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Iran-États-Unis: chronique d'une réconciliation annoncée

Depuis la révolution islamique de 1979, Washington n'a eu de cesse de vouloir restaurer ses liens avec Téhéran. Moins d'une semaine après la chute de la monarchie, l'administration Carter reconnaissait le nouveau régime iranien et relançait ses échanges militaires et économiques avec la République islamique.
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L'escalade des tensions marque un temps d'arrêt. Le scénario d'une guerre semble remisé au placard. C'est en soi une bonne chose pour l'Iran et pour le monde. Mais au-delà de cette très bonne nouvelle, plusieurs éléments sont à souligner.

D'abord il faut rappeler que ce pas vers le rapprochement entre l'Iran et la communauté internationale, loin d'être fortuit, résulte d'un processus enclenché depuis longtemps. Les deux événements qui l'ont rendu possible, le début d'un règlement de la crise nucléaire, mais aussi la lutte commune contre Daech ne sont finalement que les prétextes à ce rapprochement programmé de longue date. Depuis la révolution islamique de 1979, Washington n'a eu de cesse de vouloir restaurer ses liens avec Téhéran. Moins d'une semaine après la chute de la monarchie, l'administration Carter reconnaissait le nouveau régime iranien et relançait ses échanges militaires et économiques avec la République islamique.

La prise de l'ambassade américaine et la guerre Iran-Irak ont certes marqué une rupture entre l'Iran des mollahs et l'Amérique des républicains (voir Le Marécage des Ayatollahs, éditions Perrin), mais, déjà, avec le retour des démocrates, l'administration Clinton entamait un début de rapprochement avec le président Khatami alors volontiers présenté comme un « modéré » même si ce fut sous sa présidence qu'était relancée le programme nucléaire iranien.

Conscient de l'empressement des Américains à restaurer des liens avec l'Iran, le Guide suprême de la révolution islamique a vu dans cette reprise du nucléaire un moyen de faire monter les enchères de ce que les Israéliens ont coutume d'appeler « le grand marchandage » entre Téhéran et Washington. Car à défaut de posséder une arme de destruction massive - ou même de véritablement vouloir l'acquérir -, les dirigeants iraniens ont su utiliser la question nucléaire comme une arme de persuasion massive. Un moyen de faire vibrer la corde nationaliste des Iraniens, de jouer sur la fibre anti-impérialiste du monde musulman, mais aussi un moyen de négocier en position de force avec leurs interlocuteurs occidentaux.

De leur côté, les États-Unis n'ont jamais renoncé à renouer le dialogue avec la République islamique ne serait-ce qu'en raison des opportunités économiques que laissent entrevoir une réouverture du marché iranien. Le processus est relancé avec l'élection d'un nouveau président démocrate dont certains iraniens ont noté, non sans humour, que le patronyme « O-b-m" signifie littéralement en persan « lui-avec-nous ». Déjà, dans son discours du Caire intitulé « un nouveau départ », le président Obama appelait à travailler avec ce qu'il qualifiait déjà d'« islamistes modérés ». L'une de ses premières initiatives de politique étrangère n'avait-elle pas été de souhaiter le Nouvel An perse (Nrouz) aux Iraniens ? C'était le début de la politique de la « main tendue ». Depuis, le locataire de la Maison-Blanche n'a négligé aucun effort pour ménager l'Iran et, en particulier, son homologue, le président Rohni.

Entre-temps, l'apparition du fléau de l'État islamique qui menace à la fois l'Occident et l'Iran et que ces derniers combattent sur un front commun, fournit un prétexte supplémentaire à ce rapprochement. Comparé aux illuminés de Daech, l'Iran des mollahs et des gardiens qui, il y a peu de temps, était inscrit dans l'« axe du mal » apparaît soudain modéré et fréquentable. La lutte que mènent les gardiens de la révolution et les milices pro-iraniennes sur le front irako-syrien, aux côtés de la coalition occidentale, permet même à l'Iran de se racheter une forme de virginité aux yeux de l'opinion publique internationale.

De son côté, l'Iran voit dans la régularisation de son programme nucléaire et dans la reconnaissance de sa contribution dans la lutte contre Daech comme une opportunité pour légitimer son régime et son statut sur l'échiquier moyen-oriental. Toutes les conditions étaient donc réunies pour un désamorçage de la crise nucléaire auquel l'entente de Lausanne vient de donner une caution diplomatique. Reste à savoir si les autres alliés régionaux des États-Unis, Israël et les pétromonarchies arabes, accepteront de voir leurs relations privilégiées, voire exclusives, avec Washington remises en cause par un réchauffement des relations irano-américaine. De nombreux obstacles demeurent sur la voie de ce que les diplomates appellent la « réintégration de l'Iran »... dont les moindres ne sont pas de nature géopolitique.

Le marécage des Ayatollahs, aux Éditions Perrin, de Pierre et Christian Pahlavi. Parution le 2 avril 2015

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