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Le prodige Sofiane Pamart, pianiste surdoué et audacieux

Sa musique est précise, affûtée, riche de cultures et d'influences. D'ailleurs, le succès ne se fait pas attendre, il vient de signer un important contrat.
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Eazyfeurz

Sofiane Pamart sera de passage au Québec le 22 août prochain dans le cadre du Festival International de la Chanson de Granby.

Médaille d'or du Conservatoire National de Lille, Sofiane Pamart est le nouveau prodige français du piano. À 23 ans, il a foulé les plus grandes scènes: Olympia, Bataclan et la Cigale à Paris. Il a déjà collaboré avec des nombreux artistes français et internationaux tels que Kery James, Grand Corps Malade, Gaël Faye, Medine, Scylla ou encore Selah Sue. Il tire son inspiration du rap d'aujourd'hui et de références du classique comme Vladimir Horowitz, Ravel ou encore Chopin.

Sa musique est précise, affûtée, riche de cultures et d'influences. Le succès ne se fait pas attendre: il vient de signer un contrat avec l'importante maison de disque Universal Music Publishing.

À son talent de compositeur, s'ajoute la compétence et la vision stratégique d'un homme d'affaire bien décidé à imprimer sa marque tout en conservant ses valeurs. «Youpiano» est le nom de sa startup.

Sofiane Pamart, un profil aussi inclassable qu'exceptionnel. Discussion avec un jeune surdoué de la musique à l'audace et à l'ambition inspirantes.

On t'a découvert ces dernières semaines à travers de nombreux articles qui présentent ton parcours: une formation classique au Conservatoire National de Lille et des collaborations dans le milieu du rap. Ton profil étant atypique, nous voudrions en connaître davantage sur ce qui te caractérise en tant qu'artiste: tes valeurs et ton processus créatif.

Sofiane Pamart | Avec plaisir, c'est vrai que j'ai donné plusieurs entrevues ces derniers temps et le public commence à connaître mon travail et mes collaborations. J'aime ce nouvel angle de vue. Ça va me permettre de présenter davantage ce qui guide mon travail, mais aussi mon entourage artistique.

Peux-tu nous parler alors de ta démarche lorsque tu cherches à composer?

Quand je crée à partir de zéro, je cherche le bouillonnement émotionnel. Je vais chercher une grandeur, la mémoire d'une discussion intime avec quelqu'un, l'impression d'un grand film et cela, jusqu'à ce que qu'un sentiment commence à bouillonner. J'essaie ensuite de poser tout ça sur mon piano.

J'ai la chance de pouvoir faire de la musique et de mettre du sens autrement que par des mots. Ça peut me rendre très lunatique aussi, il y a des sentiments sur lesquels je n'arrive pas à mettre de mots, j'utilise alors le piano pour palier ce manque.

Adrien Beaujeant

Combien de temps te prend l'écriture d'une composition ?

En général le moment où je crée les premières notes, c'est fulgurant, ça va très vite. C'est la partie la plus valorisante. Mais il y a des sentiments plus complexes qui peuvent parfois prendre des jours avant que je puisse les retranscrire sur le piano. Parfois aussi ce sont des réminiscences, ces sentiments de l'enfance qui reviennent d'un coup sans qu'on ne s'en rende compte. Je crois que le devoir d'un pianiste est de pouvoir déchiffrer ces sentiments complexes pour qu'ils puissent parler à d'autres. C'est ma mission en tant qu'artiste.

Tu choisis l'isolement pour composer ou c'est un exercice que tu aimes réaliser à plusieurs?

Je préfère ne pas me référer à beaucoup de monde pendant mon processus créatif. Une fois l'œuvre finalisée, j'aime avoir des retours. En fait, la personne qui me sert le plus souvent de référence, c'est mon ami et manager Guillaume Héritier. C'est le plus artiste des managers: il a une vraie vision. C'est un poète qui écrit beaucoup, il doit en être à son 4ème recueil de poésies. Il a le même processus créatif que moi, mais lui le fait avec des mots.

En parlant de poésie, y a-t-il d'autres disciplines artistiques comme le design, l'architecture ou la mode qui t'inspirent? En quoi ces disciplines influencent-elles tes compositions?

