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L'analphabétisme chronique des Québécois favorise-t-il le PLQ?

Alors que le Canada affiche un taux de diplomation postsecondaire parmi les plus élevés des pays industrialisés, il semble qu'au Québec une bonne partie de ces diplômés ne sache pas lire et écrire convenablement.
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Les élections provinciales au Québec approchant à grands pas, il est utile de rappeler une statistique stupéfiante à laquelle aucun candidat ni parti politique ne semble trop prêter attention : 49% des Québécois souffrent d'analphabétisme fonctionnel. L'analphabète fonctionnel est celui qui comprendra les inscriptions sur un panneau d'autoroute ou à l'épicerie, mais ne saura comprendre un texte d'un livre ou d'un journal un peu plus complexe.

49%. La majorité moins 1. Alors que le Canada affiche un taux de diplomation postsecondaire parmi les plus élevés des pays industrialisés, il semble qu'au Québec une bonne partie de ces diplômés ne sache pas lire et écrire convenablement. Autrement dit, nous formons des « techniciens » performants et compétents dans leur domaine d'expertise, mais ces mêmes personnes sont aussi souvent des citoyens pauvrement éduqués et cultivés, et (nécessairement) ignares, puisqu'analphabètes.

Dans toute nation civilisée qui se respecte, dotée d'un minimum de dignité, une telle statistique, ahurissante, déclencherait un branle-bas de combat et la mise en place de grands chantiers visant à ce que cette collectivité intègre le 21 siècle et sa société du savoir. Mais au pays de la stagnation et du triomphe du statu quo, cela ne suffit pas à débrancher les tentes à oxygènes des autorités comateuses. L'on convient que les récriminations sur le temps d'attente à l'urgence et les routes en état de décomposition avancée ne sont pas futiles, mais à quoi bon avoir des hôpitaux et des routes fonctionnels quand un adulte sur deux ne sait pas lire et écrire convenablement? Malheureusement, un adulte qui ne sait pas lire, même multiplié par des millions de personnes, n'est pas aussi spectaculaire visuellement qu'un nid d'autruche ou une personne mourant sur un lit dans un corridor d'urgence.

49% c'est un marasme, un bourbier fangeux desquels notre extraction collective devrait être la priorité no 1. Mais cette faillite collective ne peut s'expliquer strictement par une couverture médiatique insuffisante, qui est bien plus, ici, la conséquence que la cause.

Il y a bien sûr le peu de valeur accordée à l'éducation, culturellement, par bon nombre de Québécois, mais encore une fois cela n'explique pas tout. Il faut aussi remonter plus haut et se demander : à qui profite le crime?

Comment se fait-il que le Parti libéral du Québec (PLQ), au pouvoir depuis 15 ans, avec une interruption quasi-éclair de 19 mois, n'en ait pas fait sa priorité numéro un depuis longtemps?

Nous apprenions récemment que le PLQ est le parti le plus populaire auprès des jeunes de 18 à 34 ans. Ces jeunes, particulièrement la première moitié de cette tranche d'âge, ont intégré une instruction pauvre en histoire, en français et en identité nationale. Déracinés, désâmés, dotés d'une identité floue, peu informés des choses du monde, ils se désintéressent de la politique et de la vie publique et s'ils votent, le font souvent par défaut, se fiant au bruit de fond médiatique qu'ils perçoivent ici et là, à la radio et sur internet. Si tant est qu'ils s'informent, ils gobent et régurgitent le discours officiel dominant des médias de masse, s'en trouvant dès lors plus désinformés qu'informés. Ne sachant pas d'où ils viennent historiquement et culturellement, ils ne savent pas non plus où ils vont.

Comment s'étonner, dès lors, que cette population se tourne vers le PLQ? Car le PLQ, avant tout, est le parti du pouvoir et des affaires, celui pour qui on vote par défaut. Mais c'est aussi le parti de la corruption et de la lente acculturation d'une nation, et un parti qui, depuis plus de 20 ans, ne porte aucun projet collectif majeur, aucune idée réellement novatrice, aucune valeur centrale. L'essentiel des changements apportés depuis 15 ans par ce gouvernement n'est que calqué sur les tendances observables dans le reste de l'Amérique du Nord ou du monde occidental (environnement, parité hommes-femmes, transport collectif, etc.). Bref, ce gouvernement gère. Il ne gouverne pas.

