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Immigration illégale: un dossier gagnant-gagnant pour les démocrates

Le président Barack Obama doit prononcer la semaine prochaine son discours annuel sur l'État de l'Union. Dans l'édition 2013 de cette liste d'épicerie législative offerte au Congrès et diffusée au public américain, il risque très fortement d'insister, entre autres choses, sur une réforme du système d'immigration. Le président démocrate tentera ainsi de réussir où son prédécesseur républicain George W. Bush avait échoué...
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US President Barack Obama delivers remarks on immigration reform at Del Sol High School in Las Vegas, Nevada, January 29, 2013. Obama Tuesday hailed a 'genuine desire' among warring US politicians to pursue immigration reform, ahead of a speech laying out his own approach to the politically fiery issue. AFP PHOTO/Jim WATSON (Photo credit should read JIM WATSON/AFP/Getty Images)
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US President Barack Obama delivers remarks on immigration reform at Del Sol High School in Las Vegas, Nevada, January 29, 2013. Obama Tuesday hailed a 'genuine desire' among warring US politicians to pursue immigration reform, ahead of a speech laying out his own approach to the politically fiery issue. AFP PHOTO/Jim WATSON (Photo credit should read JIM WATSON/AFP/Getty Images)

Le président Barack Obama doit prononcer la semaine prochaine son discours annuel sur l'État de l'Union. Dans l'édition 2013 de cette liste d'épicerie législative offerte au Congrès et diffusée au public américain, il risque très fortement d'insister, entre autres choses, sur une réforme du système d'immigration. Le président démocrate tentera ainsi de réussir où son prédécesseur républicain George W. Bush avait échoué : rallier le Sénat et la Chambre des représentants derrière un plan majeur de refonte du système d'immigration lors de son second mandat. Il s'agit d'un combat bien choisi : qu'Obama le gagne ou le perde législativement, son parti est pratiquement assuré d'en bénéficier au niveau politique.

Examinons d'abord la proposition selon laquelle la réforme passe. Barack Obama pourrait célébrer un accomplissement majeur dès le début de son mandat. Il s'agirait d'un contraste majeur avec Bush qui, dans l'année suivant sa réélection, a vu sa cote d'approbation chuter pour de bon sous la barre des 45% et sa présidence s'enliser après que son ambitieux plan de réforme du système de retraite (Social Security) ait échoué au Congrès. Le passage d'un projet de loi bipartisan d'une telle ampleur serait une première pour Obama, et pourrait servir de tremplin pour le reste de son mandat.

Les démocrates feraient par le fait même plaisir à leur base politique, qui se range très massivement derrière la réforme. Dans la mesure où une jeune coalition de minorités ethniques a contribué à la victoire du parti en 2012, l'adoption de la réforme pourrait venir aider à cimenter cette coalition. Ce n'est pas uniquement le vote hispanique - j'écrivais l'an dernier que son importance était largement exagérée dans les médias, point que je soutiens toujours - mais également celui des jeunes et des membres d'autres minorités percevant le Parti démocrate comme leur étant plus hospitalier.

Si le système est modifié d'immigration cette année, c'est que les républicains, majoritaires à la Chambre et suffisamment nombreux au Sénat pour y avoir un certain poids, y auront donné leur aval. S'ils le font, ce sera sans aucun doute car ils auront tiré plus ou moins les mêmes conclusions que le sénateur d l'Arizona et ancien candidat présidentiel John McCain, qui associe essentiellement le bien-être électoral du Parti républicain au passage de la réforme.

Le problème de cette conclusion est simple : il n'existe pas grand-chose pour la soutenir. Premièrement, le crédit d'un tel accomplissement ne sera pas accordé aux membres du Sénat ou de la Chambre, mais au président. Le Parti républicain a beau avoir été instrumental - vital en fait - au passage de la législation relative aux droits civiques au Congrès dans les années 1960, c'est néanmoins le président démocrate en fonction à l'époque, Lyndon Baines Johnson, qui a marqué l'histoire et aidé à cristalliser le vote des Afro-Américains pour son parti. Les républicains d'aujourd'hui font preuve de naïveté s'ils croient qu'ils iront chercher leur « juste part » du crédit dans l'opinion publique s'ils devaient consentir à la réforme. Ce crédit reviendra de façon disproportionnée au président.

Deuxièmement, à plus long terme, les républicains favorables à un octroi de la citoyenneté américaine à la douzaine de millions d'immigrants illégaux vivant présentement aux États-Unis ouvrent la porte à un bloc potentiel d'éventuels électeurs leur étant naturellement hostiles - non pas nécessairement à cause de leur race, mais de leur statut socioéconomique. Les électeurs plus pauvres et moins éduqués étant statistiquement plus susceptibles d'appuyer les démocrates, les observateurs plus cyniques verront dans l'octroi du droit de vote aux immigrants actuellement illégaux plusieurs millions d'appuis pratiquement assurés à ce parti.

Somme toute, donc, un succès législatif s'annonce porteur de nombreuses récompenses politiques potentielles pour les démocrates. On ne peut en dire autant du côté républicain.

Qu'en serait-il alors d'un échec de la réforme au Congrès ? Encore là, les démocrates auraient beau jeu dans l'ensemble. Dans un premier temps, ils exposeraient de profondes divisions dans le camp républicain entre l'aile plus modérée du parti, menée par McCain et favorable à la réforme, et l'aile plus conservatrice, dominant présentement le caucus à la Chambre des représentants et hostile à la réforme.

Ils seraient par ailleurs libres d'étaler sur la place publique un échec important du jeune sénateur républicain hispanophone de la Floride Marco Rubio, que plusieurs voient comme un candidat présidentiel de premier plan, et qui s'est présenté comme l'homme pouvant unir les différentes factions de son parti derrière les efforts de réforme. Puis, les démocrates pourraient même, si le projet de loi mourait avant qu'un vote formel n'ait lieu au plancher du Sénat, permettre à certains de ses sénateurs plus vulnérables provenant d'États conservateurs et devant faire face à l'électorat en 2014 (Mary Landrieu en Louisane et Mark Pryor en Arkansas, par exemple) de s'en tirer en douce sans avoir à trancher sur la question.

Finalement, si la réforme devait échouer au Congrès, elle ne disparaîtrait pas pour autant du radar politique. Au contraire - le Parti démocrate pourrait conserver cette arme politique dans son arsenal et la déployer à nouveau, taxant les républicains d'intolérance, de manque d'ouverture (et dans certains cas de racisme) lors de campagnes électorales futures. En ce sens, donc, les républicains qui tueraient l'enjeu au niveau législatif contribueraient directement à le garder en vie au niveau politique.

Comment les deux partis feront-ils donc leurs jeux ? Dur à dire pour l'instant. Ce qui semble clair, c'est que peu importe les cartes qu'ils pigeront, les démocrates risquent d'avoir la main haute.

Les opinions exprimées dans ce blogue sont strictement personnelles et ne reflètent pas nécessairement celles de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques de l'Université du Québec à Montréal.

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