ciblée pour que nous trouvions un ou une volontaire trans. Je me demande si ces demandes sont nécessairement signe d'une plus grande visibilité d'un groupe grandement marginalisé au sein des minorités sexuelles.

Instinctivement, on pourrait croire que de parler davantage des trans permet de leur donner automatiquement plus de place dans la société. Cette réflexion est basée sur le préjugé selon quoi toute discussion à propos d'une minorité est une bonne discussion, et que tout rapport entretenu entre une personne trans et une personne cis (non-trans) est un contact positif.

Pour comprendre l'effet du journalisme sur la visibilité des trans, il faut prendre en compte les nuances de la discussion et le contexte : ce sont ces éléments qui déterminent la nature du rapport.

Souvent, les journalistes qui contactent notre groupe communautaire pour une entrevue se positionnent verbalement comme « alliés ». Dans le discours, ils disent vouloir dépeindre l'humanité des trans et respecter les limites de l'individu.

Leurs gestes parlent autrement.

Les journalistes nous contactent souvent sans avoir fait de travail préalable, ce qui a des conséquences graves sur la discussion.

Une anecdote particulièrement marquante, bien qu'elle ne concerne pas les trans, fut lorsqu'une étudiante nous contacta pour un projet sur les personnes intersexes. Quelques minutes de discussion nous révélèrent à quel point elle était peu renseignée sur le sujet: pour elle les intersexes n'étaient pas les gens nés avec des organes sexuels non spécifiquement féminins ou masculins aux yeux de corps médical, mais des « She-male », comme on peu voir dans certains films érotiques!

Grosse différence!

Ces petites ignorances sont très dommageables et font du rapport une expérience négative plutôt qu'une possibilité de donner de la visibilité à l'individu.

La recherche préalable permet aussi d'éclipser chez le journaliste la curiosité superficielle, ce qui l'empêche de harceler une personne volontaire de questions banales déjà posées mille fois. Non, ce n'est pas approprié de demander à toutes les trans les étapes de la vaginoplastie. Une courte recherche sur internet renseignerait sur le sujet. Oui, on peut « retourner en arrière » avec l'opération, même si c'est un vocabulaire qui évacue le fait que ce n'est pas un retour, mais un pas en avant vers une nouvelle étape de l'affirmation de l'identité.

En tant que groupe, nous devons presque discriminer les demandes d'entrevues pour protéger les volontaires des questions exaspérantes qui ont déjà été répondues, mais pas entendues.

On n'accorde pas une grande importance à la voix des trans si on ignore toutes les traces de leur discours dans la littérature et sur internet pour demander à la première d'entre elles de se transformer en prof de genre 101. Quel bien fait-on aux personnes trans lorsqu'on efface leur personnalité et leur bagage individuel de la sorte?

À force de répétition, ça peut devenir déshumanisant envers les trans qu'un groupe reçoive autant de demandes d'entrevue « avec les trans ». Que le ou la journaliste parle de sport, d'art, de violence transphobe en Russie, de mode, de décoration, ils souhaiteront toujours parler à « une personne trans ». Pas « une personne trans sportive », pas « une personne trans qui est impliquée dans la politique », pas « une trans d'origine russe », ni même « un homme trans» ou « une femme trans ». La simplicité dont les journalistes font preuve en vouant ce groupe illustre leur ignorance de la diversité et de la différence de vécu qui peut exister au sein du T de LGBT.

Je suis convaincu qu'un article qui a un petit lectorat, mais qui est le fruit d'un travail journalistique informé et respectueux de la personne participante fera davantage de bien à la communauté trans que n'importe quoi d'autre. Les journalistes ont besoin d'être un peu moins verbaux à propos de leur statut d'allié, et beaucoup plus introspectifs à propos de l'éthique et de la rigueur de leur démarche.

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