Il crève les yeux qu'une population plus alphabétisée, donc plus instruite, mais surtout plus informée de la chose publique, serait moins dupe par rapport à un gouvernement pataugeant dans une corruption institutionnalisée, mais aussi par rapport à son absence totale de projet collectif rassembleur et inspirant. Pourtant, rien dans l'ADN de ces jeunes ne les rend a priori plus réfractaires à des idées ou projets collectifs. Mais en baignant depuis leurs couches dans un système d'éducation qui les maintient dans l'ignorance sur leur histoire nationale et qui vise beaucoup plus l'acquisition de compétences techniques qu'une éducation civique forte, ils deviennent un terreau plus fertile pour les idées (ou l'absence de) du PLQ. En fait, on constate à l'évidence que le PLQ a créé et maintenu un programme d'éducation qui sculpte une génération de citoyens plus enclins à voter pour lui.

On cite souvent la fameuse phrase de Winston Churchill : « la démocratie est le moins mauvais des régimes ». On cite moins souvent l'autre, moins politiquement correcte, mais tout aussi historiquement vraie : « le meilleur argument contre la démocratie est un entretien de 5 minutes avec l'électeur moyen ». Au Québec et au Canada, on aurait envie d'ajouter « avec un électeur libéral ».

En effet, sans douter une seule seconde qu'il existe une vieille garde d'électeurs libéraux convaincus et raisonnablement informés, il existe aussi une masse de jeunes électeurs acquis aux Libéraux (autant au Québec qu'au Canada) pour des raisons énigmatiques et superficielles. Souvent urbains, habitant les quartiers supposément branchés, bobos, hipsters et autres chasseurs de tendances sont séduits par l'image des manches retroussées de Justin Trudeau, sans s'arrêter trop souvent au contenu de son discours. Tant que les expressions galvaudées et oiseuses comme « ouverture », « diversité », « pluralisme » (expressions qu'on les a conditionnés à aimer depuis le berceau), sont prononcées, on l'aime... La couverture médiatique lui est essentiellement complaisante, et le matraquage quotidien d'images qui lui sont favorables crée, pour le citoyen qui s'informe un peu, mais pas tant, un bruit de fond qui incite à l'appuyer, même si c'est sans trop de conviction.

Au diable la compétence, le contenu, et même si le premier ministre est une coquille vide, on le changera dans 4 ans! Le plus consternant est que, obnubilés par l'image comme un cervidé par les phares d'une voiture, on constate rapidement que nombre de ces jeunes électeurs libéraux sont de facto incapables d'élaborer plus de 30 secondes sur un enjeu donné ou un pan important du programme du PLC ou du PLQ.

Nous avons vu, dans les 5 dernières années, des secousses telluriques majeures modifier en profondeur le paysage politique occidental. Brexit, élection de Trump, montée en force du Front national français et autres partis nationalistes en Europe. Ces mouvements sont des lames de fond provenant des entrailles des États, explicables par un ras-le-bol, parfois fruste ou violent, des populations indigènes vis-à-vis de leurs dirigeants, et une fracture de plus en plus marquée entre les classes moyennes et inférieures d'une part, et les élites de l'autre. Le discours idéologique dominant qualifie cependant ces mouvements de « populistes » et offre, pour toute explication aux succès de ces mouvements, « l'ignorance ». Explication simpliste s'il en est. Car il suffit de voir des reportages fouillés et crédibles, au-delà des préjugés faciles et politiquement corrects, sur les électeurs de Trump, pour constater qu'ils ne baignent pas tous au pays du manque d'instruction et des préjugés et qu'à l'inverse, les supporters de Hillary Clinton ne sont pas à l'abri des slogans vides et de l'ignorance en ce qui concerne l'ancienne première dame.

Et si l'ignorance et la désinformation étaient le fait non pas de ces populations déshéritées ne se reconnaissant plus dans le statu quo, mais au contraire, de ces classes d'électeurs achetant les thèmes idéologiques à la mode mis de l'avant par les partis de l'establishment?

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