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Affaire Mervil: de l’insoutenable légèreté du remords

Monsieur Mervil éprouve-t-il une vive douleur morale ? On en doute un peu.
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Luck Mervil
La Presse canadienne
Luck Mervil

La conclusion de l'affaire Mervil, qui a récemment plaidé coupable à des accusations d'exploitation sexuelle d'une personne mineure, nous a offert un exemple intéressant de la détermination d'une peine criminelle. Ici, on l'a souligné, on parle en fait d'une peine assez clémente.

Afin de justifier sa très bienveillante décision, la juge Mélanie Hébert s'appuie fortement sur le remords sincère et généralisé de l'artiste. C'est vrai, des excuses, il en a livré jusqu'à plus soif, à la victime et ses proches, à sa propre famille, à ses amis, mais aussi au Québec au grand complet. Toutefois, sa verve indéniable méritait-elle autant de mansuétude ? Je suis songeuse.

Revenons-en aux faits, tels qu'exposés dans le jugement sur sentence rendu le 23 mai 2018. On y apprend que Monsieur Mervil a eu des relations sexuelles non consenties avec une jeune femme de moins de 18 ans et de 11 ans sa cadette. On apprend qu'elle a eu mal, que ce geste et la relation ambigüe qui a suivi lui ont fait perdre toute confiance en elle. Elle a abandonné ses études, s'est brouillée avec sa famille et a choisi l'exil en France. On apprend aussi qu'elle vit dans la peur constante de recroiser son agresseur ou des membres de sa famille. Son témoignage a été validé par son agresseur puisqu'il lui fait ses excuses et reconnait « l'illégalité et la gravité » des gestes qu'il a posés. Il a donc « exploité sexuellement » sa victime au sens du Code criminel. Il s'est servi d'elle pour ses propres gratifications sexuelles alors qu'elle était mineure et qu'il était en position d'autorité. En termes clairs, il a abusé d'elle.

Afin de mériter une sentence de 6 mois purgée dans la collectivité, il fallait donc qu'on retrouve chez Monsieur Mervil une saine dose de remords ayant au moins l'apparence de la sincérité.

Les gestes décrits dans cette décision et les conséquences qu'ils ont eues sont graves en effet. Afin de mériter une sentence de 6 mois purgée dans la collectivité, il fallait donc qu'on retrouve chez Monsieur Mervil une saine dose de remords ayant au moins l'apparence de la sincérité. Le remords est cette « vive douleur morale causée par la conscience d'avoir mal agi » (Larousse). Le remords est un sentiment de culpabilité qui va au-delà du regret nous dit aussi l'Office de la langue française du Québec. Monsieur Mervil éprouve-t-il donc une vive douleur morale ? On en doute un peu.

Répondant aux craintes de la jeune femme face à des risques de représailles, il affirme en cour qu'il « ne comprend pas pourquoi la victime exprime de la peur à son égard, insistant sur le fait qu'il ne lui a jamais fait de mal » (paragraphe 7 de la décision). Heu... Pardon ? JAMAIS fait de mal ? Il me semble qu'on est un peu loin ici de l'expression d'un sentiment quelconque de culpabilité. Et je ne discuterai pas ici de la vidéo que l'artiste a fait circuler et où il souligne que lui et sa famille sont ceux qui ont plus souffert dans toute cette affaire. Qu'à cela ne tienne, pour la juge Hébert, les remords de Monsieur Mervil sont sincères et méritent la clémence de la cour.

Cette décision de la juge fait main basse sur les quatre ans qu'ont pris les négociations pour en venir à un plaidoyer de culpabilité sur des charges grandement réduites. Elle ignore les déclarations de l'accusé dans et hors de la cour qui contredisent les remords exprimés. Elle se désintéresse aussi des souhaits de la victime qui a quand même dû témoigner à au moins deux reprises et à qui on ne semble jamais avoir demandé si une peine de 6 mois purgée à la maison lui parait une compensation juste pour ce qu'elle a enduré et ce qu'elle subit encore aujourd'hui.

Vraiment, une peine légère pour des remords tout aussi légers... Il ne reste qu'à féliciter la victime pour son courage et à espérer qu'un jour on réalise que les victimes d'abus sexuels méritent mieux que cette insoutenable légèreté.

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