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«Les femmes du prophète»

Les idées principales à retenir de cet ouvrage nous révèlent, en fin de compte, un islam ouvert aux multiples facettes et interprétations.
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En déménageant mes affaires de Londres à Madrid, j'ai retrouvé un vieux travail que j'avais fait dans le cadre d'un cours universitaire sur l'histoire arabe, juste avant que la guerre civile n'éclate en Algérie. Il s'agissait d'une analyse-critique du livre de Magali Morsy, intitulé Les femmes du Prophète, publié en 1989.

Vingt ans plus tard, le fondamentalisme meurtrier s'est propagé sur l'ensemble du monde musulman et bien au delà de ses frontières, dans des pays où d'importantes minorités musulmanes coexistent avec une majorité chrétienne ou laïque.

Finalement, j'ai décidé de résumer les idées principales à retenir de cet ouvrage qui nous révèle en fin de compte un islam ouvert aux multiples facettes et interprétations. Selon l'auteure, l'histoire des femmes du prophète aurait été volontairement occultée car elle aurait remis en question les us et coutumes de la culture arabe, c'est-à-dire celle d'une société préislamique, qu'on appelle Jahiliya. Que la femme passât du statut de simple objet à celui d'être humain à part entière fut difficile à passer dans la société bédouine. Quand Mohammed perdit la protection de son oncle influent, Abu Talib, il n'eut pas d'autres choix que de fuir la Mecque car ses idées menaçaient le système social et familial en place.

Le prophète resta monogame tout au long de son premier mariage, avec Khadija, qui aurait été de 15 ans son aînée et dont il aurait eu une fille, Fatima. Khadija aurait été mariée deux fois avant d'épouser Mohammed, comme quoi la virginité n'est pas essentielle. Comme son dernier mari lui aurait laissé une importante affaire de commerce caravanier, elle aurait engagé Mohammed pour la gérer. Elle lui aurait proposé le mariage par la suite, en 595. Khadija symbolise l'attachement et le respect de la femme par la maternité, comme c'était le cas avec Marie en Occident jusqu'au XXe siècle. Elle sera la première personne à se convertir en 610. Le premier musulman serait donc une femme... Elle aurait joué un rôle primordial, surtout lorsque Mohammed douta ou qu'il se découragea face à l'hostilité grandissante des Mecquois. Elle l'appuiera jusqu'à sa mort.

On dit que Mohammed aurait été très affligé par le décès de sa femme et que sa tante, Khawla Bint Hakim, inquiète, lui aurait proposé deux unions: l'une avec la veuve Sawda Bint Zanaa, et l'autre avec la très jeune Aicha Bint Abu Bakr, ce qu'il fit en 619. Aicha, fille d'Abu Bakr, compagnon fidèle de Mohammed, est surnommée «la bien aimée» et aurait joué un rôle décisif sur les événements politiques après la mort du prophète.

Femme de Mohammed, elle fut à l'origine de plusieurs versets coraniques, notamment ceux concernant l'adultère. En effet, très tôt, Aïcha fut victime d'une rumeur à Médine. On l'accusa d'infidélité. Le prophète, convaincu du contraire par une révélation, demanda par la suite le témoignage de quatre personnes en cas de dénonciation. Par ailleurs, le Coran ne mentionne dans aucun verset de châtier la femme adultère par la lapidation. Cette forme aurait été instaurée plus tard, sous le califat d'Uthman (Othmân) et fait désormais partie de la charia.

Selon Morsy, le Coran permettrait seulement en dernier recours cent coups de fouet pour la femme et pour l'homme dans le cas où les deux accusés refuseraient de se repentir et de se corriger, tout ceci bien entendu dans un contexte sociétal du VIIe siècle.

Aicha aurait été la favorite et ce serait chez elle qu'il se refugia pour passer ses derniers jours. On dit que le logement de la bien aimée communiquait directement avec la mosquée, ce qui prouverait que le prophète n'aurait jamais fait de la féminité un obstacle entre l'homme et son rapport à Dieu. Et ce serait dans cet appartement que Mohammed aurait été enterré. Aicha n'aurait eu que 17 ans lorsqu'elle se retrouva veuve, le 8 juin 632. Ce fut à elle qu'incombait de porter témoignage sur les dernières volontés du prophète. Aucune volonté ne fut donnée quant à la succession et d'après Al-Bukhari, savant du IXe siècle, on prêta à Aicha 228 hadiths sur les 1210 qu'elle aurait entendus du prophète.

Sous le califat d'Umar Ibn Al-Khattab, ou Omar, on interdit aux femmes le pèlerinage de la Mecque et ce fut grâce à l'intervention d'Aicha et d'Uma Salama, autre femme du prophète, qu'on rétablit ce droit et devoir.

Aicha n'hésita pas non plus à intervenir en politique face au nouveau pouvoir des Omeyyades. Elle dénonça leur népotisme. Elle conduit plus tard une armée contre celle de son gendre, Ali, marié à Fatima. Il serait trop long et trop ambitieux ici de résumer tous ces événements politiques. Retenons toutefois qu'Ali, vainqueur, épargna Aicha et l'aurait traitée avec honneur et respect. Aicha, resta un personnage qui lutta toute sa vie pour la protection des droits de la femme en matière religieuse.

