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Recteurs: un courant d'air de 300 000$

Alors que la grève étudiante se répandait sur les campus universitaires et que des dizaines de milliers de manifestants battaient le pavé à Montréal comme ailleurs au Québec, nos recteurs, pourtant à la tête de nos établissements d'enseignement et donc les premiers concernés par la crise, se sont démarqués par leur discrétion. Tout au plus se sont-ils contentés, à deux ou trois reprises, d'ânonner la ligne officielle du gouvernement sur quelques plateaux de bulletins de nouvelles. Peur de sortir du rang?
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La rentrée universitaire est à peine entamée que déjà, les scènes d'intimidation et de grabuge se multiplient sur nos différents campus. Ces deux derniers jours à l'Université de Montréal, ce sont les policiers de l'escouade anti-émeute du SPVM qui ont investi les corridors de la respectable institution d'enseignement, procédant à l'arrestation de nombreux étudiants. Au-delà des manifestations et des coups d'éclat (sûrement discutables) de certains étudiants, ces images de policiers caparaçonnés - comme s'ils devaient faire face à une émeute violente! - déambulant dans les corridors d'une institution qui devrait être considérée comme un lieu « sacré », sont à mes yeux d'une violence symbolique inouïe.

Un lieu « sacré » où le débat, le dialogue et la réflexion devraient servir de mesure à toute chose. Un lieu où les différents corps universitaires, tant le rectorat, le corps enseignant que les étudiants, devraient avoir la responsabilité d'assurer le calme et la sérénité de l'établissement mais surtout, d'établir un dialogue constructif garant de la vie universitaire. Si l'on peut certes questionner les agissements des uns et des autres, force est d'admettre qu'un acteur manque à l'appel : le recteur Guy Bretonde l'UdeMet ses différents homologues des universités québécoises.

Alors que la grève étudiante se répandait sur les campus universitaires et que des dizaines de milliers de manifestants battaient le pavé à Montréal comme ailleurs au Québec, nos recteurs, pourtant à la tête de nos établissements d'enseignement et donc les premiers concernés par la crise, se sont démarqués par leur discrétion. Tout au plus se sont-ils contentés, à deux ou trois reprises, d'ânonner la ligne officielle du gouvernement sur quelques plateaux de bulletins de nouvelles. Peur de sortir du rang? Peur de se voir déconsidérer en haut lieu ou crainte de voir les projecteurs de l'opinion publique et des médias se braquer sur leur administration parfois déficiente? Il y a sûrement un peu de tout cela.

Ceux que Denise Bombardier comparait le printemps dernier (Le Devoir, 24 mars) à des « banquiers », à des dirigeants d'institutions financières dont les émoluments se rapprochent bien souvent de véritables prébendes, devront inévitablement faire leur examen de conscience une fois la poussière retombée. Ont-ils été à la hauteur de la mission qui leur est confiée, eux qui bien souvent gagnent le double, voire le triple du salaire du premier ministre du Québec? A-t-on jamais vu le recteur Breton s'asseoir devant ses étudiants réunis en assemblée générale et tenter de les apaiser? A-t-on jamais entendu un appel au dialogue, une proposition de négociation ou une invitation à défricher de nouvelles possibilités quant à l'avenir de l'université? Mais surtout, comment concevoir qu'un homme - ou une femme bien évidemment - dont la carrière devrait être dévolue à l'enseignement, à la mission pédagogique puisse accepter de laisser entrer l'anti-émeute dans l'antre de son université?

En sommes-nous vraiment rendus là : l'université « centre commercial» (les mots mêmes d'un avocat de l'UdeM) donc l'accès pour les « consommateurs » est assuré par des policiers armés? Ces décisions sont non seulement déplorables, elles sont insensées! Nul doute que l'heure des bilans finira par sonner ...

Au Moyen Âge et jusqu'à une époque pas si reculée, l'on avait coutume de conférer le titre de Magnificence aux recteurs des universités européennes. Un poste de prestige, le rang le plus élevé de la communauté universitaire, souvent confié à des gens dont le parcours académique, scientifique et la vie professorale devaient être les garants de leur capacité à tenir le cap d'une institution fondamentale pour notre société. Ces gens ne recevaient probablement pas les 370 000$ de salaire dévolus au recteur de l'UdeM, par exemple, ni ne se déplaçaient à l'aide d'une Lexus de fonction comme le font certains. Mais ils devaient cependant être beaucoup plus dignes d'occuper leur charge - car oui, il s'agit d'un honneur mais aussi d'une responsabilité importante - que ne le sont nos « administrateurs » québécois, qui se sont transformésces derniers temps en véritables courants d'air dans les couloirs de nos rectorats.

L'institution universitaire est mise à mal par la judiciarisationdes conflits et l'intervention musclée des corps policiers sur nos campus. Une longue tradition d'indépendance et de sérénité est en train de voler en éclats : Messieurs, Mesdames les recteurs(trices), où êtes-vous?

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