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Quand la soupe devient indigeste

Les toits qui coulent, les bibliothèques désuètes, la gestion des commissions scolaires, les programmes de formation et bien d'autres éléments ne font pas partie des conditions de travail des enseignants.
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Depuis décembre, je suis témoin de la publication d'un amoncellement de discours accusateurs concernant la négociation des enseignantes et enseignants, sans réagir, parce que je considérais que ma position de responsable de la mobilisation à la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE) m'interdisait de livrer un discours qui aurait pu être qualifié de biaisé.

Aujourd'hui, la coupe est pleine, la soupe est maintenant devenue indigeste. Je ne peux plus accepter qu'on s'amuse à détruire le travail colossal accompli par mes collègues et celles et ceux qui se sont impliqués corps et âme pour la cause enseignante. Je lance donc ce billet à titre tout à fait personnel.

Donc, en décembre dernier, la FSE et, (oui oui!), ses membres, qui ont été plus que jamais mobilisés, sont allés chercher une entente négociée sur les conditions de travail des enseignants. Entente plus ou moins satisfaisante, selon la position qu'on veut bien avoir.

Si on la compare aux nombreuses attentes justifiées du personnel enseignant, on peut effectivement être déçu. Si l'on regarde le travail fait pour contrer les attentes patronales démesurées et dépassant les 600 M$ de récupérations dans la convention collective, et aller chercher quelque 90 M$ en améliorations, on peut être satisfait. J'arrêterai ici l'analyse, puisqu'il existe des instances plus appropriées que la place publique pour faire les bilans. J'ai, pour ma part, adopté les deux positions pour la simple raison que jamais on n'investira trop en éducation.

Maintenant, que dire des propos de ces acteurs périphériques, réels ou non, puisque souvent on ne peut les identifier clairement, car leur profil personnel est lâchement bloqué. Ils ne se gênent pas pour commenter avec virulence et sans recul le travail réalisé, personnifiant le débat et refaisant l'histoire, comme si l'objectif d'une organisation syndicale était d'enfirouaper ses membres.

Comment peut-on prétendre que l'on puisse récupérer plus d'un milliard de coupures du gouvernement dans le réseau scolaire, uniquement par la voie de la négociation de la convention collective? On ne peut prétendre que la lutte est terminée par le simple fait que l'on a réussi à régler les conditions de travail des enseignants. Je fais fi des mensonges colportés par rapport à des pseudo-coupes dans les services aux élèves, négociées par la FSE.

Comment peut-on prétendre que tous les problèmes identifiés dans le réseau de l'éducation peuvent être réglés par la seule négociation de la convention collective? Les toits qui coulent, les bibliothèques désuètes, la gestion des commissions scolaires, les programmes de formation et bien d'autres éléments ne font pas partie des conditions de travail des enseignants.

Comment peut-on prétendre pouvoir obtenir l'ensemble des revendications enseignantes à l'intérieur d'une seule négociation? Il serait peut-être pertinent de se souvenir qu'il a fallu plus de trente ans de négociation avant d'obtenir les congés de maternité et plus de cent ans pour abolir le travail des enfants.

La mobilisation a fait une grande partie du travail, mais elle a aussi ses limites. La conjoncture ne s'arrête pas à une question d'argent, mais aussi d'essoufflement, de patience du gouvernement et bien d'autres facteurs de nature politique.

Comment peut-on prétendre que régler des conditions de travail signifie appuyer l'idéologie néolibérale? Quel raccourci incroyable! Tous les décideurs ont eu le droit d'influencer le cheminement de la négociation et tous l'ont fait à divers degrés. Ils ont, dans la très grande majorité, appuyé les décisions au nom des enseignants, après d'innombrables heures de débats en instances. Serions-nous tous atteints de la maladie de l'idéologie marchande?

Comment peut-on prétendre en vouloir à la population pour les résultats du démantèlement du réseau de l'éducation? Pourquoi ne pas en vouloir à l'OCDE, tant qu'à y être? L'ennemi n'est pas nous ni le peuple: c'est le gouvernement libéral et ses trois principaux dirigeants.

Comment peut-on prétendre à l'à-plat-ventrisme des membres de la FSE, alors qu'ils ont été quotidiennement, les seuls à manifester dans la rue et dans les écoles, à brasser tous les jours le Temple avec les parents et les autres employés du réseau scolaire pendant douze mois? J'ai personnellement assisté à plus de 90 événements partout au Québec? Je n'accepterai jamais qu'on dénigre le courage des membres de la FSE!

Comment peut-on parler de briser le mouvement de solidarité, alors que nous avons été parmi les derniers syndicats du Front commun à régler notre entente sectorielle? C'est dire que l'exercice a été poussé à son maximum, aux yeux de la très grande majorité des décideurs syndicaux.

La désolidarisation du mouvement syndical s'est effectuée en 2005-2006 avec le départ de neuf syndicats de la FSE. Depuis, jamais la partie patronale n'a été aussi pernicieuse dans ses attaques aux conditions de travail des enseignants, comme si elle profitait de cette division pour tenter de déconstruire notre convention collective. Cette désolidarisation s'est effectuée chaque fois qu'on a parlé de division et de séparation plutôt que de travailler à faire évoluer la cause enseignante, à se rassembler vers davantage d'unité.

Chaque fois que je lis des propos démesurés, démonisant l'un au profit de l'autre, je me dis qu'il y a un intérêt derrière le discours. Je ne crois pas au détachement total, surtout quand ceux qui prônent la division ont des allures de «troll», qui s'acharnent à répliquer ad nauseam sur toutes les plateformes de discussion. Quand quelqu'un prône que le gazon est plus vert ailleurs, c'est qu'il a un objectif, souvent de gain de pouvoir. À la place du ministre de l'éducation, je continuerais à rester dans l'ombre. Pas besoin d'intervenir pour affaiblir le mouvement, nous sommes actuellement des experts pour nous entretuer.

Bref, si ces grands détracteurs de ce monde tiennent tant à l'Éducation avec un grand «É», ne serait-il pas préférable de s'unir pour poursuivre la lutte, plutôt que de dénoncer un peu n'importe quoi et accuser n'importe qui?

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