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Si j'étais un employé du gouvernement...

Si j'étais encore à l'emploi du gouvernement, voici ce qui me paraîtrait raisonnable, réaliste et faisable.
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En empruntant 1,34 milliard de dollars pour devenir commanditaire de Bombardier aéronautique, le gouvernement de Philippe Couillard fait voler en éclats sa politique d'austérité.

Il n'a plus le droit de prétendre qu'il n'a rien à offrir à ses employés. Personne ne le croira dorénavant. Il est indécent et immoral de se montrer pingre pour certains et prodigue pour d'autres.

Je sais faire la différence entre un déficit et un emprunt. Emprunter ne crée pas nécessairement un déficit. On crée un déficit quand les dépenses sont supérieures aux revenus.

Depuis plusieurs années, le gouvernement cumule les déficits parce qu'il dépense plus d'argent qu'il en a. Ainsi, en empruntant 1,34 milliard pour Bombardier, il ajoute au déficit actuel. S'il le fait malgré sa politique d'austérité, c'est parce qu'il juge important - à tort ou à raison - d'aider l'industrie aéronautique. Plus important que d'éponger rapidement son déficit.

Je ne doute pas que les 1 700 employés de Bombardier soient importants, mais les 570 000 employées du gouvernement le sont tout autant, sinon plus.

Malheureusement, on ne peut pas toujours rester déficitaire. Si les offres de l'employeur sont bêtes et méchantes, les demandes des employés restent quand même irréalistes dans le contexte actuel. Quelles sortes de compromis faudra-t-il des deux côtés pour éviter l'odieux d'une loi spéciale?

Si j'étais encore à l'emploi du gouvernement, voici ce qui me paraîtrait raisonnable, réaliste et faisable.

Côté salaires

L'offre patronale: rien pour les deux premières années; 1% d'augmentation pour chacune des trois années suivantes.

Pourtant, les salaires augmentent au Québec et au Canada. Cela se reflète dans l'augmentation du Maximum des gains admissibles (MGA) du Régime de rentes du Québec. Voici cette augmentation au cours des cinq dernières années:

Ces chiffres-là correspondent, en gros, à l'augmentation du salaire industriel moyen canadien. Entre 2011 et 2015, l'augmentation fut presque de 11%.

On ne peut connaître d'avance le MGA des prochaines années. Toutefois, l'on sait qu'une amélioration des salaires de l'ensemble des travailleurs augmente proportionnellement les revenus du gouvernement et lui donne une meilleure marge de manœuvre.

Monsieur Coiteux dit qu'en dépit du gel des salaires, 40% des employés toucheront une augmentation de 3,6% par année en raison de la progression des échelles salariales. C'est habituellement plus élevé que l'augmentation du MGA.

Si monsieur Coiteux était raisonnable et garantissait à tous les employés, pour chacune des cinq années visées, un montant forfaitaire égal à l'augmentation du MGA, j'accepterais son offre initiale.

Cela signifie que les employés jouissant d'augmentations de 3,6% parce qu'ils n'ont pas encore atteint le dernier échelon devraient se contenter de l'offre initiale si l'augmentation du MGA est inférieure. Si l'augmentation du MGA est supérieure, ils auraient droit à la différence sous forme de montant forfaitaire.

Les autres employés se contenteraient de l'offre initiale, mais recevraient chaque année, sous forme d'un montant forfaitaire étalé sur chaque paie, une augmentation égale à celle du MGA telle que calculée dans la loi sur le Régime de rentes du Québec.

Les montants étant forfaitaires, les échelles salariales ne seraient pas modifiées autrement que ce qui est prévu dans l'offre patronale initiale.

Un tel arrangement est nettement désavantageux pour les employés puisque les échelles de salaire seraient à peine augmentées au bout de cinq ans, mais il me satisferait, compte tenu des circonstances, si j'étais encore à l'emploi du gouvernement. Des montants forfaitaires égaux à l'augmentation du MGA seraient mieux que rien du tout.

Côté régimes de retraite

L'offre patronale: l'âge normal de la retraite à 67 ans; pénalité de 7,2% par année avant 67 ans; pas de retraite avant 62 ans; période de référence de 8 ans au lieu de 5 ans pour calculer le montant de la pension. C'est une réduction importante des avantages actuels.

Cela fait maintenant dix ans que je suis retraité. Je reçois ma pension d'employé du gouvernement (RREGOP), ma rente du Québec (RRQ) et ma pension de sécurité de la vieillesse (PSV) du fédéral. Quand je suis parti, mes diverses pensions correspondaient à environ 70% de mon salaire. Aujourd'hui, c'est environ 52% du salaire que je gagnerais si je n'avais pas cessé de travailler. Si j'avais été sous le joug de l'offre patronale, je serais parti avec 65% de mon salaire et mes pensions me donneraient aujourd'hui moins que 50% de la valeur actuelle de mon salaire.

Le but du système de retraite est de garantir des pensions équivalentes au salaire perdu. Les offres patronales s'éloignent nettement du but. Elles sont d'autant plus inacceptables que même le statu quo ne protège pas le pouvoir d'achat, en tout cas à long terme.

Si Justin Trudeau tient parole, il ramènera la PSV à 65 ans. Je pense que monsieur Coiteux n'aura plus de raison de reporter à 67 ans l'âge normal de la retraite.

Il ne devrait pas y avoir de pénalités pour ceux qui partent avant l'âge normal, mais il doit y avoir des ajustements actuariels afin de neutraliser le coût d'une retraite hâtive. Ces ajustements tournent le plus souvent autour de 6% par année et non de 7,2%.

La période de référence pour le calcul d'une pension devrait être idéalement de 3 ans ou moins. La garder à 5 ans me paraîtrait correct dans le contexte actuel.

Monsieur Coiteux dit que tout cela coûte trop cher. De mon point de vue, ce qui importe, c'est la masse salariale de chaque employé. Si elle n'est pas plus lourde que son équivalent dans le privé, monsieur Coiteux n'a aucune raison de farfiner. Dois-je rappeler que les employés du gouvernement gagnent le plus souvent moins que leur vis-à-vis dans le privé?

Les employés du gouvernement ne coûtent pas trop cher. Si les libéraux jugent que les Québécois n'ont pas les moyens de leurs ambitions, c'est dans les services qu'ils doivent couper, pas dans les salaires. Qu'ils fassent leur job de fossoyeurs des services publics si cela leur chante! Les électeurs sauront juger des résultats.

Les 1 700 employés de Bombardier - qui jouissent d'excellentes conditions de travail - ont mérité toute la considération de messieurs Couillard et Coiteux. Ça devrait être pareil pour leurs 570 000 employés.

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