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Cohen, Young, Dylan : meilleurs vieux pour 2012

Un conseil pour cet hiver, arrêtez le jeunisme. Stop, stop, stop. Par pitié, ne vous pointez pas dans un dîner en faisant mine d'écouter Lana Del Rey, Childish Gambino, ASAP Rocky ou Woodkid (vous ne savez même pas qui c'est ? eh bien j'ai envie dire tant mieux).
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Salut les Huffers,

Un conseil pour cet hiver, arrêtez le jeunisme. Stop, stop, stop. Par pitié, ne vous pointez pas dans un dîner en faisant mine d'écouter Lana Del Rey, Childish Gambino, ASAP Rocky ou Woodkid (vous ne savez même pas qui c'est ? eh bien j'ai envie dire tant mieux). Arrêtez de dire que vous kiffez pas mal Bref, que vous attendez la sortie de Drive en DVD, que vous avez des places pour le concert d'Hanni El-Khatib, que vous êtes potes avec Vincent Macaigne, ou encore même qu'on vous a proposé d'aller boire un coup au tout nouveau W Hotel (vous ne savez toujours pas de quoi on parle ? rassurez-vous, vous êtes dans le vrai). A faire le jeune ou le faux jeune, vous seriez immédiatement sanctionné par un jet de pain, de naphtaline ou de figue molle. Ça ne paie plus, terminé, basta : fini le casque i-Pod qui dépasse de la poche, les Jordan de collection, le slim pourri ou la doudoune Moncler (de toute façon, comme dirait Booba, c'est pas assez cher).

Aujourd'hui mon Huffer, si tu veux être cool, mise sur les vieux. Le rogaton a de l'avenir. La vie commence à 70 ans, c'est une certitude : c'est avec ton déambulateur que tu iras au bout du chemin, aurait pu dire Guy Béart s'il en avait la force. Tiens, Leonard Cohen par exemple, 77 ans, douze albums dans la besace, et peut-être une ou deux opérations à la hanche. En ce début d'année 2012, c'est tout simplement lui qui sort le plus bel album, Old Ideas ("Vielles idées", si ça n'est pas un slogan ça mon Huffer). Tout à l'économie. Dix chansons, dix titres gravés dans l'airain, avec le plus beau départ depuis des lustres. Ecoutez plutôt : "I love to speak with Leonard / He's a sportsman and a shephered / He's a lazy bastard / Living in a suit". Bim Google trad. "J'aime parler avec Leonard / C'est un athlète et un pâtre / C'est une grosse feignasse / Qui vit en costume." C'est sur que c'est pas Raphaël qui nous aurait écrit ça (je parle du chanteur, pas du peintre). Une vieille ragnole en costard qui fait des vers, voilà ce qu'on cherche en 2012 (enfin au moins au mois de février). Un homme au visage buriné par la poésie, qui passe son temps à méditer quand le jeune artiste twitte comme un maboulos. Un homme qui a dompté les femmes et traversé la vie comme un 33 tonnes relie Valenciennes à Malaga. Un type qui a regardé l'époque défiler sous ses yeux avec une classe folle, plutôt que d'essayer de changer le cours des choses comme un perdu. Leonard Cohen : le triomphe de la patience, de la modestie, de la beauté. La roue a tourné je vous le dis : fini le buzz sur Pitchfork, fini les percées sur les réseaux sociaux. "Si par bonheur il m'arrivait de me réincarner, j'aimerais être le chien de ma fille", déclarait Leonard Cohen en janvier dernier devant un parterre de journalistes européens médusés. Posez la même question à Drake, la nouvelle coqueluche r'n'b du moment (pourtant je l'adore). Voilà ce qu'il vous répondrait : "Réincarné, euh ? En enceinte Bose portable, en VitamineWater jaune ou en Blackberry peut-être ?" (je précise que Drake est Canadien, d'où le Blackberry).

Autre info dingue niveau vieux. Steve Jobs, nous apprend l'excellent Guardian, aurait contacté Neil Young (66 ans) juste avant sa mort (celle de Steve Jobs hein, pas celle de Neil Young qui lui est toujours parmi nous, je rassure sa famille qui lit le Huff) - tout ça pour tenter de rapprocher la qualité du MP3 de celle du disque vinyl. N'importe qui aurait été chercher Kanye West ou un type des Arctic Monkeys. Steve Jobs, ce visionnaire, avait lui décidé de donner sa chance à un type aux cheveux grisouillés par les amplis grésillants. C'est un type revenu des avalanches, qui porte si mal son nom (Young = jeune en anglais si vous êtes largués), que Jobs avait choisi pour emmener plus loin la qualité du son. On imagine là scène : Steve Jobs et le vieux Neil, certainement en guenilles, des chaussures au pied un peu genre Mephisto, tous les deux dans le salon de l'un ou de l'autre. Ils sont là, ils fument une petite cigarette d'herbe qu'ils tiennent grâce à une pince à épiler. Ils écoutent The Band, les Allman Brothers ou peut-être Gram Parsons sur un vieux tourne disque et Steve Jobs, déjà un peu mal en point, fait part de son projet à son nouveau copain Neil : "Tu vois j'aimerais ce son, ce truc spacieux. J'en ai parlé à des types plus jeunes que toi, des mecs qui sont né avec un compte MSN. Mais ils ne comprennent rien". Et Neil d'acquiescer et de tendre le petit joint dans sa pince à épiler au patron d'Apple, en lançant, flegmatique. "T'inquiètes Stevy, je vois ce que tu veux dire, on va former une sacrée équipe. Dis, il est bientôt 17 h 30, on va pas louper Les Chiffres et les Lettres ?"

Leonard Cohen, Neil Young. Vous imaginez bien qu'il en manque un. Il nous manque Dylan, en effet. 70 ans, Bod Dylan. Et bientôt frais comme un gardon. On vient d'apprendre que la Cité de la Musique de Paris va consacrer une exposition et un cycle au pape de la folk musique. Vous verrez, de mars à juillet, tout le monde redécouvrira Dylan, tout le monde vous dira que Nashville Skyline est un peu décevant au final ou que Blonde on Blonde est peut-être son meilleur disque. Certains le citeront dans le texte. D'autres feront de lui le candidat au Prix Nobel de Littérature. Les filles vous diront qu'elles s'appellent Johanna car leurs parents étaient fan de Visions of Johanna. Prenez un peu d'avance, révisez votre Dylan entre une écoute de Cohen ou de Neil Young. Pensez vieux les Huffers, pensez vieux, et l'avenir bientôt vous appartiendra (au moins jusqu'en mars tiens).

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