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États-Unis 2012: Les faucons démocrates

Lors de son élection en 2008, les progressistes américains s'étaient enthousiasmés à l'idée de voir le premier président noir entrer à la Maison blanche. Cela était d'autant plus emballant que ce président avait sous le bras un agenda audacieux dont l'objectif était, entre autres, de restaurer l'image des États-Unis de par le monde, mise à mal par la politique unilatéraliste et agressive de George W. Bush. Or, quatre années plus tard, et aux yeux de bons nombres d'observateurs, la politique extérieure et militaire du président démocrate non seulement s'inscrit dans la lignée de son prédécesseur, mais sur bien des points, elle aura été poussée à un nouveau niveau de violence et de secret.
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Getty Images

La scène est dans la plus pure tradition des rassemblements de campagne américains: une estrade festonnée de bannières étoilées avec, en arrière-plan, des spectateurs conquis et brandissant de petites pancartes aux couleurs de la campagne présidentielle de 2012. Un Joe Biden fougeux, en bras de chemise, monte sur la scène et salue les personnes qui sont venues l'entendre de son resplendissant sourire « Pepsodent ».

Et là, au détour d'une phrase ventant le bilan de l'administration démocrate, le vice-président lance: « Bin Laden is dead! General Motors is alive! », soulevant les cris enthousiastes des partisans démocrates, alors même que les États-Unis s'apprêtaient à commémorer le onzième anniversaire des attentats de 2001. Un homme - terroriste et criminel, certes - a été tué, mais rassurez-vous, bonnes gens! Nous continuons de produire des voitures! Ce même « slogan » douteux avait été entonné lors de la convention démocrate il y a quelques jours à peine, en Caroline du Nord, avec le même effet. C'est un profond malaise qui m'a habité à la vue de cette image de campagne; malaise de voir la vie et la dignité humaine, fut-ce même celle d'un terroriste, être mise sur le même plan que la fabrication de voitures. En 2011, la Maison blanche, par souci d'humanisme et de dignité, mais aussi par prudence politique, avait refusé la diffusion des images du cadavre de Ben Laden. Aujourd'hui, rompant avec cette attitude, elle en fait un argument de vente grossier pour la campagne d'un président qui, sur le front de la politique extérieure, aura manqué à la plupart de ses engagements.

Commander in chief

Lors de son élection en 2008, les progressistes américains s'étaient enthousiasmés à l'idée de voir le premier président noir entrer à la Maison blanche. Cela était d'autant plus emballant que ce président avait sous le bras un agenda audacieux dont l'objectif était, entre autres, de restaurer l'image des États-Unis de par le monde, mise à mal par la politique unilatéraliste et agressive de George W. Bush. Or, quatre années plus tard, et aux yeux de bons nombres d'observateurs, la politique extérieure et militaire du président démocrate non seulement s'inscrit dans la lignée de son prédécesseur, mais sur bien des points, elle aura été poussée à un nouveau niveau de violence et de secret.

Le candidat qui avait promis de fermer la prison de Guantanamo en 2008, ce triste symbole de l'arbitraire militaire, a été incapable de le faire en quatre années de pouvoir. Celui qui saluait le «patriotisme» de ceux qui débusquaient les mensonges et documents litigieux de la Défense a, une fois élu, lancé une véritable traque à ces «whistleblowers» qui ont tant défrayé la manchette, en Amérique comme en Europe (Assange), par l'adoption de plusieurs pièces législatives dont l'Espionage Act ou le Homeland Battlefield Bill. Lois qui par ailleurs sont faites de clair-obscur et qui pourraient très bien - c'est ce que craignent de nombreux intellectuels et chroniqueurs et qu'un récent jugement a confirmé- enfreindre les libertés individuelles et avoir une portée plus globale, notamment sur tous les mouvements contestataires aux États-Unis. Possibilité qui, à la lumière des récents événements d' «Occupy Wall Street», revêt un caractère probabiliste encore plus marqué dans l'esprit de plusieurs ...

Mais Barack Obama, c'est aussi le président qui n'a pas hésité à déployer avec encore plus d'emphase un nouveau concept de guerre à distance, par l'assassinat ciblé à l'aide de drones téléguidés, violant les frontières de nombreux États africains et proche-orientaux. Des attaques aériennes qui se sont démultipliées dans les dernières années, ordonnées par le président lui-même qui consulterait quotidiennement, selon certaines sources, une «kill list» constituée de présumés terroristes. Cette guerre des drones non seulement a-t-elle été étendue, mais elle a causé la mort de milliers de victimes civiles, ces dommages « collatéraux » anonymes dont aucun bulletin de nouvelles ne parle et qui pourtant, dans de nombreux pays, nourrissent la haine des populations locales envers un pays considéré comme une puissance lointaine et impérialiste.

L'ampleur des manifestations insensées qui secouent de nombreuses villes du Proche-Orient ces derniers jours, suite à la diffusion d'un film dont la bêtise n'a d'égal que le manque de jugement des auteurs, révèle bien l'état lamentable des relations entre les États-Unis et les peuples du monde arabe. Barack Obama non seulement s'est montré aussi dur que son prédécesseur républicain quant à la poursuite de la «guerre à la terreur», mais il a utilisé de nouveaux pouvoirs conférés au président américain et qui lui permettent de supprimer, purement et simplement, toute personne - fusse-t-elle citoyenne américaine et donc protégée par la Constitution - soupçonnée d'activité terroriste. C'est le cas notamment du jeune Abdulrahman Awlaki, seize ans, citoyen américain né à Denver et tué sur ordre, comme son père (lui aussi Américain) lors de l'un de ces assassinats ciblés dans la péninsule arabique. Quid de l'habeas corpus et des droits fondamentaux à la défense et à une justice équitable, fondements mêmes de la démocratie américaine et dont le président a la charge?

Il faut revoir le porte-parole de la Maison blanche se faire griller par un journaliste d'ABC à propos de l'assassinat de citoyens américains pour saisir l'apparente immoralité et le caractère extrêmement litigieux de ces décisions. Des actes difficilement conciliables avec l'ancienne vie de professeur de droit constitutionnel de l'actuel «commander in chief»...

Obama promettait en 2008 de restaurer l'image des États-Unis aux yeux du monde. Force est de constater, à la lumière de tous ces éléments, que le bilan n'est guère reluisant. Dans un pays où l'on peine à se relever de la dernière tempête économique, alors que le tissu industriel se délite et que des millions d'Américains peinent à trouver un emploi, à se faire soigner ou à avoir accès aux études supérieures, il y a quelque chose d'indécent à voir l'administration démocrate jouer les faucons et tenter de faire miroiter, encore aujourd'hui, l'illusion de la puissance des États-Unis. Comme quoi, au-delà des administrations et de la présidence, il y a quelque chose de fondamentalement brisé dans ce pays ...

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