Je pense que le haut niveau est partout dans les disciplines que tu as citées. Et c'est principalement ce qui m'inspire. Je peux le retrouver dans l'architecture, dans le cinéma.

Dernièrement, j'ai fait un clip à Séoul. Il y a un bâtiment de l'architecte Zaha Hadid, le Dongdaemun Design Plaza (DDP). Tu te dis que c'est l'œuvre d'une personne et tu imagines le processus pour arriver à une telle réalisation. C'est un projet imposant, inspirant, émouvant même par sa volumétrie, la justesse de ses courbes.

Au final, je suis à la recherche de ces émotions. Ça peut être dans l'architecture mais également dans la lecture d'un livre, par exemple.

Justement, la musique est un langage, un alphabet dont les lettres sont les notes. La littérature a une place importante dans ton travail. Quels sont les livres qui t'ont le plus marqué?

Le premier qui me vient en tête est le Le Comte de Monte-Cristo. C'est un livre très long, une histoire lourde. Dans un autre registre, celui du manga japonais, je pense à One Piece.

Ces deux livres ont en commun d'être de longues œuvres. Au bout d'un moment, tu as l'impression de faire partie de l'histoire, de ressentir les émotions des personnages et c'est ça qui va me permettre de créer. Je terminerai avec une oeuvre de Kundera L'Insoutenable légèreté de l'être.

Hormis les musiciens et artistes, y a-t-il des modèles qui t'inspirent dans ta jeune carrière, et pourquoi?

Je parlerai de mon entourage qui est une vraie source d'inspiration. D'abord, je dirais Oussama Amar. Je fais partie d'un incubateur, «The Family». Oussama est l'un des cofondateurs. J'ai toujours été à la recherche de mes pairs. Cette quête m'a finalement menée à «The Family» où je côtoie des personnes inspirantes avec le désir d'avancer et de se réaliser.

J'ai envie de citer aussi mon manager Guillaume Héritier. Guillaume est aussi écrivain, réalisateur et acteur. C'est un esthète. C'est une personne «hors cadre». Et ça prend une forte personnalité pour assumer ça. Guillaume représente parfaitement ce profil: il est transdisciplinaire et ça se voit dans son travail. Je pense aussi à Alexandre Pini, ingénieur de formation aujourd'hui entrepreneur à succès.

Florin Defrance Adrien Beaujeant
Florin Defrance ; Adrien Beaujeant
Florin Defrance Adrien Beaujeant

En tant qu'artiste, y a-t-il une cause qui te tient une coeur, des valeurs que tu veux représenter?

Mes parents ont beaucoup investi en mon frère, ma sœur et moi pour que nous réussissions. Très jeune, ils nous ont donné les moyens de nous réaliser. Aujourd'hui, chacun dans nos domaines, nous recherchons l'excellence.

Par mon travail et mon parcours, je veux véhiculer les valeurs du dépassement de soi, du travail acharné, de l'audace aussi.

Pour moi, la définition du succès, c'est réussir à adopter le mode de vie qui nous convient. Celui qui fait en sorte qu'on arrive à se réaliser complètement, à notre plein potentiel.

Ce goût pour l'excellence est commun au sportif professionnel comme aux artistes. De quelles façons cultives-tu ton désir d'excellence? Comment te prépares-tu à tes concerts?

Pour la préparation à mes concerts, je me projette dans l'échéance. Ça me permet de visualiser le moment et de me mobiliser en conséquence. Aussi, je m'entoure des meilleurs, mon entourage me permet de me focaliser sur l'essentiel, de ne pas perdre de temps.

Mais pour être entouré des meilleurs, il faut aussi se donner des objectifs de haut-niveau. Pour cultiver l'excellence, je dirais qu'il faut aussi produire beaucoup, il faut que ce soit concret. C'est pas tant le nombre d'heures qui compte, mais plutôt la notion de qualité. Je peux décider de travailler sur une composition, une future collaboration ou sur un des mes clips: j'aime beaucoup l'image aussi comme moyen d'expression.

À la fin de la journée, je veux avoir ce sentiment d'accomplissement, d'avoir contribué un peu plus à l'atteinte de mes objectifs.

