Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le blanchissage des billets canadiens

L'ultime bavure de la Banque du Canada ne constitue que le dernier maillon d'une longue chaîne d'affronts, et un rappel que la mosaïque multiculturelle utopique que nous prétendons épouser d'un océan è l'autre ressemble davantage à une «mosaïque verticale» où certains sont jugés dignes, tandis que d'autres sont plongés dans l'obscurité, privés d'opportunités, de représentation et des symboles du pays qu'ils aiment.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Banque du Canada

Quand la nouvelle est tombée l'été dernier que la Banque du Canada avait effectué un nettoyage ethnique dans les images imprimées sur ses billets, le faux pas a fait le tour du monde. Dans un focus group, certains intervenants xénophobes se sont insurgés contre l'image d'une femme aux traits asiatiques sur l'ébauche d'un billet de 100 $. L'institution fédérale a choisi d'apaiser les bigots au lieu d'inclure le vrai visage pluriel de la magnifique mosaïque multiculturelle que promeut le Canada à domicile et à l'étranger.

L'explication officielle offerte par la Banque du Canada - la règle exige qu'elle n'utilise que des images ethniquement neutres, a agit comme un seau d'huile sur le feu de froissement national. Les timides excuses floues émises par gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, n'ont guère atténué la montée de lait de la part des Canadiens issus de communautés ethnoculturelles, ni des Canadiens de souche.

Quelques jours plus tard, dans son deuxième aveu, cette fois-ci plus approprié, le gouverneur a admis son faux pas et s'est engagé à inclure la diversité visible au sein de la population canadienne dans la prochaine itération de billets de banque. (Maintenant que M. Carney a annoncé son départ, certains spéculent: la promesse pourrait périr dans l'océan qui sépare son bureau à Ottawa de son futur poste en Angleterre.)

Ces jours-ci, on apprend que non seulement les traits asiatiques étaient jugés indignes de figurer sur les billets de banque, mais aussi les personnes de race noire, les Autochtones, les Sud-Asiatiques et les homosexuels. Une forme de xénophobie institutionnalisée se dessine, et ce n'est pas tellement jojo. Non seulement les billets de banque, mais d'autres emblèmes nationaux tels que le nouveau passeport canadien (qui manque de femmes et de diversité), le Musée de l'Histoire du Canada à venir (les craintes de révisionnisme sont palpables), le tribunal fédéral, la Cour Suprême (100% vanille), et les gens d'influences médiatiques semblent favoriser cette doctrine d'exclusion achromatique.

L'histoire du Canada est remplie de double langage sur les valeurs d'égalité, de l'équité, de diversité et d'inclusion. D'une part, le Canada se félicite d'avoir devancé nos voisins du sud dans l'abolition de l'esclavage. D'autre part, certaines régions du Canada traitaient tellement mal les Noirs que deux tiers d'entre eux se sont éclipsés aux États-Unis dès que le président Lincoln a proclamé l'émancipation (et avant que le Canada n'interdise catégoriquement l'immigration noire). Le Canada s'est doté d'une Sino-Canadienne au poste de gouverneure générale dans les années 90, mais on omet souvent que les Asiatiques étaient l'épine dorsale de l'économie canadienne au 19e siècle grâce à la construction du chemin de fer national, tout en leur interdisant le droit de vote jusqu'à la fin des années 1940. Le Canada courtise les immigrés et les investisseurs Sud-Asiatiques avec vigueur, mais les excuses officielles pour l'épisode honteux du navire Komagata Maru tardent à arriver. (La tragédie s'inscrit dans les mœurs de l'époque ou le secrétaire du premier ministre Wilfrid Laurier, Rodolphe Boudreau, jugeait que les «Indiens de l'est» étaient incapables de s'adapter au froid canadien).

Cette ultime bavure de la Banque du Canada ne constitue que le dernier maillon d'une longue chaîne d'affronts, et un rappel que la mosaïque multiculturelle utopique que nous prétendons épouser ressemble davantage à une «mosaïque verticale» où certains sont jugés dignes, tandis que d'autres sont plongés dans l'obscurité, privés d'opportunités, de représentation et des symboles du pays qu'ils aiment.

Le billet de 5$

Les nouveaux billets canadiens en plastique

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.