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C'est mon (beau-)fils, ma bataille!

Ma position de belle-mère n'est pas des plus faciles. Il y a des choses que je ne peux pas te dire... mais je peux encore l'écrire. Alors oui tu ne liras jamais cette lettre, mais j'ai besoin d'exprimer tout ça et qui sait, peut-être qu'un jour, j'aurai la possibilité de te les dire et que tu comprendras.
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Lettre ouverte à mon beau-fils qu'il ne lira jamais...

Mon chéri,

Ca y est tu es reparti. La semaine de vacances est terminée. Sur le chemin du retour, j'ai eu envie de te dire tellement de choses. Ma position de belle-mère n'est pas des plus faciles. Il y a des choses que je ne peux pas te dire... mais je peux encore l'écrire. Alors oui tu ne liras jamais cette lettre, mais j'ai besoin d'exprimer tout ça et qui sait, peut-être qu'un jour, j'aurai la possibilité de te les dire et que tu comprendras.

Je me souviens du premier jour où je t'ai rencontré. Tu avais 3 ans. Tu étais beau comme un coeur. Cela faisait 3 mois que j'étais avec ton papa et nous avions décidé d'y aller en douceur. D'abord une après-midi : nous sommes allés au parc et tu pédalais sur ton petit vélo à roulettes. Tu te retournais de temps à autre pour me jeter un regard suspicieux. Nous rigolions car tu étais tellement mignon et drôle. Puis je suis rentrée chez moi pour te laisser profiter de ton papa.

Nous nous sommes revus deux semaines plus tard. Une journée cette fois. Tu avais déjà intégré que j'étais là et tu me parlais. Sans aucuns préjugés. Mais sans vraiment tout comprendre non plus. Tu étais tellement naturel et j'étais pour toi une aubaine pour encore plus jouer. Je ne savais pas encore si le courant allait passer entre nous mais disons que j'étais optimiste! Puis je suis rentrée chez moi pour te laisser profiter de ton papa.

Nous avons continué ainsi quelques temps et tu t'habituais de plus en plus à ma présence. Tu étais toujours aussi mignon et je craquais complètement mais je n'en montrais rien. Il était trop tôt. Puis vint le moment fatidique de la première nuit. Tu étais habitué à avoir ton papa pour toi tout seul. Comment allais-tu accepter de le partager, d'autant plus que tu ne le voyais pas très souvent? J'étais terrifiée à l'idée que ça se passe mal. Je me serais inclinée et aurais coupé les ponts pour te préserver et te rendre à ton papa. Nous avons installé un petit lit de camp à côté de notre futon. Papa t'as installé dedans et t'as expliqué qu'a partir d'aujourd'hui, il fallait me laisser la place et que toi tu aurais ton lit. Un lit de grand. Tu m'as regardé intensément. Je ne respirais plus, attendant ta réaction. Tu m'as sondée du haut de tes presque 4 ans, tu venais de comprendre. Comprendre que maman avait un autre amoureux et que papa aussi. Tu as souri (j'ai respiré de nouveau) et tu t'es allongé dans ton lit de grand. Mais en petit filou que tu étais, tu as attendu que papa s'absente 5 minutes pour essayer de me refourguer le petit lit! Tu ne te rappelles sans doute pas, mais dès que papa est sorti de la chambre, tu t'es relevé et tu m'as dit en plongeant ton regard dans le mien : «C'est toi qui dors avec papa maintenant?», la gorge serrée, je t'ai confirmé que oui et là tu m'as répliqué «mais tu sais il est très bien aussi le petit lit... Tu le veux pas?» J'ai éclaté de rire tellement ta filouterie était mignonne. Ça y est, nous étions copains.

A partir de ce jour, notre lien c'est renforcé. Tu as compris rapidement que j'étais une machine à bisous et à câlins! Petit chenapan. Tu as compris rapidement que j'avais du mal à te dire non. Et tu as compris rapidement que nous nous étions adoptés mutuellement.

Dès que tu venais à la maison pour les vacances, tu ne me quittais plus. Réclamant un bisou par-ci, une histoire ou me demandant de jouer par-là. J'avais pris la décision de contribuer à ton éducation aussi. Etant donné que tu étais chez moi, il fallait respecter certaines règles. A mon grand étonnement, cela semblait te convenir. Il y avait quelques petits rappels à faire parfois mais dans l'ensemble tu étais vraiment un petit ange. Nous avions pris nos habitudes. Le bisou obligatoire que tu voulais avant de t'endormir. Les «je t'aime» ou les «je vous aime tous» que tu nous sortais à l'improviste et qui nous faisait tellement de bien à papa et à moi. Les bons mots que tu nous sortais de temps en temps, comme lors de cette balade au parc où tu en avais marre de marcher et que pour nous attendrir et qu'on te porte, tu nous as dit «ohhh j'ai mal à mon deuxième coeur!». Qu'est-ce que tu as pu nous faire rire de tes pitreries.