Andy Sabkhi ; Andrien Beaujeant

Parlant d'images, tu as développé un univers visuel singulier que tu exposes notamment à travers les réseaux sociaux. Quel est celui que tu préfères et comment tu l'utilises pour parler de ton travail?

Pour le moment, je dirais Instagram. Il est pour moi le réseau le plus complet. Je peux y revendiquer un morceau que j'ai composé, une nouvelle collaboration ou des valeurs à travers le récit d'une expérience marquante. Instagram, c'est un tableau de messages pour moi. Un tableau avec une exigence esthétique.

Les stories d'Instagram ne sont pas trop superficielles et éphémères pour un pianiste de formation classique habitué aux compositions qui s'inscrivent dans le temps?

Non, parce qu'Instagram me permet de poster des choses permanentes destinées à montrer qui je suis, ainsi que mes collaborations. C'est également une plateforme où je peux soumettre des prototypes de composition et voir la réaction du public grâce aux stories. C'est peut-être parfois un super moyen de me conforter dans mon travail mais aussi de me challenger!

Peux-tu nous parler d'un de tes plus récents morceaux?

Il s'appelle Solitude en collaboration avec Scylla. En tant que pianiste, j'aborde la solitude comme une valse, c'est-à-dire un personnage invisible avec qui on danse éternellement. Au final, même très entouré, on finit par se retrouver seul face à soi-même.

Dans le livre de Kundera, L'Insoutenable légèreté de l'être, l'auteur explique que peu importe comment on s'élève, il y aura toujours une attirance pour le vide. Quand je suis en concert, il y a une forte attention qui se porte sur moi, une synergie de trop d'âmes qui sont entrain de vivre une émotion. Mais après ces moments, ensemble, on finit quand même par se retrouver seul.

Donc la solitude est toujours là, comme une valse incessante. Guillaume Héritier a dirigé le clip dans ce sens, avec son expertise. Je m'investis entièrement dans le clip pour garder sa cohérence, en jouant parfaitement mon personnage, en partager une émotion.

Le public voit le piano comme un instrument élitiste, difficilement accessible. À travers ta start-up Youpiano, je crois que tu veux le rendre plus abordable, le faire presque rentrer dans la culture populaire.

Oui, il y a un enjeu de démocratisation, tu as raison. Même si je suis issu d'une formation classique, j'aimerais que les gens puissent ressentir l'attrait que j'ai pour cet instrument de musique sans forcement passer par le solfège, qui peut mettre dans un premier temps une certaine distance avec le piano.

Peux-tu nous parler du projet que tu es en train de développer au sein de ta startup?

Je travaille sur un objet connecté appelé Lekey qui va permettre à tous d'apprendre le piano sans passer par le solfège. C'est un travail de recherche et développement qui doit aboutir à la création d'un objet.

Il y a plusieurs défis mais en tant que pianiste, je suis habitué à ce travail de recherche pour aboutir à un résultat. Ce n'est finalement pas si éloigné que ça, entrepreneur et pianiste. Par ce projet, je veux faire sauter toutes les barrières, ouvrir une nouvelle voie d'accès. L'objet connecté au piano va indiquer à l'élève où poser ses doigts grâce à un dispositif lumineux. L'apprentissage des accords, par exemple, en sera simplifié. Le but c'est que l'élève s'approprie très vite ces accords et qu'il soit l'auteur de ses propres compositions, qu'il puisse expérimenter et créer.

Avec mon projet d'objet connecté Lekey, je veux être l'accélérateur d'un accès alternatif à l'apprentissage du piano pour qu'il soit abordable pour tous.

C'est une méthode que j'utilise avec mes élèves, mais en utilisant mes mains. Je voyais que la méthode fonctionnait auprès des élèves et que l'intérêt était de plus en plus présent. J'ai réfléchi à un moyen de faire profiter de cette pédagogie à tous. Dans mon parcours, j'ai toujours été passionné par les autodidactes parce qu'ils réussissent à trouver leurs propres moyens pour y arriver.

Je pense que ça peut attirer de nombreuses personnes. As-tu une date de sortie pour ce projet?

On travaille sur plusieurs prototypes en ce moment. Je veux les expérimenter auprès de plusieurs personnes, observer leurs pratiques et améliorer leurs expériences en lien avec mon équipe technique. On vise une commercialisation au mois de septembre.

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