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Le grand égarement québécois

Lorsque les partis politiques ignorent ce qui leur est dit, le désistement du citoyen à leurs égards est d'autant plus révélateur qu'il ne peut s'agir d'un simple égarement.
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Le constat est que l'électorat des régions s'est davantage retrouvé dans le nationalisme que leur a offert la CAQ.
Christinne Muschi/Bloomberg via Getty Images
Le constat est que l'électorat des régions s'est davantage retrouvé dans le nationalisme que leur a offert la CAQ.

«Parfois, dans la vie, il y a un moment d'égarement, on bifurque. Mais on finit par revenir à ses premières amours», Mathieu Traversy, candidat péquiste défait le 1 octobre dernier.

Parfois, il y a de ces moments dans la vie où la réalité, surtout celle de la réalité politique, prend plus de temps à accepter. Comme en fait foi la déclaration ci-dessus de l'ancien député de la circonscription de Terrebonne, car certains politiciens, dans de telles circonstances, n'y voient qu'un passage à vide dans la vie de leur formation politique ou bien une simple traversée du désert pour en ressortir avec plus de sagesse et de vigueur.

D'ailleurs, cette citation cache un brin de condescendance ainsi qu'une petite amertume à l'égard du choix de l'électorat. Ce que dissimule la citation du candidat péquiste est que «Le peuple saura reconnaître son erreur et dans quatre ans celui-ci reviendra dans les officines du bon sens.»

La défaite est parfois difficile à accepter.

L'écosystème politique québécois a pris une autre tangente avec la dernière élection et les vieux partis politiques, le PLQ et le PQ sont tombés en disgrâce auprès d'un vaste segment de la population. Ces deux formations, qui ont partagé le pouvoir entre eux depuis 50 ans, sont désormais vues comme étant obsolètes, inertes et loin des préoccupations de la population.

Est-ce que la souveraineté et le PQ n'étaient en fait qu'un projet et un parti d'une génération?

Est-ce que la souveraineté et le PQ n'étaient en fait qu'un projet et un parti d'une génération? Est-ce que le fédéralisme canadien a perdu toute sa substance et sa pertinence en même temps que le désintéressement de la population à l'égard de la souveraineté?

Nous avons constaté qu'en réalité, le PQ est devenu prisonnier de sa propre option et s'est avéré incapable de mettre à jour et de renouveler le projet de souveraineté pour les générations futures. Comme en fait foi l'article de Michel David du journal Le Devoir, Le rendez-vous manqué, où il en ressort que les baby-boomers, qui ont eu la main mise sur ce parti, ont ignoré inexorablement les signaux d'alarme de la panoplie de rapports qui ressortaient des consultations menées par de jeunes souverainistes tels que Alexandre Bourdeau, Stéphan Tremblay, Jonathan Valois et Paul St-Pierre Plamondon. Et chaque fois qu'un renouveau a été proposé, bien la vieille garde a refoulé toutes les tentatives des jeunes sous le tapis.

Par ailleurs, du côté des libéraux, ceux-ci ayant été rayés des régions du Québec doivent à présent se redéfinir et amorcer une sérieuse réflexion qui va amener ce parti à reconquérir l'électorat francophone. Le constat est que cet électorat s'est davantage retrouvé dans le nationalisme que leur a offert la CAQ. Et ce, encore une fois, malgré tous les signaux que les citoyens leur envoyaient via les différents sondages, la baisse des intentions de vote chez les francophones, le désarroi qu'a occasionné les coupes dans les secteurs de la santé et de l'éducation, rien n'y fi. Le PLQ a pratiqué une vieille politique: en début de mandat, les coupes, ensuite, vers l'échéance électorale, on remet les fruits de la bonne gestion étatique façon libérale.

De surcroît, le PLQ étant fidèle à lui-même, certains élus et non-élus se sont affichés, sans examen de conscience pour définir ce que devra être dorénavant le parti, afin de se positionner pour le poste de chef laissé vacant par Philippe Couillard. Comme le disait Édouard Herriot, homme d'État français: «L'opportunisme est la forme politique de l'égoïsme.»

De tels comportements amènent beaucoup de gens à s'éloigner des partis politiques traditionnels de sorte que le militantisme politique se meurt toujours un peu plus.

Désormais, ceux et celles qui souhaitent créer du changement ou innover dans des sphères telles que l'environnement, l'engagement social et l'éducation vont consacrer leur temps à des organisations ou organismes, rattachés aux causes qui leur sont chères. Le parti politique traditionnel comme élément de changement se trouve bien loin dans leur réflexion.

Malgré cela, le malaise est plus profond, car la population sent de moins en moins d'affinités à l'égard de la politique et des politiciens comme en fait foi le commentaire d'un organisateur libéral, Sylvain Langis dans un reportage de L'Actualité: «Il ne faut pas mettre de lunettes roses. Les partis politiques, les politiciens, c'est une race de monde dans laquelle les gens ne se reconnaissent plus. C'est à nous de réfléchir à la manière de rendre ça plus intéressant.»

Une telle réflexion émane de Michel Wieviorka, Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des sciences de l'Homme – USPC: «Les partis s'enferment dans des calculs politiciens, sont incapables de proposer des visions crédibles de l'avenir. Sauf à les renouveler en profondeur, ils sont condamnés au déclin.»

En conclusion, les Québécois ont tourné le dos non seulement aux partis politiques traditionnels, mais surtout à la façon dont la politique a été longtemps exercée par des nominations partisanes pour services rendus, le manque de transparence dans les stratagèmes de financement des partis et l'utilisation de la culture de la peur pour revendiquer des votes.

Le citoyen veut être entendu, il veut contribuer et il veut se retrouver où l'action se déroule et pourtant les différents partis se questionnent encore à savoir comment l'attirer là où il peut avoir un impact sur la société et sur les enjeux qui lui importent le plus. Mais lorsque les partis politiques ignorent ce qui leur est dit, le désistement du citoyen à leurs égards est d'autant plus révélateur qu'il ne peut s'agir d'un simple égarement.

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