L'histoire accorde très peu d'importance aux autres femmes. On dit que Sawda, la deuxième épouse (avec Aicha), n'était ni belle, ni spirituelle. Elle aussi serait à l'origine d'un verset coranique, et pas des moindres, celui concernant le port du voile.

Un soir, se promenant dans la rue, elle fut victime de grossièretés proférées par des hommes pensant qu'elle n'était pas musulmane. C'est alors que le Coran intervint et conseilla aux femmes de porter le voile afin de mieux identifier leur foi et d'éviter toute offense.

La quatrième femme de Mohammed s'appelait Hafsa Bit Umar Ibn Al-Khattab. Il l'épousa en 625 alors qu'elle était veuve, voulant ainsi donner une leçon morale à la communauté. Dans l'Arabie préislamique, une veuve n'était plus rien car elle ne jouissait plus de protection masculine. Néanmoins, le geste n'était pas sans arrière pensée politique, car il s'agissait de la fille d'Umar, futur calife. Hafsa était cultivée. Elle possédait une copie du Coran sous le califat d'Uthman et elle participa d'ailleurs à la recension des versets et des hadiths.

En 626, Mohammed épousa une autre veuve, Hind Bint Abu Umayya, plus connue sous le nom d'Umm Salama. Cette femme d'une rare beauté qui appartenait à la noblesse mecquoise, était remarquée par son intelligence. Elle se serait intéressée surtout à la condition féminine dans l'islam et c'est avec satisfaction qu'elle accueillit les nouvelles règles prescrites par le Coran, comme le droit à la femme d'hériter, acte révolutionnaire dans le monde arabe.

Ensuite, il y a Zaïnab Bint Jahsh, épousée en 626. La seule chose que nous savons d'elle, est qu'elle est à l'origine de la sourate 33, verset 5 où l'islam rompt une nouvelle fois avec les traditions bédouines, cette fois concernant l'adoption. En effet, elle fut répudiée par le fils adoptif de Mohammed, Zaïd. Son mariage avec le Prophète déclaré licite par le Coran était, pour la tradition bédouine, un acte incestueux. Cette reconnaissance pourrait entraîner la condamnation des répudiations.

Mohammed rompit aussi avec une autre coutume qui faisait des femmes de tribus vaincues un butin de guerre. En épousant successivement Juwairiya Bint Al-Harith et Safiaya, juive convertie, captives de guerriers musulmans, il imposa par ce geste respect aux femmes issues des communautés des Saintes Écritures musulmanes, juives et chrétiennes.

Enfin ses deux derniers mariages avec Umm Habiba et Maïamuna Bint Al-Harith eurent lieu pour des raisons stratégiques, dans le but d'une réconciliation et d'une alliance avec les familles dominantes de la Mecque. Toutefois, Morsy souligne que le prophète attachait une importance au consentement de la femme.

Si nous revenons aux fondements de cet islam, la condition de la femme dans l'entourage du prophète au VIIe siècle nous paraît a priori plus progressiste que celle d'aujourd'hui en Arabie saoudite, en Afghanistan et dans l'État Islamique où l'héritage direct de la Jahiliya persiste. Magali Morsy achève son livre en mentionnant cet avertissement dans le Coran: «Dieu ne modifie rien en un peuple avant que celui-ci ne change ce qui est en lui».

Mais prenons garde de ne rien idéaliser. Mohammed songea un jour à se séparer de sa vieille femme Sawda, qui fut surprise en train de reprocher à des prisonniers de manquer de valeurs guerrières et d'être responsables de la mort de ses deux frères qui faisaient partie du camp adverse. Le divorce fut tout juste évité grâce à l'intervention d'Aicha. Mais à quel prix? Au prix de céder ses jours en compagnie du prophète à la «bien aimée».

Le prophète avait aussi une concubine copte, Maria qu'il n'épousa point car celle-ci préféra conserver sa liberté de conscience dans son choix de rester chrétienne. Pourrait-on conclure que le mariage mixte était impossible dans l'islam du VIIe siècle? Ou Maria, en tant que chrétienne, ne pouvait-elle épouser un homme polygame? Safiya, juive de naissance, eut le privilège de se marier parce qu'elle s'était convertie à l'islam.

Dernière chose concernant la polygamie. Morsy nous dit que le Coran préconise ceci: «si vous craignez de n'être pas équitables, prenez une seule femme» et ajoute «vous ne pouvez être parfaitement équitables à l'égard de chacune de vos femmes».

Nous vous laissons le soin de conclure.

Magali Morsy (1933-2005) fut professeur d'histoire à l'Université de Paris III, spécialiste de l'histoire du Maghreb. D'origine britannique par son père et française par sa mère, mariée à un Marocain, parlant parfaitement le berbère, elle vécut de nombreuses années au Maroc où elle enseigna à l'Université de Rabat. On lui doit des travaux remarquables notamment ceux sur la culture maraboutique dans l'Atlas marocain et ceux concernant la vie de Thomas Pellow, jeune anglais, vendu comme esclave à la cour du sultan Mulai Ismail au XVIIIe siècle.

Remarque : certains de ses travaux ont été publiés sous le nom de Magali Patchett-Morsy.

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