Tout n'était pas idyllique cependant. Je ne vais pas m'étendre sur ta vie chez maman car tu es le mieux placé pour savoir ce qu'il s'y passait. Tu sais aussi bien que nous que nos rapports sont loin d'être cordiaux! Tant et si bien que maman nous a empêchés de te voir pendant plus de 8 mois. Plus aucunes nouvelles pendant tout ce temps. Cela à été un supplice de tous les instants. Et puis il y a eu le jugement. Un bref retour à la normale. Mais nous ne comptons plus les coups bas ni les insultes. Le problème dans tout ça, c'est que tu es au milieu. Pauvre agneau innocent au milieu des loups.

Je me souviendrais jusqu'à mon dernier souffle de ce dernier soir de vacances où tu es allé te coucher. De longs sanglots ont ébranlé le calme de la nuit. Papa m'a demandé, les larmes aux yeux, d'aller te voir car il n'arrivait pas à te voir pleurer. Je suis entrée dans ta chambre et tu t'es jeté dans mes bras. Comme chaque dernière nuit de vacances, ton coeur était brisé de devoir repartir et d'attendre si longtemps avant de nous revoir. Je me suis assise à côté de toi et après avoir réussi à te calmer, tu m'as demandé «pourquoi plus on grandit, plus on devient méchant?» Je ne sais toujours pas quoi répondre à cette question...

Tu as maintenant 10 ans, presque 11. Tu as presque autant souffert que certains adultes au terme de leur vie. Nous avons contribué à cette souffrance, nous, les adultes, qui sommes censés te protéger. Mais tu te bats de toutes tes forces. Tu as d'excellents bulletins scolaires malgré le peu d'aide que tu trouves chez toi. Tu es d'une maturité troublante. Tu fais notre fierté. Je sais que tu es conscient que je t'aime plus que tout. Tu es le fils que j'aimerais avoir alors je profite du peu de moments que l'on passe ensemble. Je me suis tellement impliquée dans notre «relation» à en oublier presque que tu n'étais pas «à moi»! J'ai parfois eu des réactions qui dépassaient de beaucoup ma simple condition de «belle-mère». Mais tu le sais maintenant, je suis quelqu'un d'entier et de te voir souffrir était intolérable pour mon gros coeur tout mou. Alors je me suis impliquée. Trop peut-être. Ta mère me déteste depuis longtemps, car j'ai réussi là où elle a échoué : avoir une vie stable avec l'homme de ma vie, me marier, porter ton nom, et me faire tellement aimer par son fils qu'il parle de moi à qui veux l'entendre. Pour elle, je ne suis que le porte-monnaie qui paye la pension, et je cite «hippopotame à qui elle veut faire une liposuccion à coups de baffes» et tu le sais. Surtout depuis le jour (mon dieu j'en ai les larmes aux yeux rien que d'y penser!) où, apprenant que l'on avait comme futur projet de te faire un petit frère ou une petite soeur, tu es parti en pleurant toutes les larmes de ton corps. Ne comprenant pas ta réaction, je suis allée te voir pour savoir ce qui te mettait dans cet état et là, d'une petite voix, tu m'as répondu : «Je veux pas que tu aies un enfant pour 2 raisons : 1) tu t'occuperas plus de moi et 2) ton ventre il va encore grossir et maman elle se moquera encore plus de toi, déjà que là elle dit que t'es une baleine! Mais moi je préfère dire que t'es un dauphin, c'est beau les dauphins». J'en étais sciée et n'ai pas su trouver les mots sous le coup de l'émotion.

Alors saches mon ange que peu importe ce que les grandes personnes disent, l'important c'est d'écouter son coeur. Tu me demandais pourquoi quand on grandit on devient méchant? Tout simplement que notre esprit est pollué par tout un tas de mauvais sentiments tels que la jalousie et l'envie. Et dès qu'ils atteignent ton coeur, il est difficile de les contenir. Ne t'inquiète pas pour moi, petit ange. Et n'écoutes pas les vilaines choses que tu entends. Garde ton âme d'enfant le plus longtemps possible et laisse les grandes personnes se mouvoir dans leur boue.

Voilà mon petit ange, j'aurais encore tellement à te dire, mais rien ne sert de remuer le couteau dans la plaie encore plus. Tu es, avec ton père, les meilleures choses qui me soient arrivées. Tu es l'avenir et je te le souhaite de tout coeur bien meilleur. Saches que nous sommes là, toujours présents, prêts de toi. Et quand tu ne sais pas où nous trouver, regarde au fond de ton coeur, tu y verras une petite lumière qu'on appelle l'amour.

Je t'aime mon grand garçon.

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